Diagonale des Fous - Antoine Guillon
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Antoine Guillon à La Diagonale des Fous : "tenter moins de 24 heures"

En 12 participations et onze top 5 (dont une victoire), le trailer de l'Hérault est le plus capé de l'histoire du Grand Raid (devant le Réunionnais Jean-Philippe Louis-Marise et le viticulteur beaujolais François d'Haene, quatre victoires chacun). Selon Le Quotidien de La Réunion, qui a établi un classement cumulé des 15 premiers coureurs de tous les temps de 1989 à 2018, Antoine Guillon se classe n°1. C’est certainement l'ultra-trailer qui a la meilleure connaissance de la course.

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Pour quelles raisons entretenez-vous une relation si particulière avec la Diagonale des Fous, dont ce sera cette année votre 13e participation ?
Avant de la courir, je suivais la course à distance, par internet. La première fois que je l'ai courue, j'ai été invité par une équipe. C’est à ce moment que j'ai su pourquoi je voulais faire du trail. Il y a tous les éléments qui me plaisent : la fête, l'esprit sauvage et un terrain qui me ressemble. À La Réunion, on est plus sur le raid que sur la course à pied.

Comment présenteriez-vous le Grand Raid à celles et ceux qui ne connaissent pas ?
C’est une épreuve très différente de ce qui existe ailleurs. Elle est assez unique. Il faut être polyvalent, extrêmement patient car il s'agit de la traversée d'une île du Sud au Nord et qui va traverser des paysages différents, des terrains différents, des amplitudes thermiques redoutables entre 0°C la nuit et plus de 30°C le jour.  Il n'y a pas vraiment de zones de repos. Chaque descente est technique, car les montées sont très raides. On se trouve face à soi-même. On ne peut pas compter sur une autre personne. En cela, c’est très différent des Alpes. On ne peut pas s’arrêter n'importe où, c’est beaucoup plus compliqué. Par exemple, dans Mafate, personne ne peut venir chercher le coureur, c’est inaccessible. Sauf par hélicoptère en cas de grosse blessure. La difficulté principale sur La Diagonale des Fous, c'est que si on a un pépin physique, cela engendre l'arrêt de la course. On s'assoit et on attend que cela passe. On ne peut pas marcher, contrairement à l'Ultra Trail du Mont-Blanc. Si tu te fais mal, tu dois encore parcourir des dizaines de kilomètres à pied, avec des ascensions, dans des ravines c’est moins confort que les Alpes.

Qu'est-ce qui différencie (et/où rapproche) le Grand Raid de l'UTMB, deux ultra trails majeur  souvent comparés ?
Rien ne rapproche le Grand Raid et l'UTMB en fait. Le terrain est très différent : propre dans les Alpes, très technique à La Réunion. Il y a une grosse fête autour de La Diagonale des Fous qui vient des habitants de l'île et pas seulement des accompagnants comme à Chamonix. L'accès est aussi beaucoup plus libre à La Réunion pour les personnes qui veulent accompagner un coureur. L'UTMB c’est ultra strict. En 2005, quand je l'ai couru, c'était alors différent. Aujourd'hui, je n'y vais plus justement pour cette raison. Ça ne me convient plus. La Réunion, c’est la liberté, sans pour autant que ce soit le bazar. Les gens font la cuisine à tous les coins de rue, le gâteau patate. L'ambiance est bon enfant.

En quoi la Diagonale des Fous est-elle très exigeante ?
Le terrain est très exigeant. Mis à part le sable, il y a tous les types de terrain existants possibles. On a des bouts de route, des portions de sentiers où il faut s'aider avec les mains et s'accrocher aux arbres,  sous peine de perdre l'équilibre, des marches naturelles et artificielles, de la boue, des chemins rocailleux, des pierres très abrasives,  etc.

Diagonale des Fous
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Quels sont les points clés de la course ?
Savoir gérer le chaud et le froid, les amplitudes thermiques est une des clés. Mais le plus compliqué est de savoir se gérer et d'être à l'écoute de son corps. Il faut savoir s'alimenter quand il fait extrêmement chaud ou dans les grosses ascensions ou les descentes très raides.

Pourquoi les barrières horaires sont-elles si larges (66 heures) ?
Tout simplement car la course se veut populaire. On court ici dans un esprit convivial, absolument pas pas élitiste.

En quoi le fait de ne pas pouvoir courir avec des bâtons est-il impactant ?
Courir sans bâtons complique la chose. Les bâtons soulagent d'environ 20% les membres inférieurs. Donc sans bâtons, c’est tout dans les jambes. En plus, on adopte une position qui va faire que la pose du pied est un peu différente, qui sollicite plus le mollet, le risque de crampes est donc plus accru, les maux de dos aussi. On doit être plus dans la minutie, dans la méticulosité.

Il y a aussi les marches qui sont une spécificité de La Diagonale...
Oui. On travaille des muscles différents que ceux qui sont sollicités quand on court de manière linéaire. Les angles des muscles sont plus prononcés.

Quels conseils / enseignements donneriez-vous aux coureurs ?
"Il faut vivre la première partie de course (les 65 premiers kilomètres jusqu'à Cilaos, ndlr), comme une belle balade". Ce que dit Benoît Girondel (double vainqueur, originaire de la Drôme, NdlR) est vrai. Comme s'il n'y avait pas le dossard. En tête de course, ça court vite. Mais il faut veiller à ne pas s'emballer et se méfier des descentes pour ne pas casser trop de fibres musculaires. Jusqu'à Cilaos, il faut être un peu en sous-régime de manière à attaquer les 2/3 du parcours restants en forme. La course commence en effet à Cilaos.

Au-delà de sa difficulté, la course tire sa légitimité de l’histoire même de l’île, où, du temps de l’esclavage, des hommes traversaient ces terres perdues au milieu de l’océan Indien de part en part, et escaladaient les remparts volcaniques pour échapper à leur condition. Est-ce cette histoire qui fait que l'île dans son intégralité vibre pouyr l'événement ?
Oui. Après le temps de l’esclavage, une légende est née autour de sorcières, notamment la sorcière de Kaala. Kaala, c'était un endroit, non pas maudit, mais qui inquiétait. Du coup, peu de monde s'aventurait au coeur de l'île. En 1989, avec la Marche des Cîmes (l'ancêtre de la Diagonale des Fous, NdlR), les coureurs sont entrés à Kaala. Ça a permis l'ouverture sur les sentiers de l'île. Avant personne ne voulait y aller. La légende était tenace. Donc la course a permis un déclic.

Quelle est votre objectif cette année ?
J'aimerai bien faire moins de 24 heures – 25h07 en 2018 (4e), 24h15 en 2016 (2e), 24h25 en 2017 (2e) et 24h17 en 2015 (1er). Sur ce parcours (les distances et dénivelés ont évolué en fonction des années avant de se stabiliser à 165 km et 9700m D+ en 2016), je n'ai pas encore réussi.

Comment se termine  une Diagonale ?
Pour être finisher, il faut être bien préparé. Inutile de faire de la vitesse à l'entraînement mais plutôt des choses douces pour développer l'endurance. Car c’est quand on est endurant qu'on peut être plus rapide. Il faut aussi faire attention à ce qu'on avale. Il faut beaucoup de patience. Il faut également avoir en ligne de mire le plaisir. On est poussé par le public. Il faut se sortir de la tête le chrono. Il faut se détacher de tout ça. On met plus longtemps qu'à l'UTMB à cause de la technicité des terrains. On n'a pas idée. C’est terrible.

Selon une consultation de L’Équipe, le Grand Raid est considéré comme la course la plus mythique de l’ultra-trail. C’est justifié selon toi ?
Oui.. Car l'épreuve approche sa 30e année, se déroule dans un cadre fabuleux et dans une super ambiance.

Diagonale des Fous
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Les conseils d'Antoine Guillon

Gérer la course

  • Départ – Domaine Vidot :
    Ne pas s’emballer sur la route, profitez simplement de l’ambiance. Lorsque la pente s’élève, ce n’est pas parce que les autres courent que vous devez vous sentir obliger de faire de même. Si on adopte ce principe, alors tout le monde attendrait qu’un coureur marche pour arrêter enfin son effort ! Au ravito, exécutez les gestes que vous avez anticipés, sans perdre plus de temps.
  • Domaine Vidot – Notre Dame de la Paix :
    La civilisation est derrière vous, ce qui rend plus facile de rentrer dans votre bulle. Ca monte franchement ; évitez les à-coups pour doubler. Vous avez de l’énergie, ne la gaspillez par des changements de rythme inutiles. N’accélérez pas sans démesure sur la piste plate qui précède le ravito.
  • Notre Dame de la Paix – Sommet après parking Nez de Bœuf :
    Vous êtes dans votre rythme, pas mal d’heures se sont écoulées, vous pouvez relancer entre les obstacles pour alterner marche et course, mais toujours dans la maîtrise du rythme et du confort musculaire.
  • Descente sur Mare à Boue :
    C’est la première, profitez-en pour laisser vos pulsations redescendre. Je conseille d’avoir un rythme de petit trot dès que le terrain est propre afin de garder une dynamique. Les quelques km de route avant le ravito, si vous les courez, doivent être sans chocs, à foulée économique, la suite est redoutable.
  • Mare à Boue – Mare à Joseph :
    Grosse montée régulière dans un fatras de rochers. Cette partie ensoleillée pour la plupart d’entre vous mérite une grande prudence. L’hydratation sera importante et surtout la trajectoire. C’est là que vous mettrez à profit tous vos exercices dans les terrains pourris. Soyez toujours économiques, souples, en sélectionnant les marches intermédiaires pour limiter vos efforts. La descente est infernale ; idem, soyez réguliers, évitez les freinages forts, essayez d’être constants dans l’économie et le déplacement.
    La route avant le ravito ne doit pas être courue fortement, décontractez-vous, mais ne la marchez pas entièrement ! Ne passez pas plus de temps que nécessaire à Cilaos, c’est un piège à abandon.
  • Cilaos- Pied du Taïbit :
    Vous vous êtes bien restaurés, donc prudence dans la reprise du rythme ; cependant le terrain est souvent favorable à un petit trot sympathique. Attention à la chaleur, profitez des ruisseaux. Quand la pente s’élèvera, si vous levez le nez vous apercevrez le sommet du Taïbit, du moins des pics qui annoncent la couleur ! Dites-vous qu’enfin vous allez entrer dans Mafate, le pied, le rêve de plein de trailers ; vous avez cette chance, donc votre motivation est à son comble
  • Pied du Taïbit – Marla :
    Comme après Mare à Boue, il convient d’être économique et attentif à votre trajectoire pour garder des réserves. Dans la descente sur Marla, soyez prudents dans les marches, limitez les chocs à la réception. Il vaut parfois mieux trottiner à petit rythme que marcher et subir les impacts des marches. À vous de voir.
  • Marla – Grand place les Bas :
    Une jonction assez roulante, mise à part la section du col des Bœufs ; la partie idéale pour remonter un peu le niveau de vos réserves en mangeant régulièrement (en modérant votre rythme bien sûr, d’autant plus s’il fait chaud). Ne vous grillez pas en vous laissant aller à l’euphorie.
  • Grand Place les Bas – Maïdo Tête Dure
    C’est dur physiquement, mais mentalement vous êtes prêts à accepter de relever le défi. Les pentes sont sévères autant en montée qu’en descente. La trajectoire et la patience auront raison de la difficulté générale. Prenez d’emblée un rythme très prudent, quitte à avoir la surprise de vous sentir plus faciles que vous ne l’imaginiez ; alors c’est que vous êtes bien calés.
  • Sommet – Sans Souci :
    Après un bon ravito, profitez de cette longue section au profil descendant pour vous refaire une santé physique et psychologique. 5 km pas franchement descendants, puis c’est parti pour presque 10 km en pente régulière. A ce stade il n’y a guère de risque de vous emballer Soyez juste attentifs à la réception « post marches », elles sont nombreuses.
  • Sans Souci – La Possession :
    On ne peut plus rien pour vous. Il faut hisser votre carcasse sur le chemin de Bord et descendre jusqu’au ravito de Ratineau très technique, puis remonter dans le dur de la Kala et pousser jusqu’à la Possession sur un sol très caillouteux. L’astuce, c’est d’éviter les bosses inutiles, c’est-à-dire de poser le pied sur un caillou pour poser le suivant dans un creux et recommencer x fois. Ça paraît logique, mais avec le manque de lucidité, je vois des aberrations de trajectoires… Pour les coureurs rapides, cette partie se court beaucoup, souvent au mental.
  • La Possession – Grande Chaloupe :
  • La route va vous faire du bien. Puis soyez très attentifs au choix des dalles pour poser vos pieds dans le chemin des Anglais. Vous pouvez même vous payer le luxe de trottiner sur une ou deux parties plates, histoire de défier ce sentier et remonter votre moral. Les rapides courront même les faux plats.
  • Grande Chaloupe- Colorado :
  • La dernière ascension se présente. A présent que vous savez très bien monter (même ceux qui ne font pas de dénivelé en auront 8800m D+ au compteur !) vous n’avez qu’à mettre en pratique votre savoir faire. Ce n’est plus qu’une question de patience.
  • Colorado – Stade de la Redoute
    Dernière descente, compliquée, qui donnera à votre tee-shirt finisher encore plus de saveur !
  • Conclusion :
  • C’est bien jusqu’à Grand Place les Bas que se construit la course, afin d’encaisser la suite en bonne possession de nos moyens. La bonne blague diront certains, 98 km pour se mettre en jambes. Eh oui, c’est ça le GRR !
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