Histoire : que trouvait-on à Lyon avant Lugdunum ?

En raison du confinement, nous vous proposerons régulièrement des articles sur l'histoire de Lyon, pour voyager dans le temps. Avec un site majestueux où deux cours d’eau se rejoignent, impossible de croire qu’il n’y avait pas de Lyon avant 43 avant notre ère et la fondation de Lugdunum. La présence humaine est attestée sur ces terres dès -29000.

Les terres de Lyon n’ont pas attendu 43 avant notre ère et la fondation de Lugdunum pour accueillir des hommes. La présence humaine est attestée entre -29000 et -22000 à Vaise, c’est le règne d’Homo sapiens, pas un lointain cousin, mais tout simplement nous. Neandertal, qui dominait largement l’Europe en - 40000 a été remplacé : après une cohabitation de dix mille ans, il disparait vers -28000. Épidémie, massacre, raisons climatiques, supériorité technologique de Sapiens, hybridation ? Les raisons de l’extinction de Neandertal conservent encore des mystères, même si les chercheurs se tournent vers l’hypothèse d’une conjonction de plusieurs facteurs.

Dans la région, sur une période proche, Sapiens nous a laissé l’une des merveilles du monde : la grotte Chauvet en Ardèche. Elle est fréquentée une première fois de 37000 à 33500 avant notre ère, puis une deuxième fois, entre -31000 et -29500. Les recherches ont permis de dater les peintures dans la première période. Avec plus de 1 000 dessins, dont 425 animaux représentés, issus de 14 espèces, Chauvet nous indique la faune de l’époque : lions, ours, panthère, rhinocéros, mammouths, chevaux, bisons… Des chimères moitié humaines moitié animales sont également présentes, dont l’exceptionnel “pendant de la Vénus”, un triangle pubien surmonté de dessins de tête de lion et de bison. Il s’agit de l’une des plus vieilles représentations féminines de l’histoire, écho aux statues de Vénus du paléolithique qui ont été découvertes en Europe. À la même période, si des hommes passent par les terres de Lyon, ils n’y habitent pas encore.

De chasseurs-cueilleurs à agriculteurs

Pour arriver à une occupation fixe, il faut réaliser plusieurs sauts dans le temps. Durant la période glaciaire, vers -18000, Vaise était occupé par un lac, la Saône est alors plus haute d’une dizaine de mètres, le Rhône est un torrent indomptable. Il faut attendre la fin de la période glaciaire, vers -12000, pour que les lieux soient plus “habitables”, ou du moins fréquentables. Le Rhône est à un niveau plus bas que celui qu’on connaît aujourd’hui, le lac à Vaise a disparu. Une forêt s’est imposée, les troupeaux d’herbivores sont partis. L’homme occupe les lieux de manière plus continue, vraisemblablement sur le plateau de la Duchère. Il s’adapte à la chasse d’animaux plus petits au sein de cette forêt lyonnaise et fabrique des outils pour cela, des microlithes. Ce sont des petits silex adaptés aux petites proies. Chasseur-cueilleur, il n’a pas encore mis en place l’agriculture qui vient juste d’apparaître au Moyen-Orient (-12000). Ainsi, on retrouve encore des traces de flèches et de silex à la Duchère, datant de –10000, période où en Europe les mammouths ont disparu. Vers -7000, les premiers agriculteurs apparaissent dans le sud de la France, avec eux vient aussi la nécessiter de mieux stocker, transporter, échanger, puis vendre, c’est l’avènement de la poterie. En terre de Lyon, des poteries de –5500 ont été découvertes à Vaise, des traces également à Saint-Priest, attestant de passages ou d’occupations sur les deux rives du Rhône. Entre -4000 et -3000 des agriculteurs s’implantent, les habitations apparaissent, avec des palissades ou murs. De nombreuses poteries de cette période vont être découvertes, mais aussi des outils et des ossements humains brûlés, interrogeant sur les rites funéraires de l’époque.

Le carrefour

À partir de -3500, -2500 avant notre ère, les terres de Lyon vont se faire de plus en plus carrefour commercial et culturel. Les hommes suivent alors les chemins tracés par la nature, la Saône et le Rhône. Vaise est toujours habité, comme en témoignent les vestiges de stockage trouvés. Entre -2000 et -2500, la Duchère et Vaise sont toujours des lieux de choix, mais les fouilles ont permis d’établir une occupation en bas de la Croix-Rousse côté Saône, avec des habitations pérennes. Jusqu’en -750, la présence va se faire plus dense à Vaise, même s’il est anachronique de parler de ville. Les forêts ont quasi disparu du secteur, le bois largement utilisé pour la construction, l’artisanat et la vie de tous les jours (cuisine, chauffage…). L’homme a modifié son environnement, l’agriculture est plus “intensive”, avec une part belle pour les céréales comme le blé ou l’orge, mais aussi les fèves (avec parfois des périodes sans occupation à cause de l’appauvrissement du sol par ces cultures). Les silos permettent de stocker la production et une partie de cette activité est dédiée au commerce. En parallèle, on élève majoritairement des bovins, ainsi que porcs et chèvres. La chasse a été reléguée au second plan, tournée avant tout vers les grands animaux comme les cerfs.

Déjà une capitale

Vers -600, Massalia (future Marseille) est fondée par les Grecs de Phocée, les terres de Lyon vont devenir le point d’échange entre le Nord et le Sud avec un dénominateur commun : le vin en amphore. Le Lyon gaulois va émerger, même si des éléments restent encore méconnus. De nombreux vestiges d’une période datant de -200/-100 ont été découverts, témoignant de la présence d’enclos de taille importante, des bâtiments, mais aussi encore une fois d’amphores de vin. Les quantités de restes présents dans des fossés sont si importantes, face à un réseau d’habitations qui reste encore modeste, qu’une hypothèse prend le dessus : les terres de Lyon ont sans doute servi à l’organisation d’immenses festins gaulois, réunissant des centaines de personnes. Plusieurs fossés de même nature ont été découverts à Vaise et Fourvière, laissant entrevoir des terres de Lyon qui pouvaient accueillir les visiteurs venus parfois de loin, pour quelques jours, soulevant, là encore, une autre hypothèse majeure : quand les Romains construisent en -12 le sanctuaire fédéral des trois Gaules sur les pentes de la Croix-Rousse, là où chaque année se retrouvent les représentants des nations gauloises, perpétuent-ils des rassemblements qui se sont déjà produits sur les mêmes lieux ? Dans l’ouvrage de référence Lyon avant Lugdunum*, la réponse apportée va encore plus loin : “Il est probable que la véritable naissance de Lyon en tant que capitale politique et économique n’a pas eu lieu en 43 avant notre ère, mais plus de cent ans plus tôt (…) Elle ne réside pas dans cet oppidum tant recherché, dont César ne fait pas mention, mais bien dans ces enclos dominant un site grandiose à la croisée des peuples Ségusiave, Allobroge, Ambarre et fréquenté de manière sporadique ou permanente, pour des cérémonies publiques censées sceller les échanges et les alliances.” Dès lors, pour les chercheurs, ces vestiges suffisent à eux seuls à caractériser une ville au sens historique du terme, c’est-à-dire politique et religieux. Quand les Romains fondent ici Lugdunum en 43 avant notre ère, c’est tout sauf un hasard.

Lyon avant Lugdunum, sous la direction de Matthieu Poux et Hugues Savay-Guerraz, pôle Archéologie du département du Rhône.
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