Les déchaînements de violences confirment une lecture binaire du monde de certains jeunes. Plus que des faits divers, il s'agit des symptômes d’un mode de relation où l’on refuse de se soumettre aux lois communes à tous.
Depuis le début de l’été, des actes particulièrement violents font la une des journaux locaux et nationaux. Pédopsychiatre et psychanalyste, Maurice Berger, auteur de "Sur la violence gratuite en France" (L’Artilleur), travaille auprès d’adolescents hyper-violents dans un centre éducatif renforcé de la région lyonnaise. Maurice Berger est pédopsychiatre, ancien chef de service en psychiatrie de l’enfant au CHU de Saint-Étienne. Enseignant à l’École nationale de la magistrature, il montre que la violence de ces jeunes est le fruit de facteurs à la fois psychologiques et culturels. Lyon Capitale : Une jeune aide-soignante traînée sur 800 mètres par un chauffard en fuite à Lyon, un chauffeur de bus tabassé à mort à Bayonne pour avoir voulu faire respecter le port du masque, une gendarme d’une vingtaine d’années mortellement fauchée par un automobiliste multirécidiviste lors d’un contrôle routier dans le Lot-et-Garonne, un sapeur-pompier blessé par tir d’arme à feu au cours d’une intervention dans un quartier d’Étampes. Sont-ce de simples “faits divers”, comme certains observateurs le soulignent, ou les stigmates d’un “ensauvagement” de la société, pour reprendre la récente formule du ministre de l’Intérieur ? Maurice Berger : Ce ne sont pas des faits divers mais les symptômes d’un mode de relation où l’on refuse de se soumettre aux lois communes à tous. Pour la grande majorité des mineurs délinquants que je rencontre, les règles communes du vivre-ensemble sont vécues comme une soumission insupportable. En 2018, une enquête de l’Insee indiquait une violence gratuite toutes les 44 secondes en France. Mais ce qui est encore plus inquiétant, c’est une nouvelle sorte de violence gratuite, récente, exercée par des individus qui descendent dans la rue avec pour seul objectif de frapper autrui : c’est une gratuité totale dans la violence, l’intention de départ étant celle d’aller se battre. L’étude récente d’Alain Bauer et de Christophe Soullez, “Le grand retour de l’homicide ?” (janvier 2020) montre une augmentation du nombre des homicides en France après une baisse de 60 % entre les années 1994 et 2014. Les chiffres de 2018 sont de 845. Ceux de 2019, autour de 950, donc une augmentation de 8,5 % en un an. Ce chiffre de 2019 est supérieur à celui de 2015 (872, incluant les 130 morts de l’attentat du Bataclan) et à celui de 2016 (892, incluant les 86 morts de l’attentat de Nice). Les auteurs concluent : “En tout état de cause, un profond mouvement de retour à la violence physique semble se produire en Occident, ignoré, volontairement ou involontairement, ou sous-estimé (…), ce qui remet en cause un acquis fondateur : le droit de vivre.” Le crime est donc devenu un mode de traitement des litiges.Il vous reste 83 % de l'article à lire.
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