Source : Emma Rodot Conseil municipal de la Ville de Lyon, le 30 juillet 2020

Aides à la culture : la ville de Lyon a-t-elle favorisé certains médias ?

Cinq médias ont été aidés par la ville de Lyon dans le cadre du fonds d'urgence à la culture de 2 737 647 euros voté par la municipalité ce jeudi.

Dans un article publié mercredi sur lyoncapitale.fr (lire ici) à propos du fonds d'urgence de 2 737 647 euros pour aider le secteur culturel, fonds adopté jeudi par le conseil municipal de la ville de Lyon, nous évoquions parmi les bénéficiaires plusieurs médias, dont Le Petit Bulletin (100 000€), Radio Nova Lyon (25 000€), Hétéroclite (20 000€), Recreation Agency (12 000€) ou encore Radio Metal (10 000€). Contactée à l'époque sur ce choix de financer dans des proportions importantes certains acteurs médiatiques observateurs de la politique culturelle, et donc en lien direct avec sa délégation, Nathalie Perrin-Gilbert, n'avait pas pu être jointe. L'adjointe en charge de la culture de la ville de Lyon nous a finalement répondu ce vendredi par mail, expliquant avoir eu un délai trop court entre notre demande et la publication de l'article pour répondre à nos questions.

Sur le fonds, l'ancienne maire du premier arrondissement assure que “l'instruction des dossiers s’est faite en lien avec la direction du contrôle de gestion et avec l’appui du service juridique de la ville de Lyon et non pas par la seule adjointe à la culture, ni ses services. D’ailleurs, chacun des 359 dossiers a fait l’objet d’une double instruction : Culture et contrôle de gestion”.  Cette “étude au cas par cas” a été effectuée par les services de la ville de Lyon en fonction de plusieurs critères : “avoir un siège social à Lyon, une analyse de l’impact économique sur l’activité artistique et emploi culturel, un soutien exclusif à des difficultés liées à l’impact de la crise sanitaire, un montant proposé ajusté selon la santé financière de la structure (solvabilité, fonds propres importants…)”, indique la municipalité.

Quel rôle pour le chargé de mission de Nathalie Perrin-Gilbert ?

Hier, lors du conseil municipal, Pierre Oliver, le maire du 2e arrondissement a suggéré à l’exécutif municipal (ici à 8h12min), pour prendre en charge le coût des illuminations de Noël, de “prendre sur l’enveloppe de 100 000€ donnés au Petit Bulletin, le journal dans lequel le chargé de mission de l’adjointe à la culture travaillait avant d’intégrer les effectifs de la ville de Lyon il y a quelques mois.” L'élu Les Républicains faisait ici référence à Elliott Aubin, ancien élu du 1er arrondissement et adjoint de Nathalie Perrin-Gilbert, passé par Le Petit Bulletin comme stagiaire, puis pigiste. Un journal pour lequel il a écrit, selon les archives du média, pour la dernière fois le 12 mars dernier après 17 articles sur le théâtre en sept mois. “Il n’est pas intervenu dans le processus de décision, ni pour Le Petit Bulletin, ni pour aucune autre structure, le travail d’instruction ayant été fait par les services en amont d'un arbitrage final qui a été de ma responsabilité et que j’ai présenté au maire et sa première adjointe. J'ai également présenté cet arbitrage aux neuf maires d'arrondissements ainsi qu’en commission culture où notre travail a par ailleurs été salué par Mmes Verney Carron et Sylvie Palomino, membres de l'opposition. Le rapport a été adopté à l'unanimité de la commission le 30 octobre”, a assuré de son côté Nathalie Perrin-Gilbert. 

Et d'ajouter, concernant le montant de la subvention au Petit Bulletin supérieur à celles d'autres institutions lyonnaises : “La Maison de la Danse comme le Festival Lumière que vous citez en comparaison sont aidés par la ville et la Métropole annuellement et les aides de 100.000 euros et 86.000 euros sont en plus de ces aides annuelles. D'ailleurs la maison de la danse a obtenu la somme demandée. Pour le Comoedia l'aide a été calculée au regard des aides conséquentes obtenues par le  Centre national du cinéma et de l’image animée.” Lors du conseil municipal, Camille Augey, l'adjointe en charge de l'Emploi a répondu à Pierre Oliver en expliquant que la ville de Lyon n'était pas la seule collectivité à avoir aidé Le Petit Bulletin. En effet, le conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes nous a expliqué avoir octroyé un prêt à taux zéro “comme pour n'importe quelle entreprise” au journal, pour un montant d'environ 60 000 euros au titre du “Fonds Région Unie”.

La presse partenaire de l’appel des indépendants

Par ailleurs, dès l'appel à candidatures lancé par la ville pour son fonds d'aide, la ville de Lyon avait inclus les “médias indépendants” dans les candidats pouvant être aidés. Le Petit Bulletin, tout comme Rue89 Lyon, Nova Lyon, Lyon 1re, Rockyrama Radio Béguin, Radio Brume, Radio Metal, Radio Pluriel, Sol FM ou encore Tribune de Lyon avaient par ailleurs signé l'appel des Indépendants demandant entre autres “un rééquilibrage des subventions” (lire ici et ici). Tous n'ont cependant pas sollicité cette aide exceptionnelle de la ville. D'après Nathalie Perrin-Gilbert, en plus des médias aidés par la mairie, “une seule autre demande a été faite par une structure dont le siège n'était pas à Lyon. Or, il s’agissait d'un critère de rejet.” 

La ville de Lyon n'est pas le seul acteur public à avoir décidé d'aider la presse. Cet été, le ministère de la Culture a annoncé un Plan Filière Presse d'un montant total de 483 millions d’euros sur deux ans auquel viendront s’ajouter 840 millions d’euros d’aides habituelles à la presse pour l'année 2020. Un fonctionnement qui n'est lui-même pas exempt de tout reproche de la part de la profession journalistique, notamment sur le déséquilibre que ce fonds fait perdurer entre les “grands” médias nationaux et les acteurs émergents et indépendants. Plus globalement, la légitimité des médias à être financés par l’État ou des collectivités locales est aussi critiquée.

“Je ne crois pas que veiller à une pluralité de la presse soit un mauvais combat en ces périodes d’obscurantisme grandissant”, a par ailleurs conclu Nathalie-Perrin-Gilbert lors de nos échanges. C'est justement cette pluralité et cette indépendance qui nous permettent aujourd'hui, comme mercredi, de questionner le choix d'une collectivité locale de financer directement, ce qui est assez rare pour être souligné, des journaux qui participent à observer l'activité politique de la municipalité.

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