Bruno Lina, virologue © AFP

Covid-19 à Lyon : “il faut que l’on vaccine largement”, selon le virologue Bruno Lina

Bruno Lina, virologue aux HCL (Hospices civils de Lyon) et membre du conseil scientifique, évoque une décrue amorcée, mais qui devrait s’étaler encore sur plusieurs jours. Il appelle aussi à la vigilance quant à un déconfinement trop hâtif. Il plaide aussi pour une vaccination massive et s’agace contre les “fantasmes” qui entourent les vaccins.

Lyon Capitale : en cette semaine de début de déconfinement comment qualifieriez-vous la circulation de l’épidémie dans la région Auvergne-Rhône-Alpes ?
Bruno Lina : Les trois indicateurs que nous suivons, les taux d’incidence et de positivité, le nombre d’hospitalisés et les admissions en réanimation évoluent de manière décalée dans les temps. Le taux d’incidence a baissé en premier à l’échelle de la France comme de notre région. Au plus fort de l’épidémie, nous étions au-dessus de 25% de taux de positivité et là nous sommes autour de 12%. Dans la région lyonnaise, la circulation du virus a significativement été réduite. Les effets du confinement, qui ont complété ceux du couvre-feu, se ressentent. Les chiffres concernant les hospitalisations évolueront en décalé d’ici cinq jours. Dans les hôpitaux, nous sommes sur un plafond décroissant. La réelle décrue n’est pas encore amorcée et surtout pas dans les services de réanimation. Le taux de positivité reste haut chez les personnes âgées qui sont, comme lors de la première vague, touchées en dernier. Il faut aussi faire à ne pas se relâcher sur les gestes barrières aux premiers signaux positifs.

Le déconfinement même progressif n’est-il pas un peu trop précipité dans une région comme la nôtre où le taux d’incidence reste très élevé, au-delà du seuil d’alerte maximale ?
Le taux d’incidence est effectivement au-dessus de ceux qui ont fait que nous avons été confinés. Il faudrait que l’on descende autour de 50 malades pour 100 000 habitants pour assouplir les contraintes mises en place. Cette épidémie, c’est comme une cocotte-minute. Elle vient de tourner à fond. Le feu a baissé et elle tourne moins vite. Si on rallume le feu, elle va de nouveau vite circuler. À moyen terme, il faut maintenir des freins et donc lever petit à petit le confinement. Des magasins supplémentaires vont rouvrir, mais la philosophie du confinement est encore nécessaire pour quelque temps. Le confinement ne sera pas levé comme en mai.

Pourquoi notre région a-t-elle été la plus touchée et de loin de cette seconde vague ?
Le climat joue un rôle important aussi tout comme la densité de population. Nous avons trois grandes métropoles : Saint-Etienne, Lyon et Grenoble. Le virus a trouvé des conditions parfaites pour circuler. Sur la première vague, nous n’avons pas connu un démarrage épidémique équivalent. Il y a donc eu un effet de rattrapage. L’immunité collective était basse et le danger était mal ressenti par la population. C’est pour cette raison que l’augmentation de la circulation du virus a été aussi rapide

Le taux d’incidence était plus haut dans notre région qu’ailleurs au moment du confinement. Existe-t-il un seuil critique qui rend l’épidémie hors de contrôle ?
Il avait été mis à 250 pour 100 000 habitants. Pour beaucoup de pays, 250, c’est un niveau qui est considéré comme terriblement haut. À Marseille aussi, les services de réanimation sont débordés. La région parisienne et dans le Nord, ils ont bénéficié de l’immunité collective acquise pendant la première vague.

Y a-t-il de nouvelles leçons à tirer de cette seconde vague ?
Je n’en vois pas si ce n’est que j’ai encore beaucoup d’agacement quand je vois des gens, et plus particulièrement les personnes à risque, porter le masque sous le nez dans la rue. Ce n’est pas raisonnable. C’est sur les lieux de transmission que nous avons eu des confirmations grâce à de nombreuses études. Les contaminations se font majoritairement dans quatre endroits : les restaurants, les salles de sport, les bars et les lieux de culte.

Plusieurs vaccins pourraient être disponibles dans les prochaines semaines. Est-ce un tournant décisif dans la lutte contre la Covid-19 ?
Les signaux sont positifs. Plusieurs laboratoires pensent avoir un taux d’efficacité très élevé. Plus qu’on aurait pu l’imaginer. Il ne reste plus qu’à aller au bout des essais de phase 3 qui mesurent l’efficacité à moyen terme ainsi que sa tolérance et ses effets secondaires. Sur ce dernier point, nous n’avons pas encore tous les éléments. Potentiellement, nous avons les atouts pour compléter l’immunité collective que nous avons obtenue avec un taux de mortalité de 1%. Il faut donc que l’on vaccine largement.

Jamais un vaccin n’avait été développé aussi rapidement. Existe-t-il un risque d’aller trop vite ?
Les laboratoires ont été vites, mais ils ont utilisé des techniques innovantes. Certains vaccins qui vont être proposés ont aussi été fabriqués de manière plus conventionnelle. Nous aurons une offre très différente et c’est intéressant. Il faut le voir comme un atout. Nous devons regarder de près la tolérance au vaccin et les effets secondaires, mais personne ne commercialisera un traitement simplement sous prétexte qu’il fallait aller vite. C’est du conspirationnisme de bas étage. Ce que le public a du mal à comprendre, c’est qu’un vaccin, comme un médicament, obéit à une balance bénéfices-risques. Quand vous passez une radio pulmonaire, on vous irradie. C’est un risque qui est pris pour obtenir une information. Nous sommes face à un virus qui a nécessité dans le monde entier deux confinements. Jamais une épidémie n’avait eu un tel impact sociétal et économique. Pour en finir avec les confinements, il faut être immunisé. Première solution : on laisse la maladie se propager jusqu’à atteindre l’immunité collective qui est à 65 %. Aujourd’hui, nous avons 45 000 morts et nous ne sommes qu’à 12 % de Français qui auraient été malades. L’autre solution, c’est d’être solidaire et donc de se vacciner.

Êtes-vous inquiet quand vous voyez qu’une majorité de Français n’a pas confiance dans la vaccination ?
Cette revendication pour un vaccin sûr, nous sommes obligés de l’entendre. Les experts, les pouvoirs publics et l’industrie pharmaceutique ont la charge de démontrer que la vaccination se passera dans les meilleures conditions. Mais quand j’entends que 57% des Français ne veulent pas se faire vacciner, je considère qu’ils disent qu’il est mieux d’avoir des morts plutôt qu’un vaccin. C’est une addition de comportements égoïste. Ceux qui ne craignent pas le virus ne doivent pas oublier que les personnes âgées s’infectent par porosité et peuvent en mourir. Même s’il devait y avoir un effet secondaire mineur pour une petite partie de la population, ça fait partie de l’effort. Nous sommes dans une situation où nous vivons ensemble. Il ne faut pas fantasmer sur des choses invraisemblables.

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