Le festival lyonnais de musiques électroniques s’est achevé le 25 juillet, au terme d’une semaine de "retour à la vie" marquée par l’émotion des artistes, la joie des festivaliers, quelques couacs liés au pass sanitaire et des expérimentations qui laissent entrevoir ce que pourrait être les Nuits Sonores de demain.
"Lorsque vous avez le retour de Laurent Garnier, qui n’a pas mixé depuis 18 mois et qui est stressé comme quand il avait 20 ans la réaction du public est unique", se souvient avec émotion Pierre-Marie Oullion, le directeur artistique des Nuits Sonores, une dizaine de jours après la fin du festival. Unique, cette édition 2021 du festival de musiques électroniques l’aura été en tout point. Tant en termes de programmation que d’affluence ou encore de conception.
Assis, couché, debout, cette année les équipes du festival lyonnais ont dû rivaliser d’ingéniosité et faire preuve de résilience pour donner naissance à une édition hors série, "qui restera dans les anales des Nuits Sonores", dixit Pierre-Marie Oullion. Selon lui, "l’adaptation tous les 15 jours, parfois presque en temps réel, à toutes les mesures politiques a parfois été compliquée. Quand vous n’avez pas les règles du jeu, c’est difficile de mettre en place une organisation. C’est une édition qui a été montée à la sueur du front de l’équipe, avec tout l’écosystème qui nous entoure".
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Un quart de l’affluence habituelle
Alors quand les premières notes de musique ont résonné mardi 20 juillet dans les anciennes usines Fagor-Brandt, situées dans le 7e arrondissement de Lyon, le soulagement était de mise au sein des équipes. "C’était un beau moment, celui où l'on réalise que ça marche et que la perception de l’événement ne s’est pas dégradée", se rappelle Pierre-Marie Oullion. Habituellement organisé fin mai, le festival programmé cette année du 20 au 25 juillet évoluait en terres inconnues, en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19.
"Habituellement, on reçoit environ 120 000 festivaliers, cette semaine on a fait 30 000 entrées", Pierre-Marie Oullion, directeur artistique du festival
Pour ce "retour à la vie", Pierre-Marie Oullion et le reste des équipes d’Arty Farty avaient pensé une édition "un quart" en termes de fréquentation, en raison de la jauge de 5 000 personnes par soirée imposée par le gouvernement. "Habituellement, on reçoit environ 120 000 festivaliers, cette semaine on a fait 30 000 entrées", un chiffre bien éloigné des standards du festival, mais qui à tout de même un goût de succès, "car le but c’était déjà de réussir à organiser cette édition, puis que le public soit au rendez-vous, car on ne savait pas comment il allait réagir avec le pass sanitaire". Le verdict ne s'est pas fait attendre, selon lui, dès le premier soir, "les retours ont tout de suite été positifs, le public nous a remerciés d’avoir été vaillants pour faire sortir de terre cette édition-là", même si son accueil ne s’est pas toujours déroulé sans accroc.
Le pass sanitaire, véritable épée de Damoclès
Tout au long de la semaine, le contrôle du pass sanitaire a pesé comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête de l'évènement, tant pour les visiteurs, que les organisateurs. Afin de parer à toute éventualité, ces derniers avaient même décidé d’engager un organisme chargé de tester les personnes qui le souhaitaient. Un choix judicieux, puisque Pierre-Marie estime que, même si "globalement beaucoup de festivaliers étaient vaccinés et sont venus avec leurs tests", environ "100 à 200 personnes" se sont fait tester chaque soir à l’entrée des anciennes usines Fagor-Brandt.
"Les serveurs du Sidep ont un peu explosé pendant la semaine. Les gens faisaient leurs tests et ne recevaient pas leur QR code.La situation a été très tendu aux entrées", Pierre-Marie Oullion, directeur artistique du festival
Toutes ces précautions n’ont toutefois pas pu empêcher le couperet de tomber "jeudi soir", quand l'accueil des festivaliers a été perturbé en raison d’un souci lié au contrôle des QR codes, associés au pass sanitaire. "Les serveurs du Sidep ont un peu explosé pendant la semaine. Les gens faisaient leurs tests et ne recevaient pas leur QR code [le Système d'information et de dépistage populationnel, l’organisme chargé de générer les QR code, a été victime d’une panne le 22 juillet NDLR]. La situation a été très tendue aux entrées, on a expliqué aux festivaliers qu’on ne faisait pas rentrer sans QR code. On a suivi scrupuleusement ce qui nous était imposé, se justifie Pierre-Marie Oullion, mais en retour les services de l’État n’ont pas suivi. Cela a été très dur pour le public, certaines personnes sont rentrées 1 ou 2 heures plus tard que prévu, d’autres ne sont pas venues du tout. C’était vraiment beaucoup de stress".
Car malgré les contraintes liées au Covid-19, les responsables du festival ne voulaient pas réaliser une édition "coûte que coûte". Même dans un format repensé et réduit, l‘organisation d’un tel événement impose une "pression économique forte. L’investissement est moins important, mais nos charges fixes restent les mêmes que sur une année normale, il faudra que l’on dresse le bilan économique, même si je pense que cela va être compliqué", estime Pierre-Marie Oullion.
Penser les Nuits Sonores de demain
Cette édition hors série ne peut toutefois pas être simplement réduite à sa seule adaptation au Covid-19, car, au-delà de l’idée de "ramener à la vie" les Nuits Sonores, et certains artistes, pour qui ce fut "le meilleur concert de l’année", pour reprendre les mots de Sébastien Tellier, les équipes d’Art Farty ont laissé entrevoir ce que pourrait être le festival de demain. Un événement "paritaire", marqué par la "décroissance".
"On a l’opportunité d’insuffler un nouveau souffle au festival et je pense que c’est maintenant qu’il faut le faire. On ne pourra pas le faire plus tard. Cette édition nous a apporté de nombreuses réponses", Pierre-Marie Oullion, directeur artistique du festival
"Cela nous a permis d’expérimenter de nouveaux formats que l’on n’aurait pas forcément eu la possibilité d’essayer en temps normal. Ça nous amène des réponses aussi sur les envies du public. Le focus sur la scène locale a vraiment très bien fonctionné [plus de 50% d’artistes locaux étaient programmés, NDLR], tout comme le choix du créneau de concerts de 18 heures à 1 heure du matin", fait valoir le directeur artistique. Ce nouvel horaire a notamment donné la chance au festival de renouer avec un public qui le suit "depuis 20 ans et qui a vieilli maintenant", tout en étant plutôt bien accueilli par la " jeunesse parce que quelque part c’était un peu un festival de jour".
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Cette année, les Nuits Sonores ne se sont fermées aucune porte, testant même les séances de yoga en musique, le samedi matin. "On vient de vivre 18 mois très compliqués, notre volonté c’est aussi de ne pas reproduire ce que l’on faisait avant à l’identique", explique Pierre-Marie Oullion, en laissant entendre que l’avenir des Nuits Sonores se joue maintenant. "On a l’opportunité d’insuffler un nouveau souffle au festival et je pense que c’est maintenant qu’il faut le faire. On ne pourra pas le faire plus tard. Cette édition nous a apporté de nombreuses réponses", conclut-il satisfait, mais éreinté par le travail réalisé.