Toujours installés devant l’université Lyon II, Rabah et Iman sont en grève de la faim depuis quatre jours. @Marie Allenou

Deux étudiants en grève de la faim à Lyon : universités et rectorat se renvoient la balle, la présidente de Lyon 2 nous répond

Depuis quatre jours Rabah et Iman sont en grève de la faim. Diplômés d'une licence de droit de la faculté de Lyon 3, ils n'ont pas trouvé de place en master. Désespérés, ils veulent faire respecter leur droit à la poursuite d'étude.

Depuis le 5 octobre, début de leur grève de la faim, pas grand chose n'a changé pour Iman et Rabah si ce n'est leurs habits et un tas de couvertures près de leur parasol. Les deux étudiants passent nuits et jours devant l'université Lyon 2. Ils demandent une place en master à Lyon, car, après leur licence en droit, aucun établissement ne les a acceptés pour poursuivre leurs études. Ils souhaitent trouver un master à Lyon du fait de leurs situations personnelles compliquées. Retrouvez l'histoire de ces deux étudiants et leurs revendications dans notre précédent article.

Lire aussi : À Lyon, deux étudiants sans master entament une grève de la faim

"La faim ça va encore. Mais le pire c'est qu'il fait très froid la nuit, et avec le bruit et les travaux, c'est difficile de dormir", soupire Iman. Enfoncés dans leurs chaises de camping, où ils passent leurs nuits, Rabah et Iman attendent encore un signe du rectorat, de l'université Lyon II ou Lyon III. Ils les ont interpellés, après l'échec de leurs nombreux recours. Aujourd'hui, il leur reste seulement des vœux en attente sur la plateforme "Trouver mon master" du rectorat, alors que l'année scolaire a déjà débuté depuis plus d'un mois. L'université Lyon III ne veut pas se mouiller. De son côté, l'université Lyon II vient de refuser leurs dossiers.

Un droit à la poursuite d'étude bafoué

Les deux étudiants réclament avant tout leur droit à la poursuite d'étude. Il est inscrit dans un décret du 19 mai 2021 et prévoit qu'un étudiant qui n'a pas été accepté en master peut "saisir le recteur de région académique pour se voir proposer, après accord des chefs d'établissement concernés, au moins trois propositions d'admission dans une telle formation". Rabah et Iman n'en ont reçu aucune. "C'est quand même grave d'en arriver là pour pouvoir étudier", s'indigne Rabah.

Depuis le 5 octobre, les étudiants se sont entourés de syndicats. Le président de l'UNEF Lyon, Karel Talali, assure que son syndicat "ne les laissera pas tomber". "La grève de la faim c'est à double tranchant. C'est un symbole qui permet de sensibiliser l'opinion publique. Mais c'est révoltant d'en arriver là pour faire respecter son droit à la poursuite d'étude. Ils devraient être dans un amphi à prendre plaisir à étudier le droit", s'indigne-t-il. En 2020, un étudiant sans master de Montpellier avait également entamé une grève de la faim et avait obtenu une place au bout de 5 jours.


La grève de la faim c'est à double tranchant. C'est un symbole qui permet de sensibiliser l'opinion publique. Mais c'est révoltant d'en arriver là pour faire respecter son droit à la poursuite d'étude. Ils devraient être dans un amphi à prendre plaisir à étudier le droit", s'indigne Karel Talali, président de l'UNEF Lyon.


Il appelle les universités à traiter les dossiers des deux étudiants avec "humanisme". "Ouvrir deux places de plus, face à un état de santé qui se dégrade ou des vies brisées, le calcul est vite fait", conclut le président de l'UNEF Lyon.

Une erreur dans l'examen du dossier à Lyon II mais une issue défavorable

À Lyon II, après trois jours de réexamen de leurs dossiers, la sentence est tombée. "Les deux candidat.es ne pourront intégrer un master à Lyon 2, car leur niveau ne correspond pas à celui requis par les filières demandées", explique l'université. Mais un point interroge. Lors du refus de son dossier, il a été indiqué à Rabah qu'il ne possédait pas un diplôme de droit français...alors qu'il a obtenu sa licence à Lyon III.

"C'est relativement bizarre", ironise Karel Talali, "ça veut dire que son dossier n'a pas été correctement évalué". Une erreur que Lyon II reconnaît bien volontiers, mais qu'elle ne corrigera donc pas. "Si son dossier avait été bien étudié en juin, peut-être qu'il aurait eu une place", regrette le président de l'UNEF Lyon. Face à ce refus, Rabah et Iman sont très remontés. "Il y a inégalité des chances puisque l'examen a eu lieu bien après la première phase de candidature", dénoncent-ils. Rabah parle du premier refus de son dossier comme "inadmissible, humiliant, rabaissant" et s'interroge sur les conditions de réexamen des candidatures. Les deux étudiants demandent plus de transparence sur les raisons de ce second refus de leurs dossiers.

Pour expliquer leur démarche et leurs revendications, Iman et Rabah ont installé des banderoles. @Marie Allenou

Au 4 octobre, il y a 269 inscrits en master de droit à Lyon II, "sur les 255 places initiales", souligne l'université qui veut montrer qu'elle a poussé les murs. "Par rapport à nos effectifs étudiants actuels, il nous faudrait deux fois plus d'enseignants-chercheurs", explique Nathalie Dompnier, présidente de l'université Lyon II, pour montrer que les capacités d'accueil sont limitées par un manque de moyens.

"Leur situation correspond à une situation plus générale d'étudiants en difficulté parce qu'ils n'ont pas de proposition de poursuite d'étude. Eux ont choisi ce mode d'action pour faire entendre leur détresse", ajoute la présidente. Elle explique ne pas pouvoir passer au-dessus de la procédure "Trouver mon master" du rectorat, "parce que ce serait introduire des inégalités de traitement injustifiées". Cette procédure se poursuit encore jusqu'à fin octobre. "Leur situation relève de la procédure de saisine et théoriquement, ce sont des étudiants de Lyon III, donc la priorité serait d'examiner au niveau de Lyon III s'il y a des places disponibles, mais on sait aujourd'hui que ce n'est pas le cas", conclut Nathalie Dompnier. La balle est renvoyée dans le camp de la troisième université lyonnaise.

Le rectorat et Lyon III très frileux

Sur le trottoir d'en face, à Lyon III, on espérait que Lyon II fasse un pas pour Rabah et son "bon dossier". Le président de l'université aurait eu un échange avec le rectorat jeudi 7 octobre et affirme que "les dossiers sont en cours d'instruction". L'université évoque un manque de moyens et un manque de personnel pour accueillir plus d'étudiants en master.  Impossible, malgré nos sollicitations, d'obtenir une prise de parole du président de Lyon III, Éric Carpano. On nous explique que l'université fait l'objet d'une évaluation, chronophage et qu'un problème interne, ce vendredi, l'ont tenu occupé.

Du côté du rectorat, on ne communique pas sur les situations personnelles des étudiants mais on assure que le travail de recensement des dernières places disponibles est "en cours de finalisation". Il renvoie la responsabilité d'accueillir les étudiants aux universités."Il est important d’avoir en tête que la région académique est dépendante du nombre de places en master proposées (et créées) par les universités. Ce sont également les universités qui fixent les critères de sélection de leurs masters", nous communique-t-on. Le serpent se mord la queue.

"On ira jusqu'au bout, même s'il faut finir à l'hôpital ou cimetière, pour que ce combat et nos droits soient reconnus en notre présence ou pour d'autres", assène Rabah, qui n'exclut pas plusieurs actions en justice. Ce soir, les deux étudiants dormiront encore le ventre vide.

 

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