Hôtel de Ville de Lyon. @WilliamPham

Avec la charte du mécénat, la Ville de Lyon définit des valeurs à suivre pour ses donateurs


Jeudi 18 novembre, le conseil municipal de Lyon a voté la mise en place d'une charte du mécénat. Elle définit des valeurs écologiques et sociales à suivre pour les mécènes et parrains de projets de la commune. La Ville de Lyon pourra alors refuser des donateurs qui vont à l'encontre de ces valeurs.

Actuellement, 150 entreprises apportent leur concours à la Ville de Lyon, à travers du mécénat ou du parrainage. La municipalité écologiste, en poste depuis juin 2020, a souhaité encadrer les conditions de ce mécénat. Une première à Lyon.

"La puissance publique doit être exemplaire et ne peut accepter de l'argent de n'importe quel mécène dans le seul but d'augmenter ses recettes. Lyon n'a pas à associer son image à des entreprises dont le modèle économique porterait de grave dommages à l'environnement et la dignité humaine", a énoncé d'emblée Audrey Henocque, 1e adjointe aux Finances de la Ville de Lyon. Une charte du mécénat a été adoptée à 51 voix pour, une contre et 21 abstentions, lors du conseil municipal du 18 novembre. Ce qui n'a pas manqué de lever des inquiétudes au sein des oppositions.

Une charte et des critères

Adoptée en conseil municipal, la charte du mécénat de la Ville de Lyon définit "un ensemble de principes et de valeurs partagées entre la Ville de Lyon et les personnes morales ou physiques" qui souhaitent être mécènes ou parrains des projets de la commune. Elle fixe aussi la création d'une "mission mécénat" qui sera chargée d'étudier les propositions faites par les donneurs.

Les valeurs dans lesquelles devront s'inscrire les donneurs concernent "la préservation de la biodiversité, de solidarité et d’inclusion sociale, culturelle, ainsi que de participation démocratique et citoyenne", souligne la charte.

Ainsi, en cas de manquement, la Ville de Lyon "se réserve le droit de refuser la contribution d’un mécène ou d’un parrain qui se signalerait par des manquements manifestes et répétés à ces valeurs". La commune pourrait refuser tout don ou parrainage d’entreprises ou fondations "d'un secteur économique qu’elle considère incompatible avec les valeurs qu’elle entend promouvoir".

Les mécènes seraient devront également suivre quelques règles, formellement écrites, pour éviter les conflits d'intérêts. Ils doivent s'engager à "n’interférer ni dans la définition du contenu du projet (intellectuel, artistique, scientifique, technique), ni dans le choix des acteurs concourant à sa mise en œuvre". Impossible également pour les donateurs de procéder à des "digressions ayant pour effet d’aborder l’une des procédures ayant trait à la commande publique" lors de réunions ou rencontres. C'est-à-dire qu'une entreprise mécène ne doit pas essayer d'obtenir des informations ou des faveurs dans le cadre d'un appel d'offre ou marché public.

Une proposition qui fait bondir l'opposition

Première à s'exprimer, la conseillère du groupe "Progressistes et républicains", Sylvie Palomino, s'est inquiétée de l'absence de "critères clairs et exhaustifs qui permettrait [aux] partenaires et financeurs traditionnels de se faire une idée précise de la recevabilité leur mécénat". Deuxième point d'ombre pour le groupe d'opposition : la mission mécénat, chargée d'accepter ou refuser des dons sera composée uniquement de membre de la majorité écologiste. Elle émet des doutes sur la transparence prônée par les Verts.

Gérard Collomb, ancien maire de Lyon et membre du groupe "Pour Lyon", pointe "un manque de réalisme". Pour lui, cette charte réduit les possibilités d'avoir des mécènes. "Air France KLM, qui finance l'orchestre national de Lyon, est-ce qu'on l'accepte ? Pour la fête des Lumières, le partenaire principal c'est EDF. Est-ce que parce que dans le nucléaire on leur dit "on ne veut plus de vous" ? C'est un très mauvais signal que vous envoyez !", tempête-t-il.

Indignation partagée par Florence Verney-Carron du groupe Droite, Centre et Indépendants. Pour elle, cette charte "donne des signes de défiance aux chefs d'entreprise". Elle relève également que l’opposition n’a pas été invitée au comité qui va juger les propositions de mécénat mais s’en réjouit. «La valeur que vous et votre majorité exprimez le plus est la vertu. (…) Nous ne nous serions pas senti à l’aise dans un comité de la vertu. Elle a été dans notre passé lointain prétexte à de nombreuses épurations», soutient l’élue, qui estime que c’est un « terrain glissant ». 

ÉDIT 19/11/2021 : L’article mentionnait a propos de Florence Verney-Carron : « Elle regrette également que l'opposition ne soit pas invitée à la commission qui va juger les propositions de mécénat. ». Cette phrase a été modifiée pour rendre compte plus justement de ses propos.

Une majorité qui se veut rassurante

Fanny Dubot, pour les trois groupes qui composent la majorité écologiste, salue l'instauration de cette charte. "C'est la 1ère fois qu'une collectivité adopte un texte aussi abouti pour encadrer ses relations avec ses mécènes et parrains. Comme toutes les premières fois, ça fait peur, on appréhende, et des craintes ont été exprimées ici", reconnaît-elle. Pour elle, le texte permet d'encadrer et de préciser les relations, qui ne l'étaient pas auparavant. "Est-ce que les Lyonnais ont envie d'avoir comme financeurs des entreprises condamnées pour corruption, inaction climatique ou discriminations ? Je ne pense pas", lance-t-elle peu avant de terminer son intervention.

Avant le vote, Audrey Henocque a alors souhaité sur les craintes exprimées par l'opposition, et a tenté de donner des gages aux conseillers municipaux. "Je m'engage à faire un bilan une fois par an en commission finance et indiquer s'il y a certains mécènes que nous n'avons pas souhaité reconduire et pour quelles raisons", a promis l'élue.

Pour elle, il n'y a pas de raison que les entreprises craignent d'être mécènes, au contraire. "L'idée c'est avant tout d'attirer de nouvelles entreprises qui seront fières d'accoler leur nom au projet de la nouvelle municipalité", soutient-elle. Elle revient sur l'exemple donné par Gérard Collomb de la compagnie aérienne Air France KLM qui est mécène de l'orchestre national. "Quand l'orchestre national de Lyon veut se déplacer, on souhaite qu'ils prennent le moins possible l'avion. Mais quand cela est nécessaire, il faudra prendre des billets. Donc s'ils sont offert par la compagnie, c'est quelque chose de positif pour les deniers publics", détaille l'élue.

Si l'on discerne les premiers contours de cette charte, qui ne devrait donc pas refuser toute entreprise "non-écologique", il reste difficile d'estimer quels seront précisément les critères retenus. Les réponses se trouveront sans doute dans le premier bilan de cette charte... d'ici plusieurs mois.

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