Thibault de Montbrial préside le Centre de réflexion sur la sécurité intérieure. Cet ancien lieutenant-colonel de la réserve opérationnelle de la gendarmerie est aujourd’hui avocat au barreau de Paris. Il a écrit "Osons l’autorité" (éditions L’Observatoire).
Lyon Capitale : Le projet de loi "responsabilité pénale et sécurité intérieure", récemment adopté par le Sénat et l’Assemblée nationale, durcit les sanctions contre les agresseurs des forces de l’ordre. Est-ce un texte de circonstance ? Thibault de Montbrial : Ce texte crée un délit autonome qui permet de réprimer les agressions contre toutes les forces de l’ordre. En réalité, il s’agit d’une fausse nouveauté car il existait déjà des circonstances aggravantes pour les crimes et délits commis envers les forces de l’ordre. Il s’agit donc simplement d’une reconstruction juridique. La symbolique est importante mais ne change rien sur le fond. En matière de violence contre les forces de sécurité intérieure, la principale difficulté n’est pas la loi mais son application. En d’autres termes, la balle est dans le camp des juges ? Oui. Vous qui êtes avocat notamment spécialisé dans la défense de policiers, diriez-vous que la justice est laxiste, comme 81% des Français le soutiennent (sondage de mai) ? La sécurité est une coproduction police (ou gendarmerie)/justice, dont cette dernière est actuellement le maillon faible. Mais plus que de laxisme, ce dont il est question, et que je dénonce, c’est le conformisme judiciaire. Cela fait des décennies que les magistrats sont formés dans une totale endogamie, au sein de l’École nationale de la magistrature, ne privilégiant que peu les échanges extérieurs, et avec une empreinte idéologique particulièrement puissante. Puis, la carrière avance, les magistrats restent dans leur entre-soi et rendent des décisions qui sont pensées dans le cadre d’une certaine façon de juger. Que voulez-vous dire au juste avec "une certaine façon de juger" ? Il s’agit de principes qui ont infusé et sont ancrés dans la plupart des acteurs judiciaires français : la société a sa part de responsabilité dans le parcours du délinquant, il faut lui laisser une énième chance et lui tendre la main, la prison est l’école du crime, etc. Cette combinaison intellectuelle, par ailleurs largement partagée par beaucoup d’observateurs médiatiques et de décideurs politiques, aboutit à des décisions judiciaires parfois en total décalage avec la gravité objective et symbolique des faits, en particulier en matière de ce que l’on appelle un peu vite "la petite délinquance" (en réalité celle qui pourrit la vie des gens et contribue au délitement de la société) ainsi que pour les atteintes aux représentants de nos institutions. Ce que la justice considère alors comme de la bienveillance, est perçu en particulier par les jeunes délinquants comme un signe de faiblesse. Punir n’est pas un gros mot. La sanction ne doit pas être trop sévère, mais tangible : il faut impacter le cours de la vie du délinquant d’une manière concrète. Septembre 2020. À Paris, deux bandes rivales s’affrontent à coups de tirs de mortiers dans un square d’enfants dans le 19e arrondissementIl vous reste 81 % de l'article à lire.
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