Jean-Yves Grall, le directeur de l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes, fait un point complet sur la situation à Lyon et dans la région alors que le nombre de nouveaux cas a considérablement augmenté dans le Rhône depuis début novembre. Faut-il s'inquiéter ? Les hôpitaux de Lyon et la région sont-ils sous tension ?
L'interview a été réalisée le mercredi 24 novembre en début d'après-midi, avant les annonces d'Olivier Véran, le ministre de la Santé, le jeudi 25 novembre. Jean-Yves Grall est le directeur de l'Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes.
Lyon Capitale : La situation épidémique se dégrade-t-elle à Lyon et dans la région ?
Jean-Yves Grall, directeur de l'ARS : Depuis 5 semaines, on observe une augmentation du taux d'incidence (le nombre de nouveaux cas lors des 7 derniers jours pour 100 000 habitants) partout dans la région. Un département, l'Ardèche, avec un taux d'incidence de 400 (chiffres arrêtés au 23 novembre). Le Rhône est à 243, au-dessus de la moyenne régionale et nationale (chiffres arrêtés au 23 novembre). On a eu une augmentation assez rapide du taux d'incidence, qui s'accompagne maintenant par une augmentation des hospitalisations, aussi en réanimation.
Les contaminations augmentent mais le vrai juge de paix, c'est le nombre d'hospitalisations et surtout les réanimations, donc les cas graves. Or, il faut être moins pessimiste. On sait que la vaccination prévient l'arrivée des "covid" graves.
On sait aussi que dans les 6 mois qui suivent la 2e dose, on a un affadissement de la protection avec un taux d'immunité oscillant entre 30 et 70% en fonction des personnes. Cela justifie pleinement une 3e dose, un rappel de vaccination, comme pour d'autres maladies car l'immunité baisse. On est en plein dedans.
Cette 3e dose va être la clé pour passer la 5e vague ?
On est face à une nouvelle ascension, à une 5e vague. Le maitre-mot de la prévention, c'est la vaccination. Pour reprendre l'immunité. Au bout de 6 mois, on considère que l'immunité baisse de manière relativement importante.
La situation clé, c'est la situation dans les hôpitaux. C'est pour ça qu'il y a eu des confinements, des couvre-feu, des fermetures, lors des premières vagues. Aujourd'hui, quelle est la situation dans les hôpitaux de la région ?
Il y a une hausse des hospitalisations. On observe depuis un mois, progressivement, une augmentation des hospitalisations et des hospitalisations en réanimation. C'est indiscutable. Mais une augmentation pas du tout au niveau de ce qu'on a connu (lors des trois premières vagues). Après, on est vigilant, on est dans une phase de montée. Pour l'instant, le système tient. On n'a pas de difficulté au-delà du fait qu'on observe les choses monter.
Au 23 novembre, on compte 891 personnes hospitalisées pour covid-19 dont 142 en soins critiques et réanimation en Auvergne-Rhône-Alpes. 261 personnes sont hospitalisées pour covid-19 dont 49 en soins critiques et réanimation dans le Rhône.
"Le virus circule à nouveau de manière importante dans la région, mais la conséquence dans les hôpitaux reste encore modérée"
La tendance est à la hausse, c'est évident, on compte 100 personnes en plus hospitalisées dans la région en une semaine, et 15 en plus en soins critiques et réanimation. Ca augmente, mais pour l'instant on n'est pas à un seuil critique d'afflux dans les hôpitaux.
En résumé, le virus circule à nouveau de manière importante dans la région, supérieur à la moyenne nationale. La conséquence dans les hôpitaux reste encore modérée - il n'y a pas de saturation évidemment - mais c'est à surveiller.
95% des + de 12 ans sont vaccinés dans le Rhône. Quelles sont les personnes qui arrivent dans les hôpitaux ?
En réanimation, on est encore sur une prédominance des personnes non vaccinées. Mais, comme 95% de la population de + de 12 ans est vaccinée dans le Rhône (94,7% des + de 50 ans), on observe un nombre plus important de gens vaccinés qui arrivent actuellement pour des raisons tout simplement arithmétiques. Comme la très grande majorité de la population est vaccinée, il y a plus de gens vaccinés qui arrivent en réanimation. Le vaccin, ça limite les cas graves mais ça ne les élimine pas totalement.
Il y a 10 fois plus d'entrées en soins critiques chez les non vaccinés, 4 fois plus de tests positifs chez les non vaccinés que chez les totalement vaccinés et 9 fois plus de décès chez les non vaccinés que chez les complètement vaccinés.
On a comparé les courbes avec les vagues en 2020 : l’ascension du taux d'incidence et l’ascension des personnes en réanimation. Pour l'instant, on a une ascension importante du taux d'incidence mais une courbe plus tassée pour la courbe des réanimations. On espère que ce pic du nombre de nouveaux cas qui arrive ne sera pas suivi d'un pic de réanimation aussi élevé que lors des premières vagues.
Je pense que la courbe des réanimations va être écrêtée, ce qui va corroborer le fait que la vaccination a des effets très positifs.
"Le post covid joue indiscutablement (chez le personnel soignant), un certain nombre de personnes sont rincées et fatiguées. Un certain nombre ont quitté la profession"
On parle beaucoup de la crise de l'hôpital, du manque de soignants, de la détresse des soignants. Quelle est la situation dans la région ?
La situation dans la région est à l'aune de ce qu'il se passe dans la France entière : les établissements de santé et les établissements médico-sociaux ont du mal à recruter pour faire fonctionner toutes leurs activités ce qui amène les chefs d'établissements à adapter l'ouverture des capacités en fonction des besoins des malades mais aussi des soignants. Il n'y a pas pour l'instant de refus d'hospitalisation, on est dans une situation tendue dans les effectifs qui entraînent des adaptations nécessaires dans les ouvertures pour les établissements.
Ce qui est aussi inquiétant, ce sont les difficultés à recruter pour certains services spécialisés comme les urgences, ou d'autres services de permanence de soin. On a le post covid qui joue indiscutablement, un certain nombre de personnes sont rincées et fatiguées. Un certain nombre ont quitté la profession.
Il y a une obligation vaccinale en vigueur pour le personnel soignant depuis le 15 septembre. Combien ont refusé de se faire vacciner dans la région ?
Au 25 octobre, 1130 professionnels de santé étaient suspendus en établissements. Soit 0,7% des professionnels de santé de la région. Ils sont suspendus parce qu'ile ne sont pas vaccinés. Chez les libéraux, 98% des professionnels sont vaccinés.
En ce qui concerne les médecins, dans le Rhône, à l'heure actuelle, nous avons 23 praticiens libéraux et un seul généraliste suspendus.
"Nous sommes vigilants à l'évolution de l'épidémie mais surtout de l'évolution des capacités hospitalières"
Quelle est la tendance pour cette 5e vague ? Vigilance sans tomber dans l'inquiétude ?
Il ne faut pas baisser la garde. Il faut deux actions : la première, fondamentale, reprendre et renforcer les gestes barrières et évidemment la vaccination. Pour récupérer l'immunité qui s'est affadie après la 2e dose.
Tout l'enjeu est de limiter les contaminations, donc ensuite les cas graves, pour ne pas mettre en tension plus qu'il ne l'est actuellement le système hospitalier qui fait face par ailleurs à d'autres sujets. Il y a une conjonction de problèmes. La grippe et les difficultés de recrutement de personnels dans les établissements. Il faut être prudent, vigilant. Nous sommes sensibles et vigilants à l'évolution de la situation à la fois de l'épidémie mais peut-être et surtout de l'évolution des capacités hospitalières et notamment en réanimation. Nous avons repris, à titre préventif, alors que les chiffres absolus ne sont pas à la hauteur de ceux qu'on redoute, la régulation régionale entre les établissements.
Adieu l'idée d'immunité collective malgré 95% d'injectés...
Et impossible de jouer cartes sur table...