Jordi Savall © Barbara Rigon

Concert classique à l’Auditorium de Lyon : les secrets du Requiem de Mozart

Trente ans après son enregistrement du Requiem de Mozart pour le label Alia Vox, Jordi Savall explore à nouveau ce chef-d’œuvre énigmatique.

Deux siècles et trente ans après sa composition, le Requiem de Mozart est toujours entouré d’un voile de mystère quant à sa genèse. À commencer par le fait trivial d’imaginer Mozart, mourant, décocher une œuvre si profonde et intime pour répondre à la commande, certes grassement rétribuée, d’un inconnu qui, en le payant, lui permettra de rembourser ses dettes…

Le mystère plane également sur le processus compositionnel lui-même : dans le film Amadeus, Milos Forman met en scène un Mozart, sur son lit de mort, dictant à son infortuné rival Salieri, les parties chorales du Confutatis, que le malheureux s’empresse de prendre en note dans un mélange d’aigreur et d’admiration pour celui qui toute sa vie l’éclipsa.


Une version qui comporte également son lot d’énigmes


L’épisode, bien que fictionnel, et ne relevant que de l’imagination de Forman, résonne habilement avec une réalité à peine plus vraisemblable. L’histoire “officielle” raconte en effet que Mozart ayant succombé à la maladie avant d’avoir achevé l’œuvre, son épouse Constance sollicite Franz Xaver Süssmayr, élève de Mozart, pour achever la partition, honorer la commande et percevoir ainsi la rémunération promise sans rembourser l’avance octroyée.

Une version qui comporte également son lot d’énigmes comme le souligne d’ailleurs Jordi Savall dans la note d’intention accompagnant son enregistrement du Requiem en 1991 : “Il est pour nous impensable qu’un musicien aussi médiocre que ne l’était Süssmayr, et qui n’avait jamais rien écrit de remarquable, ait pu achever de lui-même le Lacrimosa et écrire tout seul ces Sanctus, Benedictus et Agnus Dei.”

Süssmayr aurait-il pu disposer de certaines esquisses confidentielles ? Aurait-il pu entendre Mozart jouer au clavier certaines parties et les mémoriser ? Autant de questions sans réponses à ce jour.

Trompettes, timbales et cors de basset

Outre son matériel thématique, une des particularités notables du Requiem réside dans son instrumentation singulière. Mozart opte ainsi pour une configuration orchestrale insolite. Deux trompettes et trois trombones chez les cuivres et pas l’ombre d’une flûte ou d’un hautbois ! À la place, Mozart leur substitue l’association de deux bassons et deux cors de basset (clarinette coudée de l’époque à la tessiture plus grave que son homologue moderne). Combiné aux cordes, cet agencement original confère à l’œuvre une couleur inédite : sombre et mélancolique, mate et boisée.

Et c’est là que les interprétations sur instruments d’époque tirent leur épingle du jeu ! Car Le Concert des Nations respecte ici scrupuleusement la nomenclature choisie par Mozart : trompettes naturelles et petites timbales à peau animale, petits trombones d’époque, bassons anciens et véritables cors de basset. Le tout magnifié par la sonorité des cordes en boyaux…

Trente ans (déjà) après son enregistrement du Requiem de Mozart pour le label Alia Vox (qui célébrait lui-même les 200 ans de l’œuvre), Jordi Savall explore à nouveau cette œuvre phare, faisant profiter ce joyau du répertoire de son expérience des répertoires anciens, notamment baroques, qui bercent l’enfance du jeune Mozart. Quoi de plus naturel que de resituer une œuvre d’art dans son contexte historique pour mieux en apprécier la singularité ?

C’est avec la même démarche que la bande à Jordi abordera la 41e Symphonie (dite Jupiter), de Mozart toujours qui, dans la même œuvre, fulgurait de modernité tout en disputant à ses ancêtres baroques la médaille du contrepoint dans le dernier mouvement épique.


Requiem de Mozart – Lundi 6 décembre à 20 h à l’Auditorium, Lyon 3e – www.auditorium-lyon.com


 

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