Réuni de manière exceptionnelle ce jeudi 10 février pour débattre de la première étape visant à étendre la Zone à faibles émissions, le conseil municipal de Lyon a longuement débattu sur l’avis à rendre à la Métropole de Lyon. La majorité s’y est dite favorable, malgré quelques réserves, quant à l’opposition, après avoir fait des pieds et des mains pour se faire entendre, elle a voté contre sur la forme. Explications.
Trois heures, c’est le temps que le conseil municipal de Lyon a pris ce jeudi 10 février pour débattre d’un seul sujet, un avis consultatif de la ville demandé par la Métropole de Lyon sur la question de l’extension de la Zone à faibles émissions (ZFE). De quoi faire dire au maire de Lyon, une semaine après les polémiques sur un éventuel oubli de sa part de cette délibération lors du dernier conseil, qu’un conseil municipal dédié à la ZFE était justifié, "il ne s’agit pas d’un sursaut démocratique, il s’agit bien d’une volonté de ma part d’adresser ce sujet dans sa complexité en prenant le temps".
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"Amateurisme"
Des propos pas de nature a calmer les critiques de l’opposition et notamment du maire LR du 2e arrondissement, Pierre Oliver, qui, en parallèle de chamailleries personnelles avec Grégory Doucet sur le respect du Code de la route à trottinette, est revenu sur "l’amateurisme", selon lui, entourant l’organisation de ce conseil exceptionnel. L’avis de la Ville de Lyon sur l’extension de la ZFE étant attendu par la Métropole pour le 22 février, les élus attendaient naturellement de s’exprimer sur le sujet lors du conseil du 27 janvier, le prochain n’étant prévu que fin mars. Ce ne fut pas le cas.
"Ce nouvel épisode est très symptomatique de votre méthode sur la gestion de ce dossier sensible", Sylvie Palomino, groupe Progressistes et républicains
Pour être entendus, et exprimer leur opposition à l’avis favorable émis par la ville, ils ont dû en passer par des conseils exceptionnels d’arrondissements organisés dans l’urgence, avant de siéger en visio-conférence lors du conseil municipal exceptionnel de ce jeudi matin. Des péripéties techniques vertement critiquées par l’opposition. "Légèreté, oubli, volonté stratégique, vacances ?", s’est interrogée ce jeudi matin Sylvie Palomino, du groupe Progressistes et républicains, "nous ne le saurons, toujours est-il que ce nouvel épisode est très symptomatique de votre méthode sur la gestion de ce dossier sensible", a raillé l’élue du 4e arrondissement.
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Une entrée en matière qui laissait présager d’une séance à couteaux tirés, certains élus n’ayant pas caché en amont du conseil que les débats seraient tendus. Comme souvent lors de ces conseils organisés en visio-conférence cela n’aura finalement pas vraiment été le cas, le vif débat annoncé se muant plutôt en exposé de chaque groupe politique sur la Zone à faibles émissions. Le tout agrémenté de très nombreux chiffres illustrant l’importance d’étendre la ZFE et à terme d’exclure les véhicules diesels à l’origine de la majeure partie des émissions routières de dioxyde d’azote sur le territoire, 96%. À entendre Valentin Lungenstrass, adjoint au maire de Lyon en charge des mobilités, "la qualité de l’air à Lyon est mauvaise c’est même l’une des pires en France. Notre territoire est celui qui a connu le plus de dépassement des seuils de pollution en 2019 avec 45 jours en alerte rouge".
D'accord sur le principe d'une ZFE, pas sur la forme
Un constat alarmant partagé par les différents groupes d’oppositions qui assurent ne pas remettre en cause le principe de la ZFE, "il est évident que tous nous sommes favorables à vivre dans un air moins pollué", explique ainsi l’élue du 6e arrondissement de la Droite et du centre Laurence Croizier, mais qui s’opposent en revanche à sa forme et aux velléités d’accélérations de la Métropole de Lyon, par rapport au calendrier proposé par l’État. Pour bon nombre d’entre eux cela va trop vite, "les gens n’ont pas anticipé cela" s’inquiète Gérard Collomb, alors que dès septembre 2022 la première amplification de la ZFE interdira aux véhicules particuliers de Crit’Air 5 et plus de circuler et stationner à Lyon, soit environ près de 3% du parc lyonnais (6 000 véhicules), selon la ville.
"Parmi les autres villes dirigées par les verts vous êtes les plus drastiques. Ce que nous vous proposons c’est que l’on suive le calendrier national pour les critères 5, que la ville de Lyon complète les aides de la Métropole pour les foyers les plus modestes, que l’on informe mieux la population", Gérard Collomb, groupe Pour Lyon
De quoi nourrir l’inquiétude sociale de l’opposition qui, à l’instar de Sylvie Palomino, ne veut "pas transformer cette zone à faibles émissions en zone à forte exclusion. Il est aujourd’hui essentiel de questionner la place de la voiture en ville, mais nous devons le faire en intégrant pleinement les contraintes économiques de leurs habitants. […] Aujourd’hui, tout le monde n’a pas les moyens de remplir son frigo d’aliments 100% bio, de se vêtir en coton durable et d’acheter un véhicule électrique". Pour Yann Cucherat "les objectifs sont mal préparés" et l’interdiction des véhicules Crit’Air 5 doit être repoussée à janvier 2023, comme prévu par le gouvernement.
Risque de "fracture sociale"
Autre source d’inquiétude, l’acceptation des habitants au regard des contraintes liées à la mise en place de la ZFE, "à vouloir aller trop vite vous prenez le risque d’un rejet massif de la population", alerte le conseiller du 5e arrondissement, abondé par Laurence Croizier pour qui cette "première étape pour les véhicules particuliers est stratégique, nous devons en mesurer l’acceptabilité". Le groupe Pour Lyon va même plus loin en demandant la mise en place "à chaque étape de la ZFE d’une phase pédagogique d’une année. Les citoyens y verront une action concrète autre qu’un calendrier politique", estime Yann Cucherat alors qu’à l’entendre "60 % des Français ignorent ce qu’est une ZFE".
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Inquiet de la "fracture sociale" que pourrait accentuer l’extension de la zone à faibles émissions, l’ancien athlète de haut niveau a également demandé à la ville de Lyon de s’engager financièrement aux côtés de l’État et de la métropole pour accompagner " les ménages les plus modestes". De quoi faire doucement sourire David Souvestre (Lyon en commun), qui trouve "aujourd’hui cocasse" d’entendre l’opposition "se préoccuper des plus précaires et de proposer des mesures sociales alors qu’ils ont fortement contribué à saper la mixité sociale à Lyon". Elle aussi très critique sur les manières de faire de l’opposition et les "ricanements d’une droite qui se rêve seule dans sa voiture individuelle loin de la foule", l’adjointe au maire de Lyon Sandrine Runel, membre du groupe Socialiste la gauche sociale écologiste, n’a néanmoins pas manqué de rebondir sur les propos de Yann Cucherat en s’inquiétant des "conséquences des diverses restrictions" et en demandant "une ZFE qui soit juste".
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Une majorité absolue, mais des réserves
Son vote favorable, "sans enthousiasme, mais sans état d’âme", ne saurait cacher quelques réserves visibles au loin, alors que tout l’enjeu de l’extension de cette ZFE sera aussi le développement des transports en commun par le Sytral et la Métropole de Lyon pour proposer une alternative "de transports moins polluants". "C’est une nécessité pour que les plus modestes ne se retrouvent pas privés de moyens de déplacements, évitons les assignations à résidence", alerte l’adjointe aux solidarités et à l’inclusion sociale pour qui il ne "suffit pas d’être convaincus pour être convaincants". Une fébrilité également présente chez David Souvestre qui prévient que le soutient de son groupe "à cette ZFE 5 n’est pas pour autant un blanc-seing pour la mise en place des futures ZFE".
"Notre soutien à cette ZFE 5 n’est pas pour autant un blanc-seing pour la mise en place des futures ZFE. Si notre groupe adhère totalement aux objectifs fixés par la ZFE, nous appelons à la plus grande vigilance quant aux moyens d'y parvenir", David Souvestre, groupe Lyon en commun
En réponse aux nombreuses interrogations des élus, Valentin Lungenstrass s’est voulu rassurant à défaut de réussir à convaincre l’opposition, assurant le conseil que des mesures d’accompagnement seront définies "grâce au bilan de la concertation", non sans insister sur le programme de développement des transports en commun déjà engagé. "Je ne peux pas vous laisser dire que l’on laisse les transports en commun pour plus tard, on a de nombreux transports en commun lourds qui sortiront à la fin du mandat", s’est ému l’élu en rappelant les milliards investis par le Sytral pour le prolongement du métro B, la création de lignes de tramways et de couloirs de bus ou encore le développement des Voies Lyonnaises.
Autant de mesures qui doivent permettre d’étoffer le maillage des transports sur le territoire et proposer une alternative qualitative à la voiture et qui est d’ailleurs "la priorité exprimée par notre exécutif", assure Valentin Lungenstrass. Des arguments pas suffisants pour se mettre l’opposition dans la poche, comme en atteste le vote de 49 voix pour et 19 voix contre actant l’avis favorable de la ville de Lyon à la première étape de l’extension de la ZFE. En trois heures, l’opposition aura en revanche pu se faire entendre pour réaffirmer son adhésion au principe d’une ZFE, mais son opposition au projet présenté et porté par les écologistes, chacun restant campé sur ses positions.
POUR ALLER PLUS LOIN SUR LA ZFE
Jean-Charles Kohlhaas, vice-président écologiste de la Métropole de Lyon en charge des déplacements, était l'invité de l'émission 6 minutes chrono de Lyon Capitale en septembre 2021. Il a évoqué l'extension de la ZFE (Zone à faibles émissions) et l'objectif affiché par la majorité écologiste à la Métropole de Lyon de la fin des véhicules diesel à l'intérieur de la ZFE en 2026.
Lyon Capitale a consacré déjà de nombreux articles sur le sujet de la ZFE :
- Fin du diesel à Lyon : débats vifs à la métropole autour de l'extension de la ZFE
- Fin du diesel dans la Métropole de Lyon : la mairie de Tassin rend un avis défavorable sur la ZFE
Recul de la métropole et opposition de la région. ZFE bancale !