Mardi 1er mars, la Métropole organisait une journée de visites et conférences sur le sans-abrisme. Devant la ministre déléguée au Logement et le commissaire européen aux Droits Sociaux, les élus de la Métropole de Lyon ont voulu montrer l'exemple.
À la sortie du métro Perrache, des tentes et des matelas s'empilent le long d'un mur. Un homme sans domicile secoue une couverture, devant une cabane de bric et de broc, où l'on distingue des restes de décorations de Noël. À quelques centaines de mètres, à l'Embarcadère, chic lieu de réception, des conférences institutionnelles abordent la lutte contre le sans-abrisme. Mardi 1er mars, la Métropole de Lyon a organisé une journée pour réaffirmer la place des villes et métropoles européennes dans ce domaine.
La collectivité a profité de l'année de la présidence française de l'Union Européenne pour réunir environ 300 acteurs venus de toute l'Europe. La ministre déléguée au Logement, Emmanuel Wargon, et le Commissaire européen aux Droits Sociaux, Nicolas Schmit, étaient aussi de la partie. L'occasion de leur faire visiter des lieux d'hébergement financés par la Métropole. Et faire montre de leur politique volontariste.
Timing choisi
La date du 1er mars n'est pas due au hasard. Un jour plus tôt, Emmanuelle Wargon et Nicolas Schmit étaient déjà réunis en France, à Issy-les-Moulineaux. L'occasion de signer un plan d'action européen contre le sans-abrisme et le lancement d'une plateforme de centralisation des initiatives. Bonne élève, la Métropole a dès le lendemain tenu à montrer son engagement sur la question. Et inspirer l'État et l'Europe ?
À l'Embarcadère, vers midi, une salle bondée écoute la fin des conférences, qui traînent en longueur pour combler le retard de la Ministre. Devant l'assemblée, elle est venue rappeler les objectifs de la plateforme lancée la veille : partager des connaissances, flécher plus efficacement les financements et récolter des données sur le sans-abrisme. Car en Europe, on compte plus de 700 000 sans-abris. Dans la Métropole de Lyon, ils seraient entre 2500 et 2800. Un chiffre qui monte à 20 000 en comptant les mal-logés. "C'est un chiffre qui nous permet de nous donner un objectif, même si tout ne passera pas l'hébergement", explique Renaud Payre, vice-président au Logement.
Dans la Métropole de Lyon, il y a entre 2500 et 2800 personnes sans-abri. Un chiffre qui monte à 20 000 en comptant les mal-logés. "C'est un chiffre qui nous permet de nous donner un objectif, même si tout ne passera pas l'hébergement", explique Renaud Payre, vice-président au Logement.
Arrivée à la tête de la Métropole en 2020, la majorité, écologiste et de gauche n'a de cesse d'afficher ses ambitions d'une politique de rupture sur le sujet. Dans sa communication, elle le martèle : la Métropole sera "accueillante et hospitalière". Mardi 1er mars, Bruno Bernard, président de la Métropole, en a fait le cœur de son discours, énumérant les initiatives prises par la collectivité.
En 2021, la Métropole a engagé 1 085 000€ dans le plan quinquennal de 2018 pour "le logement d'abord" (175 000 euros de plus qu'en 2019 et 2020), ainsi que 8,6 millions d'investissements. De quoi soutenir de nouvelles initiatives et créer des lieux pour loger des personnes sans abris. Ce sont ces projets sortis de terre en 2021 que la Métropole a tenu à présenter à la ministre et au commissaire européen.
"Un modèle lyonnais"
Pour guider Emmanuel Wargon et Nicolas Schmit, Bruno Bernard était accompagné de son vice-président au Logement, Renaud Payre. Avec "humilité", mais non sans une fierté qui transparaît, ils leur ont présenté deux sites créés ou financés par la Métropole : Zone Libre et La Base. Dans l'après-midi, les autres invités ont pu découvrir une dizaine de lieux du même genre. Une grosse opération de communication pour l'image de la Métropole, mais aussi l'occasion de montrer des exemples qui fonctionnent contre le sans-abrisme.
"Quand on cherche une place dans un foyer, soit les animaux, soit les couples sont pas acceptés. Je voulais pas être sans mon copain ou sans mon chien. Ici, on nous a accepté", explique Shania 21 ans, logée à la Zone Libre depuis son ouverture en septembre 2021. Après deux ans à la rue, elle vit maintenant avec son copain Valentin dans une petite maison en bois, construite dans un hangar de l'association ALYNEA. Une dizaine d'autres personnes y vivent, accompagnés par une équipe de travailleurs sociaux. Ici, les personnes sans-abri choisissent le mode d'hébergement qui leur convient le mieux : appartement, caravane ou "tiny house". Ils construisent et organisent leur quotidien comme ils le souhaitent. Ce qui permet de mieux réinsérer des personnes habituées à la rue, qui s'adaptent mal à des solutions de relogement classiques.
"Quand on cherche une place dans un foyer, soit les animaux, soit les couples sont pas acceptés. Je voulais pas être sans mon copain ou sans mon chien. Ici, on nous a accepté", explique Shania 21 ans, logée à la Zone Libre depuis son ouverture en septembre 2021.
"Merci d'avoir partagé ça", répond la Ministre, avenante. "Ce genre de démarches répondent à des besoins qu'on arrive pas bien à couvrir d'habitude", reconnaît Emmanuelle Wargon, qui s'est dite ouverte aux remontées des associations. Selon elle, une quarantaine de lieux du même genre existent en France, pour environ 1000 places d'hébergement. En retrait, Bruno Bernard et Renaud Payre laissent les travailleurs sociaux présenter le lieu. La Métropole y a largement participé, avec un investissement de 150 000 euros, et 75 000 euros de frais de fonctionnement annuels.
Ce matin avec @RenaudPayre et @brunobernard_fr nous avons inauguré les tiny house installées à @villeurbanne et gérées par l’association le Mas : 17 familles jusque-là hébergées à l’hôtel retrouvent droits et dignité avec leurs enfants @cvansty #hospitalité pic.twitter.com/R6aV3iJRA5
— Agnès Thouvenot (@Athouvenot) April 15, 2021
Plus loin, à Villeurbanne, c'est un projet métropolitain que Renaud Payre présente au commissaire européen. À "la Base", des tiny houses accueillent des femmes isolées avec des enfants de moins de trois ans depuis mars 2021. Le commissaire Nicolas Schmit le reconnaît, il n'avait "pas vraiment" vu ce genre d'endroit auparavant. "Je trouve que ce sont des projets très innovateurs d’un point de vue social. (...) Je félicite la Métropole, les autorités locales. Je crois que des projets comme ceux ci, qui font leur preuves, c’est quelque chose qui est intéressant à multiplier ailleurs dans d’autres villes", note-t-il. Un modèle lyonnais qui pourrait s'exporter ? "Je le dis en toute humilité, la Métropole de Lyon est très largement identifiée au niveau européen pour son volontarisme. Attention, je ne dis pas que ça règle tout, je ne vends pas un modèle lyonnais", répond Renaud Payre.
Recherche de financements
Cette journée était aussi l'occasion pour Bruno Bernard et Renaud Payre d'appeler l'État et l'Union Européenne à financer leur action. Car, ils le reconnaissent, leurs initiatives ne sont pas suffisantes. "Le sans-abrisme est un sujet difficile et complexe, sur lequel nous avançons, trop lentement mais avec volonté forte. Nous remercions les associations et les citoyens qui nous reprochent de ne pas aller assez vite", reconnaît Bruno Bernard. En octobre, les élus métropolitains avaient été vivement interpellés par des militants, qui leur reprochaient de ne pas en faire assez.
"Comment on passe de cette étape volontariste, et qui reste embryonnaire, à une politique structurelle qui nous permettra d’avoir un plan à 5 voire à 10 ans?", s'interroge Renaud Payre. Pour lui, la réponse est toute trouvée : "On en est capables si on est aidés". "L'idée était de dire "“si vous n’êtes pas à vous côté, vous commissaire européen, on arrivera pas à passer à une étape supplémentaire” ", poursuit-il. "Nous avons une enveloppe conséquente de 2,8 milliards contre l'exclusion sociale, qui peut ouvrir des prêts pour financer des structures d’accueil", a expliqué le commissaire européen, même si l'enveloppe n'est pas dédiée uniquement à la lutte contre le sans-abrisme.
"Nous avons une enveloppe conséquente de 2,8 milliards contre l'exclusion sociale, qui peut ouvrir des prêts pour financer des structures d’accueil", a expliqué le commissaire européen aux Droits Sociaux, Nicolas Schmit.
Renaud Payre a également profité du passage de la Ministre pour lui parler d'un dossier qui traîne : la création d'une Station 2. "La Station" est un lieu créé par la Métropole qui accueille 52 jeunes migrants. Ces derniers attendent de réunir les papiers nécessaires pour être reconnus mineurs, et donc être pris en charge par la Métropole. Dans un statut entre deux, ils sont souvent laissés à la rue. Depuis plusieurs mois, la Métropole négocie avec la préfecture pour obtenir un co-financement d'un deuxième lieu du genre. Mais si les discussions sont en cours, elles traînent en longueur.
Lire aussi : Lyon : à la Croix-Rousse, les soutiens des jeunes migrants sont à bout de souffle
Le dossier de la Station 2 soulève aussi un autre problème : au-delà des places d'hébergement, comment prendre en charge des personnes sans papiers ou en situation irrégulière. Même si l'hébergement d'urgence est inconditionnel, tous les sans-abris ne sont pas logés à la même enseigne.
Pour aller plus loin : À Lyon, les politiques changent, les sans-abri restent
Face à eux :
le manque de budget,
les intérêts immobiliers (qui feront toujours tout pour augmenter les loyers)
la spéculation (qui n'est rien d'autre que du commerce).
Bonne chance ! 😀
Lorsque vous en aurez marre de vous faire avoir, vous regarderez peut-être enfin d'autres solutions ?
"le sans-abrisme" ou la novlangue des élus par eux-mêmes
Le sans-abrisme ou la novlangue des élus par eux-mêmes