Crédit photo : Amélie Branchat

Théâtre des Marronniers : la réhabilitation de Françoise-Albine Benoist, auteure lyonnaise effacée de l’Histoire

Redonner une existence aux auteures de théâtre qui ont été progressivement invisibilisées dans le temps. C’est le sens du travail que propose le collectif Les Herbes Folles, qui s’est emparé d’une œuvre de la Lyonnaise Françoise-Albine Benoist. La Supercherie réciproque, pièce écrite en 1758, sera jouée au Théâtre des Marronniers du 7 au 11 mars.

C’est lors d’une conférence à l’ENSATT d’Aurore Evain, metteure en scène et historienne du théâtre qui portait sur les auteures qui ont été effacées du répertoire théâtral, que Léna Genin, Jean-Malick Amara et Guillaume Douat, trois jeunes comédiens ont pris conscience de leur existence. Celle de femmes de lettres dont "ils n’avaient même jamais entendu parler pendant leurs études en art dramatique ou en histoire du théâtre" de l'aveu même de Jean-Malick.

Qui connaît Madame de Villedieu, Anne-Marie du Boccage, Françoise de Graffigny ou madame Ulrich ?… Ces femmes ont pourtant eu autant de succès à l’époque que leurs pairs masculins, Molière, Corneille, Beaumarchais ou Marivaux.


Réhabiliter ces écrivaines


"Il ne reste aucune traces de ces autrices de la période classique dans les corpus scolaires, poursuit Jean-Malick, alors que les auteurs masculins sont abondamment étudiés et joués dans les théâtres aujourd’hui."

En choisissant de documenter cette question d’invisibilité féminine dans le théâtre, ils entendent réhabiliter ces écrivaines.

Crédit photo : Amélie Branchat

"Aurore Evain, qui a effectué des recherches sur les femmes dans le théâtre rappellent que la profession d’actrice était au départ considérée comme de la prostitution. Notamment en raison de l’opposition de l’Église qui considérait cette activité comme immorale", rappelle Guillaume. "Avec le temps elles ont pu le devenir. Mais autrice, c’était inimaginable et dans l’Histoire les grammairiens ont condamné le mot même, qui est pourtant un terme - Autrix - qui existe depuis l’Antiquité. Les femmes peuvent être des corps sur scène, voire des muses inspiratrices, mais pas être à l’origine d’une quelconque pensée."


Françoise-Albine Benoist, semble-t-il, quitta Lyon sa ville natale, pour s’installer à Paris afin de fuir les critiques naissantes


C’est à partir de l’anthologie d’Aurore Evain consacrée aux femmes de théâtre* que le collectif a exhumé une pièce – dont personne ne s’était encore emparée – de l’auteure lyonnaise du XVIIIe siècle, Françoise-Albine Benoist.

Écrite en 1758 La Supercherie réciproque, repose sur une trame digne de Marivaux (qu’on nous pardonne cette référence exclusivement masculine) dans ses ressorts tragi-comiques.

Dans cette pièce, une jeune roturière et un jeune professeur de chant vont s’inventer un titre de noblesse dans le but de se séduire mutuellement. Sans se douter l’un et l’autre de leur mensonge réciproque.

Cette double imposture, portée par une aspiration à l’élévation sociale des protagonistes, fait écho à la stratégie d’émancipation qui nourrit les écrits de Françoise-Albine Benoist qui, semble-t-il, quitta Lyon sa ville natale, pour s’installer à Paris afin de fuir les critiques naissantes.


Critique du patriarcat et du statu quo social


"Françoise-Albine Benoist pouvait écrire et être publiée librement, car elle était veuve. Et à cette époque, toute activité était sous l‘autorité du mari" précise Léna. "Avant cette première pièce, elle avait écrit des textes pour aider les jeunes femmes de son époque. Elle leur conseillait de porter une sorte de masque en société pour se faire accepter en tant que femme, tout en essayant de sortir discrètement de la domination masculine" poursuit-elle.

Critique du patriarcat et du statu quo social, La supercherie réciproque constitue ainsi une matière hautement inflammable pour questionner a posteriori le destin des femmes oubliées de l’histoire du théâtre.

Une intention qui porte les germes du travail que veut explorer ce jeune collectif pour "éveiller le public"  aux questions d’inégalités. En s’amusant au passage, comme le fait Guillaume, des "polémiques sur la cancel culture qui n’est pas forcément là où on l’imagine" avec l’exemple de ces femmes rayées de l’Histoire.…

Crédit photo : Amélie Branchat

Pour aller plus loin dans cette double restitution - théâtrale et historique - les trois comédiens se sont attribués les rôles de manière non genrée, en jouant des personnages de sexes différents. Une forme de pied de nez à l’histoire du théâtre, où les rôles féminins étaient interprétés par des hommes, car tout simplement interdits aux femmes.


La Supercherie réciproque, du 7 au 11 mars au Théâtre des Marronniers.
Par le collectif Les Herbes Folles. Jeu et mise en scène : Jean-Malik Amara, Léna Genin et Guillaume Douat


* Théâtre de femmes de l’Ancien Régime, volume 4 – Aurore Evain - Editions Classiques Garnier


 

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