Les travailleurs sociaux du secteur privé non lucratif se sont mobilisés mardi 15 mars devant l’Agence régionale de santé à Lyon.

Lyon : en perte de sens et de salaire, les travailleurs sociaux manifestent

Mardi 15 mars, le syndicat Sud Santé Sociaux appelait les salariés du secteur privé non-lucratif dans la santé, le social et le médico-social à se mobiliser. Un rassemblement était organisé à Lyon.

Floqués du logo violet de leur syndicat, une vingtaine de travailleurs sociaux se sont réunis devant l'Agence régionale de santé (ARS) à Lyon, mardi 15 mars. En grève, ils demandent de meilleures conditions de travail, des embauches - avec 100 000 postes supplémentaires au niveau national - et une revalorisation salariale.

Il y a près d'un an, en avril 2021, le gouvernement lançait le Ségur de la santé. Grand plan d'investissement dans le secteur de la santé, il accorde notamment une revalorisation de 183 euros aux personnels de santé. Également mobilisés en première ligne face au covid-19, les travailleurs de la santé, du social et du médico-social dans des associations non-lucratives n'y ont pas eu le droit. Depuis octobre 2021, le secteur est régulièrement en grève, et lutte pour que tous les salariés de cette branche puissent profiter de la revalorisation.

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183 euros pour tous

Le 18 février, le Premier ministre Jean Castex avait déjà concédé une première avancée. 140 000 employés du secteur pourront bénéficier de la revalorisation, sans flécher précisément les métiers concernés. En tout, sur les 800 000 salariés que comptent le secteur, seulement 240 000 personnes sont concernées (100 000 salariés en bénéficiait déjà). "On sait que nos collègues du secrétariat, de l'entretien, des cantines ou des services généraux n’auront rien. Nous, à Sud, on considère que sans ces personnels-là une institution ne peut pas fonctionner", soutient Laurent Moreno, secrétaire adjoint du syndicat dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Laurent Moreno appelle la petite assemblée à se serrer les coudes et à mener une lutte collective. "Il ne faudrait pas que les gens se disent « vu que je vais avoir les 183€, ça me concerne plus ». Il faut qu’on fasse appel à la solidarité". Quelques minutes plus tard, le syndicaliste s'engouffre dans le siège de l'ARS accompagné d'une manifestante, pour une rencontre avec les services. Une rencontre qui ne devrait pas changer grand chose, puisque l'ARS n'est pas décisionnaire. Au mieux, des doléances auront été transmises, sans savoir si elles seront entendues.


"On sait que nos collègues du secrétariat, de l'entretien, des cantines ou des services généraux n’auront [pas ces 183 euros]. Nous, à Sud, on considère que sans ces personnels-là une institution ne peut pas fonctionner", soutient Laurent Moreno, secrétaire adjoint du syndicat dans le Rhône.


Dans un livret vert, remis en mars 2022 au gouvernement, le Haut conseil du travail social conseille une augmentation de 30% des salaires pour les salariés du secteur privé non-lucratif dans la santé, le social et le médico-social. Un conseil proche des revendications du syndicat Sud Santé Sociaux, qui demande une augmentation de 400 euros sur tous les salaires.

Des conditions de travail dégradées

Pour ces travailleurs, la revalorisation salariale de leurs métiers est indispensable pour le bon fonctionnement de leurs missions. Comme ils ne sont pas rémunérés à la même hauteur que leurs homologues fonctionnaires, ils subissent un fort turn-over. "Les nouveaux sont frileux à prendre des CDI. Ils préfèrent enchaîner les CDD, essayer plusieurs services. On a du mal à construire des équipes dans la durée", explique Floriane, qui travaille dans la protection de l'enfance.


"Dans mon association, on suit le dossier de 2500 mineurs. Comme on n'arrive pas à embaucher, on en suit vraiment que 2200. Il y a une attente pour des jeunes en danger qui est parfois de 6 mois à 1 an", déplore Jérôme, assistant social dans la protection de l'enfance.


Ce manque d'attractivité crée un vide dans les effectifs. "Sur les quatre postes dans ma boîte, deux ne sont pas pourvu", explique Colette, salariée auprès de personnes handicapées dans un Établissement et service d'aide par le travail (ESAT). Et l'éducatrice pointe une seconde raison des difficultés à recruter. "Jusqu'à présent, l'attachement à notre travail et nos valeurs nous maintenait, malgré les petits salaires. (...) Théoriquement je suis censée faire de l'aide par le travail, mais maintenant on nous parle de rendement. Notre travail perd de son sens", développe l'éducatrice, dans le métier depuis plus de 20 ans.

Jérôme, assistant social dans la protection de l'enfance, explique que ces conditions de travail dégradées se répercutent ensuite sur les usagers. "Dans mon association, on suit le dossier de 2500 mineurs. Comme on n'arrive pas à embaucher, on en suit vraiment que 2200. Il y a une attente pour des jeunes en danger qui est parfois de 6 mois à 1 an", déplore-t-il. Lui-même a sous sa responsabilité une trentaine de jeunes. S'il ne se dit pas désabusé, il craint pour la nouvelle génération de travailleurs sociaux. "Quand on a 10-15 ans de boîte, on se souvient de ce que c'est un travail de qualité. Quand on est jeune, on peut en douter", redoute l'assistant social.

Une crainte pour la future convention collective

Les salaires et les conditions de travail sont leur revendication principale. Mais les syndicats s'inquiètent aussi d'une prochaine refonte de leurs conventions collectives. La date du 15 mars 2022 n'a pas été choisie au hasard. La Convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées a été adoptée, en 1966, un 15 mars.

Pour l'instant, il existe trois grandes Conventions collectives nationales pour les établissements et services médico-sociaux du secteur privé. Le 18 février dernier, Jean Castex a appelé les partenaires sociaux et les départements à négocier une convention collective unifiée et étendue pour le secteur. "On est pour une convention de haut niveau, qui réunisse le meilleur des trois conventions principales. Qui permette d’aller vers une meilleure attractivité et meilleure considération. On a peur que les employeurs négocient à la baisse", explique Richard Carrara, assistant social et négociateur national dans les conventions collectives pour le syndicat Sud.


Richard Carrara, assistant social et négociateur national dans les conventions collectives pour le syndicat Sud, se méfie d'une nouvelle grille salariale qui pourrait être négociée dans une convention collective unique. Il ne veut pas voir un salaire défini "selon une classification différente, avec une part variable, évaluée par la direction ou le chef d’équipe. Certains salariés d'une même équipe pourront avoir une meilleure augmentation que d’autres".


Leur grande crainte : le salaire au mérite. Jusqu'ici, les grilles salariales prennent en compte le niveau de diplôme et l'ancienneté pour déterminer le niveau de rémunération. Richard Carrara se méfie d'une nouvelle grille "selon une classification différente, avec une part variable, évaluée par la direction ou le chef d’équipe. Certains d'une même équipe pourront avoir une meilleure augmentation que d’autres". Pour lui, un accompagnement efficace auprès des usagers passe par un travail collectif, et non pas la performance personnelle de chacun.

Face à ces deux défis pour le secteur, le syndicat Sud Santé Sociaux a prévu de nouvelles mobilisations. Cette fois en lien avec la CGT, en intersyndicale. Prochain rendez-vous dans la rue, le 17 mars lors d'une mobilisation interprofessionnelle et le 7 avril lors de la journée mondiale de la santé.

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