Plus de trois semaines après le début du conflit, les conséquences de l'invasion russe en Ukraine se font ressentir dans le Rhône. Le secteur du BTP, déjà durement touché par la crise sanitaire, est inquiet de la hausse des prix de l'énergie et des matières premières.
"On a jamais été dans cette situation depuis 1945". Norbert Fontanel, président de la commission Économique de la Fédération BTP Rhône et Métropole pose le cadre. Toujours pas sorti du covid-19, qu'une nouvelle crise d'ampleur vient frapper de plein fouet les entreprises du secteur. Si la filière a montré sa résilience jusqu'ici, la pénurie de matières premières et "l'extrême volatilité des prix" inquiète. Et la crise géopolitique d'Europe de l'Est ne semble pas vraiment se résoudre.
À l'occasion d'une conférence de presse organisée au siège de la Fédération BTP Rhône Métropole lundi 21 mars, Samuel Minot (président de la Fédération BTP Rhône et Métropole), Norbert Fontanel (président de la commission Économique de la Fédération) et Pascal Royer (président de l'Observatoire de la Commande Publique) ont appelé les acteurs du secteur à la "solidarité". Si selon Samuel Minot, "le BTP n'est pas arrêté et continue de tourner", la situation devient tout de même préoccupante.
Sur le terrain, la hausse du coût du zinc, de l'aluminium ou encore de l'acier (+ 40%) empêche les entreprises d'assumer leur budget. À cela, s'ajoute la pénurie de fournitures en carrelages, tuiles, briques et tout élément venant d'Ukraine. Certaines lignes de production, alimentées au gaz naturel d'Europe de l'est, sont également arrêtées. "L'année 2022 va être une année compliquée", prévient Samuel Minot.
La révision des prix et la solidarité des acteurs
En avril 2021, en pleine crise du covid-19, l'État avait soutenu l'activité partielle permettant alors de "sauver 50 % des défaillances d'entreprises pour l'année 2020". Mais cela n'était pas suffisant pour la Fédération qui réclamait la promotion d'une indexation des prix du marché privé. En d'autres termes, les entreprises du BTP ne pouvaient pas revoir leurs contrats en fonction de la fluctuation des prix. Près de deux ans plus tard, cette indexation n'a pas été rendue possible et seuls les chantiers du secteur public peuvent bénéficier d'une révision des prix. A contrario, les marchés privés sont à prix forfaitaires et fermes, sans clauses d'actualisations des prix. Pour rappel, le marché public représente 20 % du marché du BTP contre 80 % pour le privé.
Pourquoi alors faire appel à la solidarité du secteur et pas au gouvernement ? La période actuelle ne va pas dans le bon sens. Depuis vendredi 18 mars, la période de réserve dans laquelle sont rentrées ministres et fonctionnaires empêchent les agents d'État d'intervenir. Seulement, aujourd'hui, ces problématiques pèsent "un risque majeur d'arrêt de certains chantiers", indique-t-on lors de la conférence de presse. Le plan de résilience soumis par le gouvernement pour le secteur du BTP est qualifié de "décevant" au sein de la fédération. Il prévoyait notamment une aide pour les entreprises dont les dépenses en gaz ou en électricité représentent une part de 3 % du chiffre d'affaires. Trop peu pour la filière qui va chercher du soutien ailleurs.
"La perte de visibilité sur l'approvisionnement et sur les prix [...] fait qu'aujourd'hui, c'est un marché de demande et de file d'attente ou les fournisseurs sont en position de force",
Samuel Minot, président de la Fédération BTP Rhône et Métropole
"Les solutions doivent alors être trouvées en local", souffle Samuel Minot. "La perte de visibilité sur l'approvisionnement et sur les prix [...] fait qu'aujourd'hui, c'est un marché de demande et de file d'attente ou les fournisseurs sont en position de force", analyse-t-il.
Quelles solutions pour les entreprises ?
"Mettre en place des partenariats [...] pour qu'une partie de la chaîne puisse éponger ces hausses : car aujourd'hui les fournisseurs nous imposent un prix. On est sur un marché en grande partie non-révisable, non-actualisable et en marché ferme. Entre les deux, c'est les entreprises qui font le tampon entre les fournisseurs et les maîtres d'ouvrage", solutionne Samuel Minot. La solidarité de tous les acteurs, à toutes les échelles semblent être de mise.
Il est "urgent de retrouver les mécanismes de révisions, sur toute la chaîne : du banquier, de la collectivité et jusqu'aux entreprises. À l'époque, la révision se faisait de partout. Il est urgent que l'on revienne à cela",
Pascal Royer, président de l'Observatoire de la Commande Publique
De son côté, Pascal Royer, président de l'Observatoire de la Commande Publique estime qu'il est désormais "urgent de retrouver les mécanismes de révisions, sur toute la chaîne : du banquier, de la collectivité et jusqu'aux entreprises. À l'époque, la révision se faisait de partout. Il est urgent que l'on revienne à cela" martèle-t-il. Une incompréhension que ce ne soit pas "normal" pour Norbert Fontanel, à la présidence de la commission Économique de la Fédération. "Si le blé quadruple de prix, le boulanger va vendre la baguette de pain plus chère et tout le monde va trouver ça normal. Aujourd'hui, nos fournitures augmentent mais personne ne trouve cela normal que nos prix de vente augmentent", s'insurge-t-il.
Le secteur est pourtant en plein essor. Les carnets de commandes n'ont jamais été aussi importants depuis 30 ans, selon les organisateurs de la conférence de presse. En parallèle, la filière voit sa masse salariale augmenter de 5 %, ce qui fait d'elle un pourvoyeur d'emplois important en Auvergne-Rhône-Alpes. Entre besoins de matières premières et apports humains, le secteur du BTP doit faire face au paradoxe des crises de 2022. "L'urgence est là. Les solutions aussi".
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Quand la guerre en Ukraine est problématique pour... les marges.
Voilà voilà.
Les décroissants en rêvaient, Put in l' a fait. Voilà voilà !