D’une très grande force visuelle et poétique, Mythologies, le spectacle du chorégraphe Angelin Preljocaj, a magnifiquement lancé la saison de la Maison de la danse. Notre critique.
L’emprunt à Roland Barthes du titre de son ouvrage relevait d’un pari osé. Celui de revisiter les grands mythes – anciens et modernes – non pas à travers le prisme de la sémiologie mais à travers celui du langage de la danse. Même si ces disciplines semblent éloignées, elles ont en commun de chercher à rendre visible les signes qui construisent les récits de de notre société. Et disons-le sans ambages, le chorégraphe Angelin Preljocaj a réussi ce pari avec brio.
Dans les tableaux qui se succèdent de manière très soutenue dans Mythologies, les danseurs restituent les grands mythes antiques - on y croisent les Amazones, le Minotaure ou Persée – mais s’emparent aussi de la culture populaire moderne. Comme ces scènes de combats, tirées du cinéma d’action ou de spectacles de catch, dont la gestuelle étroitement codifiée* a été probablement disséquée par le chorégraphe. Une discipline qui fait par ailleurs l’objet d'un chapitre dans l’ouvrage de Roland Barthes.
Un spectacle magnétique
Mais ce spectacle - néo-classique dans son interprétation - puise également dans des évocations de sujets brûlant d’actualité, comme les violences sexuelles, le conflit en Ukraine ou la déconstruction des identités de genre qui sont mis en regard avec les grands mythes qui ont façonné notre civilisation.
Magnifiquement interprété par les danseurs du ballet Preljocaj et celui de l’Opéra de Bordeaux, Mythologies est porté par une composition musicale inédite de Thomas Bangalter. C’est peut-être d’ailleurs le seul point décevant, tant on attendait de l’ex-Daft Punk une création plus détonante que celle proposée, trop sage, voire quelque peu plate…
Une déception très secondaire, tant la force d‘évocation de ces tableaux rendent ce spectacle magnétique, grâce notamment à un dispositif qui nous happe. Des effets vidéos sur grand écran ou des gros plans sur les regards des danseurs - comme s’il était enfin possible de redonner un visage à ceux dont on n’appréhende souvent que le corps – confère une grande humanité à la scénographie.
D’aucuns diront qu’Angelin Preljocaj cède à des tentations esthétisantes, tout en restant cloisonné dans une approche quelque peu classique. Peu importe pourrait-on dire. Ce qu’il propose avec Mythologies est un spectacle d’une immense puissance poétique qui s’offre à tous de manière éclatante.
Mythologies, d’Angelin Preljocaj, jusqu’au 18 septembre à la Maison de la danse.
* À (re)voir également pour les amateurs de catch, The Wrestler de Darren Aronofsky