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Jets de soupe, routes bloquées... la radicalité peut-elle s'inviter à Lyon ?

Depuis plusieurs semaines, les militants écologistes multiplient les opérations coup de poing. Si à Lyon, les actions restent discrètes, les associations tendent à se radicaliser face à l'urgence climatique.

Dimanche 30 octobre, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, utilise le terme "écoterrorisme" pour qualifier les actions de militants écologistes mobilisés contre le projet de "mégabassine" à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres. Le député du Rhône Alexandre Vincendet a quant à lui déposé une proposition de loi visant à créer un délit de "tentative de destruction d'un bien culturel", en réaction aux jets de soupes et autres fluides sur des tableaux du monde entier qui, élément régulièrement volontairement omis, sont tous protégés par des vitres. Médiatisées sur la forme, peu de médias ont laissé la place aux auteur de ces actions pour expliquer leurs motivations.

Unanimité sur la radicalité, pas sur la manière

Tantôt inspirantes, tantôt agaçantes, dans les associations lyonnaises, ces actions questionnent. Parmi elles, Extinction Rébellion, Youth for Climate, Alternatiba et la petite nouvelle arrivée à la rentrée dans la capitale des Gaules, Dernière Rénovation. Tous s'accordent sur un point : les actions deviennent de plus en plus radicales, et c'est une bonne chose. "Depuis le début on se questionne. Pourquoi prendre des automobilistes pour cible ? Mais pour nous, la vraie question est pourquoi avons nous besoin de faire du désordre ? Parce que toutes les autres solutions n'ont pas abouties", explique Lucas, militant de Dernière Rénovation à Lyon. Ces blocages, certains militants ne les cautionnent pas. Ils considèrent que les participants sont trop exposés physiquement et médiatiquement, mais aussi qu'ils embêtent des personnes elles-aussi victimes du système que l'action dénonce.


"Les écologistes ont toujours été vus comme des bisounours qui n'allaient pas secouer le pouvoir en place. La montée en radicalité est pertinente."
Apolline, militante Extinction Rébellion à Lyon


Mais comment donner tort à Dernière Rénovation, qui multipliant les actions ces dernières semaines, est parvenue à installer à l'agenda politique et médiatique le sujet du manque d'ambition de l'Etat sur la rénovation des passoires thermiques. Jusqu'à un amendement sur le budget 2023 prévoyant 12 milliards d'euros supplémentaires, déposé à gauche de l'hémicycle, mais voté par une majorité de député. Il aura finalement été écarté par le gouvernement après un 49.3 difficile à avaler pour les militants. Faut-il alors en arriver à des actions plus "radicales" pour obtenir l'attention politique que la lutte contre le réchauffement climatique mérite ?

Incompréhension et rejet d'une partie des Français

Chez Youth for Climate Lyon, "on s'est beaucoup posé la question. Les marches pour le climat ont fait parler, mais rien n'a bougé alors on a décidé d'adopter la diversité des tactiques. A partir du moment où la mobilisation n'implique aucune violence envers des personnes physiques, on s'autorise tout", détaille Tao, militant du mouvement né autour des "fridays for future" lancé en 2019 par Greta Thunberg. En 2021, c'est Extinction Rébellion qui s'est illustré en sabotant deux stations TotalEnergies de l'agglomération. "Les écologistes ont toujours été vus comme des bisounours qui n'allaient pas secouer le pouvoir en place. La montée en radicalité est pertinente", juge Apolline, militante de l'association.


"Si d'ici deux ou trois ans rien n'a bougé, certains pourraient vraiment basculer dans de l'écoterrorisme."
Tao, militant Youth for Climate Lyon


Pourtant si la radicalisation des actions fait l'unanimité au sein des militants, le moins que l'on puisse dire est qu'elle questionne, suscite de l'incompréhension voire parfois un fort rejet dans la population. Les associations en sont conscientes, mais pour Alex, militant chez Alternatiba, "c'est par le clivage que l'on arrive à faire bouger. Et de nuancer : nous sommes un mouvement de masse mais nous sommes malgré tout traversés par des discussions autour de la radicalité de nos actions". Les militants l'ont compris, la bataille de l'opinion ne peut pas être gagnée. Ils disposent de trop peu de relais médiatiques, s'en tenant aux réseaux sociaux pour tenter d'expliquer le sens de leurs actions.

"On distingue toujours notre mouvement, et le sujet de l'écologie dans son ensemble. Je ne pense pas que le fait que nos actions soient considérées comme extrémistes desserve la cause de manière générale, insiste Tao. Mais si d'ici deux ou trois ans rien n'a bougé, certains pourraient vraiment basculer dans de l'écoterrorisme".

 

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