Grégory Doucet / Inauguration 1km Voies Lyonnaises
Grégory Doucet / Inauguration 1km Voies Lyonnaises ©Romane Thevenot

Quoi qu'il en croûte !

Un édito sur le pâté-croûte, c'est un peu léger dans une actualité aussi lourdement chargée, non ? L'éditorial du rédacteur en chef de Lyon Capitale.

Championnat pâté croûte demi finale 2021 Lyon

C'est un symbole de la charcuterie française. Un monument d'anthologie et de gourmandise. Pendant des années, cette pièce d'artillerie de la cuisine française était tombée au champ d'honneur. Fusillée sur l'autel de la nouvelle cuisine - ce mouvement du milieu des années 70 qui, telle une lame de fond, a tout balayé sur son passage, comme la cuisine fumée et à la braise, désormais de retour sur le devant de la scène, où le lièvre à la royale qui revient au galop, bref des plats furieusement rétro.

Lundi 5 décembre se déroulait, à Confluence, le treizième et très sérieux championnat du monde de pâté-croûte (comme on dit à Lyon). Qui n'a rien d'un concours à la noix : il sert à remettre au goût du jour un plat symbole d'une France populaire, charcutière, laborieuse et un brin canaille. Comme dirait Bernard Pivot au sujet du beaujolais, le pâté-croûte est un plat de lutte des classes, des canuts et des rad-soc’s, de Gnafron et d’Édouard Herriot, des bleus de chauffe et des costumes-lavallière, des mâchons entre vieux potes et des déjeuners de famille, de la gauche-saucisson et de la droite-pot-au-feu.

Le viking lyonnais Jérémie Crauser (barbe rousse et gabarit de drakkar) a été sacré vice-champion du monde 2022 (à 8 petits points - sur  1000 ! - du Japonais Ryutaro Shiomi).  Réaliser une croûte bien cuite, une farce moelleuse avec beaucoup de goût et une gelée parfaite, sans compter la présentation qui doit être soignée, c'est pas de la tarte, même pour un charcutier (Crauser-Bello, rue Franklin) qui fait environ un millier de pâtés-croûte à l'année.

Vous me direz, un édito sur le pâté-croûte, c'est un peu léger dans une actualité aussi lourdement chargée, non ? Vous n'auriez pas tout à fait tort, ni tout à fait raison d’ailleurs.

A vrai dire, on a tellement peu de choses à se mettre sous la dent... Un coup, on nous bassine (un peu, beaucoup, passionnément, à la folie) avec une énième inauguration - toujours en grande pompe - de piste cyclable; un autre coup, c'est un adjoint qui rempote des herbacées et autres petits arbustes pour "redonner toute sa place à la biodiversité en ville".  Le trait est forcé, mais dans une certaine mesure on encaisse une certaine faiblesse politique.

Parce qu'une ville ne se réalise pas avec quelques jolies fleurs et une bicyclette, quoi qu'il en coûte. Ce serait un poil simpliste pour être efficace. Et à propos du "quoi qu'il en coûte", si on ne saisit pas encore bien l'évolution de la ligne du gouvernement (sauf le FMI), entre Rhône et Saône, la rumeur s'interroge sur celle de l'exécutif local. 

En même temps, dirait le Président, des jolies petites fleurs et une bicyclette, il en faut. Mais on ne construit pas un mandat sur le tandem pédales/pétales. 

En même temps, c'est aussi la nature même du pâté-croûte. Ce qui le définit dans son essence. Plat extrêmement technique à réaliser, cette tranche de patrimoine culinaire est en même temps une recette de pâtissier pour la pâte, en même temps une recette de charcutier pour la farce et les viandes et en même temps une recette de cuisinier pour les jus et les gelées.

En réalité, en même temps embrasse la complexité de toute action humaine, donc de tout acte politique. Et du pâté-croûte, quoi qu'il en croûte !

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