Laurence Nobécourt, P. E. Cayral et Malek Abbou sont les auteurs des ouvrages sélectionnés par la rédaction de Lyon Capitale en ce début d'année.
Drôles d’oiseaux !
Le dernier roman de Laurence Nobécourt, Opéra des oiseaux, est un livre singulier. Complètement différent des centaines d’ouvrages proposés lors de cette dernière rentrée littéraire. Plus exigeant, plus difficile d’accès mais aussi plus gratifiant, plus fort par l’empreinte dont il marque le lecteur. Il ne se lit pas d’une traite, non seulement parce qu’il fait plus de cinq cents pages, mais surtout parce que l’on a plaisir à le découvrir et à le savourer, patiemment, longuement.
C’est une manière de “roman-monde” qui se déploie une année durant, déjà passée ou bientôt à venir, qui sait ? On a l’impression de lire, par-dessus leur épaule, le journal intime que tiendrait une quinzaine de personnages tout au long d’une année. Ils ont pour point commun la lecture du poète japonais Yazuki (que Laurence Nobécourt croyait d’abord fictif mais qui s’est avéré bel et bien réel !) qui, lui-même, fait partie intégrante de la fresque.
Ainsi, au gré des différents protagonistes, de leurs intimes confessions, nous voilà à New York, Venise, Paris, au Portugal, en Russie, en Afrique ou au Japon… Bref, partout sur cette terre…
Les personnages de cette insolite confrérie sont plus ou moins âgés ; leur vie est parfois devant, parfois derrière eux. Mais par la langue puissante de Laurence Nobécourt, et sa surprenante force d’évocation, ils parviennent à nous transmettre leur précieuse expérience sur le temps, l’amour, l’amitié, les liens – amicaux ou familiaux – noués entre les êtres, l’art, la poésie, et la mort, qui peut être sinon joyeuse, du moins apaisée.
C. M.
Opéra des oiseaux – Laurence Nobécourt, éditions Grasset, 512 p., 24 €.
Chapeau bas !
Le premier roman de P. E. Cayral, Au départ, nous étions quatre, mérite un coup de chapeau. Et pas seulement parce que ce cinquantenaire, né à Lyon, est… vendeur de chapeaux.
Si l’on en juge par ce premier roman, et si d’autres du même acabit suivaient, il pourrait bien devenir aussi un véritable écrivain. En tout cas, il a une écriture qui a le don de frapper notre imagination.
Les premières pages du livre en témoignent. Elles décrivent la naissance, et les quelques instants qui la précédent, de Gus. C’est l’un des héros de ce roman balayé par les embruns et les vents de noroît, puisqu’il se passe en grande partie au sein d’une ferme familiale, dans le Finistère.
“Un des héros”, parce qu’il y en a plusieurs. C’est une fratrie nombreuse que dépeint Cayral. Il fait revivre, de l’enfance à un âge adulte avancé, en passant par l’adolescence et la jeunesse, les péripéties de trois frères jumeaux. Et même, pourrait-on dire, de quadruplés, puisque le quatrième jumeau, mort-né, prend de temps à autre la parole.
Le roman est en effet écrit de manière polyphonique, donnant la parole aux trois frères mais aussi à leur mère, leur père ou d’autres proches des triplés. Peut-être afin que l’on comprenne mieux comment, derrière l’apparence physique si semblable (ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau), chacun a sa destinée propre, sa pensée et son regard particuliers sur les événements, aussi bien ceux vécus ensemble que ceux que chacun affronte individuellement.
Le roman nous tient en haleine du début à la fin tant il sait rendre attachants, et vivants, les trois membres de cette fratrie hors pair.
C. M.
Au départ, nous étions quatre – P. E. Cayral, éditions Anne Carrière, 304 p., 19 €.
Abbou de foot
Avec leur collection “Le Club des écrivains”, les éditions Médiapop ont entrepris l’an dernier un tour de France des places fortes du football français. La manière : demander à un auteur de raconter son rapport à son club de cœur et, par là, le club lui-même.
Après des passages par Marseille, Saint-Étienne, Metz, Rennes, Reims et Bordeaux, voilà que “Le Club des écrivains” fait enfin halte à Lyon et du côté de l’OL avec l’écrivain et essayiste Malek Abbou. En pleine déliquescence de l’Olympique lyonnais, ça ne fait pas de mal. Ou ça en fait beaucoup. Car, avec nostalgie, l’auteur se remémore l’apparition de ses premiers frissons amoureux pour le club. Un sentiment principalement aveugle – à l’époque, sauf à se rendre au stade, le football est invisible.
Puis les différentes heures de gloire du club de Jean-Michel Aulas, notamment ses sept titres de champion d’affilée, ce sentiment d’invincibilité et ses exploits européens (très nombreux).
Mais ce qui fait le charme du livre et de la collection – et permet d’y trouver de l’intérêt sans être fan de l’OL ou d’un autre de ces clubs –, c’est l’approche amoureuse de la chose, la convocation de l’enfance et le caractère résolument littéraire de ce livre de supporteur pas comme les autres, passionné mais juste. Aussi souvent drôle qu’émouvant dans cet attachement surnaturel à un club pour qui tout va mal.
Pour les exilés, les Lyonnais venus d’ailleurs, en plus des livres déjà publiés, deux ouvrages ont paru dernièrement, consacrés au FC Sochaux-Montbéliard et au PSG.
K. M.
Scènes ordinaires de la vie des lions – Malek Abbou, éditions Médiapop, 104 p., 9 €.