L’Art déco, avec son penchant pour les lignes droites et les motifs géométriques, est largement représenté à Lyon. Des bâtiments emblématiques, tels l’immeuble Le Barioz, le palais de Flore ou l’ancien garage Citroën, jalonnent la ville. Petit tour d’horizon ce mois-ci des édifices les plus célèbres avant d’aborder prochainement des constructions plus méconnues.
Peu enclin à embrasser l’Art nouveau à la fin du XIXe siècle, Lyon adopte l’Art déco quelques décennies plus tard avec enthousiasme. Largement disséminés dans la ville, on trouve des exemples de bâtiments Art déco dans tous les arrondissements de Lyon. La palme revient sans conteste au 6e arrondissement, dont nombre d’édifices ont été élevés dans ce style.
L’émergence de l’Art déco
L’Art déco est l’abréviation d’“Arts décoratifs”. Il englobe aussi bien l’architecture que la décoration intérieure. Style éclectique, aux formes géométriques audacieuses, il forme un contrepoint à l’Art nouveau aux courbes et volutes parfois jugées exubérantes. Loin d’une révolution artistique, il s’agit plutôt d’une évolution progressive entre les deux styles. Les lignes droites et épurées de Charles Rennie Mackintosh, en Écosse, ou d’Otto Wagner, de la sécession viennoise, en Autriche, annoncent déjà une géométrisation des formes dès le début du XXe siècle. Dans les deux cas, l’ornementation par l’emploi de ferronnerie, motifs floraux, bas-reliefs, statuaires, etc. garde une place importante.
On associe généralement l’émergence du style Art déco aux lendemains de la Première Guerre mondiale, mais ses prémices se font déjà sentir dès les années 1910. L’immeuble Cateland, à Vaise (voir prochain numéro), en est à ce titre un bon exemple. Associé aux “années folles”, l’Art déco connaît son plein épanouissement dans les années 1920. 1925 représente une année phare avec l’Exposition des arts décoratifs à Paris, qui lui donne d’ailleurs son nom. Il décline à la fin des années 1930 pour disparaître avec la Deuxième Guerre mondiale.
Les incontournables
Lyon 6e
Le palais de Flore
Bâtiment emblématique de l’Art déco avec ses coupoles sur les terrasses, baptisées par les Lyonnais “casques anglais” : le palais de Flore. Bâti par l’architecte stéphanois Clément Laval en 1930, il est à l’époque, avec ses quarante mètres et onze étages, l’immeuble le plus haut de France. Il est construit sur une structure métallique avec des murs non porteurs en briques creuses. En carrefour de voies, sa situation a été propice à une composition verticale renforcée par les trois angles. L’immeuble emprunte son nom à la divinité antique Flore, protectrice du monde végétal.
Lyon 6e
L’immeuble Le Barioz
Quai Sarrail, l’immeuble Le Barioz (1929-1932) est l’un des plus beaux fleurons Art déco de la ville. Exemple atypique à Lyon, les architectes Louis et Charles Donneaud marient le ciment armé des quatre pilastres et du fronton aux briques rouges des appuis de fenêtres. Cette combinaison singulière confère un élan vertigineux à l’immeuble, qui rappelle les gratte-ciel américains. Le bâtiment est coiffé d’une demi-coupole et d’un fronton crénelé en redents d’où émergent deux visages, hauts de deux mètres soixante-dix chacun. Ces œuvres de Chorel confèrent au bâtiment, commandité par le soyeux Barioz, un aspect décoratif unique, visible de loin. Portraits du couple Barioz, pour d’aucuns, les sculptures représenteraient Minerve, la déesse de la sagesse et Mercure, le dieu du commerce et des voyageurs.
Lyon 7e
Le mythique garage Citroën
Aujourd’hui immeuble de bureaux, l’ancien garage Citroën est un point de repère incontournable dans la ville. Ce géant de béton et de verre, terminé en 1932, emprunte aux codes Art déco et à l’architecture fonctionnaliste de l’époque. Selon un dépliant publicitaire du moment, le garage est “la plus grande station-service du monde”. Avec ses 6 000 m2 de vitrages, son hall monumental de dix-huit mètres de haut, ses 350 mètres de rampes d’accès automobile et ses 130 mètres de long, l’édifice est aussi grand que six terrains de foot empilés. Construit par l’architecte Maurice-Jacques Ravazé, ses ferronneries ont été façonnées par le célèbre designer et architecte Jean Prouvé.
Lyon 3e
La Bourse du Travail
Réalisée entre 1929 et 1936 par Charles Meysson, ses fenêtres hexagonales, sa marquise en béton armé et les motifs géométriques de la typographie font appel au vocabulaire de l’Art déco.
Lyon 6e
Le central téléphonique Lalande
Face au palais de Flore, cet édifice typé Art déco a été construit par Charles Meysson à la fin des années 1920. La façade est ornée de nombreux bas-reliefs aux motifs floraux et organiques.
Lyon 2e
Le central téléphonique Ampère
On doit également à Charles Meysson ce central téléphonique édifié en 1926. Sa décoration faite de motifs hexagonaux est typique.
Lyon 2e
La flèche du cinéma Pathé
Bien connu des Lyonnais, le cinéma Pathé-Bellecour s’enorgueillit d’une tour Art déco de trente-trois mètres de haut, au sommet de laquelle trône le coq emblématique de la marque. En 1932, la maison Pathé fait construire par l’architecte Eugène Chirié un cinéma de 1 600 places à l’endroit de l’ancien casino Kursaal. Complètement remanié dans les années 1990, sa façade a néanmoins été préservée.
Et aussi
Lyon 2e
La Grande Poste
On doit à Roux-Spitz la Grande Poste, place Antonin-Poncet. Construite entre 1935 et 1938, elle est davantage représentative de l’architecture des années 30 que de l’Art déco. Seul un motif de trois bandes verticales sur le dernier étage du bâtiment égaie la façade ainsi que quelques belles sculptures et bas-reliefs.
Lyon 4e
Théâtre de la Croix-Rousse
Cette ancienne salle des fêtes a été aussi construite de 1924 à 1929 par Michel Roux-Spitz, élève de Tony Garnier. La façade est décorée de grands claustras (parois ajourées) dont les pavés de verre sont légèrement teintés de jaune. Roux-Spitz a également construit l’actuel théâtre des Jeunes Années, à Vaise, dans un style similaire.
Tony Garnier (1869-1948) et les Arts décoratifs
Le célèbre architecte lyonnais, connu pour son projet de Cité industrielle, développe avec le maire de l’époque, Édouard Herriot, une collaboration fructueuse. Tony Garnier orchestre notamment quatre grands chantiers – les abattoirs de la Mouche, l’hôpital Grange-Blanche, le stade municipal de Gerland et le quartier des États-Unis – qui tous aboutissent dans les années 1920-1930, à l’apogée des Arts décoratifs.
En 1925, année phare des Arts décoratifs, il participe à l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes à Paris. Choisi pour la construction du pavillon de Lyon-Saint-Étienne, il propose un édifice figurant déjà dans sa Cité industrielle pour son bâtiment des assemblées, ainsi que pour un projet d’une Bourse du Travail à Lyon. Il prend la forme d’une grande salle surmontée d’une coupole octogonale à trois niveaux, coupole dont l’inspiration se retrouve dans la chapelle de l’hôpital Édouard-Herriot, typée Art déco, construite par son élève et collaborateur, Louis Thomas.
Tony Garnier s’est souvent entouré d’artistes et décorateurs (Jean-Baptiste Larrivé, Claudius Linossier, etc.) et déclare dans sa Cité industrielle en 1917 : “Si notre structure reste simple, sans ornement, sans moulure, nue partout, nous pouvons ensuite disposer des arts décoratifs sous toutes leurs formes.”
Difficile pourtant de le rattacher au mouvement Art déco, même si certains édifices, tel l’hôpital Édouard-Herriot (dont la construction s’est étalée de 1913 à 1933), en reprennent des codes. Les immeubles de la cité Tony-Garnier dans le 8e arrondissement (malgré leurs bow-windows et fenêtres hublots), par leur sobriété, relèvent plus de l’architecture moderne que de l’Art déco.
Les caractéristiques de l’Art déco
L’entre-deux-guerres est marqué par une effervescence artistique. À Weimar, Gropius crée le Bauhaus en 1919 tandis que s’affirme également à cette époque le style international ou Mouvement moderne regroupant des architectes comme Le Corbusier, Mies van der Rohe ou encore ceux du groupe De Stijl, en Hollande. Tous ces mouvements s’influencent les uns les autres. L’Art déco présente cependant quelques grandes caractéristiques qui lui sont propres. Visite guidée à travers Lyon pour les mettre en lumière.
• Refus des angles droits
Les immeubles d’angle Art déco présentent rarement des angles droits. Ils sont très souvent arrondis ou coupés. Ces angles “en proue” ne sont pas sans rappeler les paquebots transatlantiques des années 1920, qui connaissent alors leur âge d’or, comme le Normandie, véritable palace flottant Art déco.
• Pans coupés
Les fenêtres, portes et bas-reliefs font souvent appel aux pans coupés.
• Bow-windows
Les bow-windows (fenêtres en saillie, aussi parfois dénommées oriels) ne sont pas typiques de l’Art déco. Ils apparaissent dès la fin du XIXe siècle avec l’Art nouveau. Mais l’Art déco en fait largement usage, le plus souvent en utilisant des formes polygonales.
• Matériaux variés
Le béton armé a très souvent été utilisé dans les constructions Art déco, mais on retrouve également la pierre de taille ou la brique.
• Ornementation
La décoration, intérieure comme extérieure, est une caractéristique importante de l’Art déco. C’est une des différences majeures qui permet de le distinguer d’autres mouvements concomitants comme le Bauhaus, et plus généralement du style international ou du Mouvement moderne qui prônent une architecture sans ornements et privilégient des façades nues, blanches.
• Ferronnerie
Les portes, grilles, balcons et garde-corps font souvent appel à un travail de ferronnerie élégant et parfois complexe.
• Motifs spiraux et floraux
La vague et la spirale sont des motifs récurrents de l’Art déco. On trouve également souvent des motifs de fleurs et de fruits. Contrairement à l’Art nouveau, les motifs sont généralement stylisés et privilégient les formes géométriques.
• Fenêtres hublots
Rondes, hexagonales ou octogonales, on retrouve ces fenêtres d’abord côté cour, puis côté rue. Elles font elles aussi référence aux gros paquebots alors en vogue dans les années 1920.
• Fronton
Le fronton fait son grand retour. Encore un peu arrondi en début de période, il devient rapidement géométrique, en trois parties.
Dans les années 70/80/90 l’immeuble Le Barioz Lyon 6°, hébergeait au dernier étage (vue superbe) le consulat des USA, qui autorisait le visa "multiple/ indefinitely" aux ressortissants français. Mais c'était avant le 11.09.2001 ! Depuis il a a emménagé quai Jules Courmont Lyon 2°