Le Plateau des Glières, en Haute-Savoie, à 1400 m d’altitude le 1er janvier 2023. (Photo Hadrien Jame)

À Lyon, des magistrats mesurent le coût financier du changement climatique en montagne

Au travers d’une enquête, la Chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes s’est donnée pour objectif d’évaluer l’impact financier du changement climatique sur le modèle économique des stations de ski d’ici 30 ans.

La douceur hivernale du mois de décembre et de début janvier a donné à voir ce que pourrait être la réalité de nos montagnes dans les années à venir. Quelques bandes de neige colorées de marron, au milieu de collines brunâtres à l’herbe jaunissante. Sur fond de réchauffement climatique, c’est le triste visage qu’affichaient les massifs montagneux jusqu’à mi-janvier avant que l’hiver ne commence à s’installer. 

"Le but c’est d’apporter un état des lieux, une prospective et peut-être de donner des pistes de ce qui a fonctionné pour ceux qui ont commencé à y réfléchir"

Bernard Lejeune, président de la CRC d’Auvergne-Rhône-Alpes

Une réalité qui frappe de plein fouet les acteurs de la montagne, dont la stabilité économique dépend pour certains en grande partie de l’enneigement des massifs. Début janvier, Domaine skiable de France estimait que la moitié des pistes des 250 stations de l’Hexagone étaient fermées. Une période particulièrement difficile pour les stations de basse altitude, qui affichaient des ventes de remontées mécaniques en recul de 10% entre fin novembre et fin décembre.

Une analyse à 30 ans

Les perspectives des prochaines années pourraient être encore plus sombre, en raison de l’accélération du réchauffement climatique. Au travers d’une enquête de un an lancée début janvier, la Chambre régionale des comptes (CRC) d’Auvergne-Rhône-Alpes s’est donc donnée pour objectif d’évaluer l’impact du changement climatique sur le modèle économique des stations de ski d’ici 30 ans. "Le but n’est pas de regarder si les stations sont bien gérées, l’objectif est de faire une analyse de perspective. De se dire, est-ce que le modèle économique et financier des collectivités, des acteurs locaux, va tenir dans le temps ?", précise Bernard Lejeune, le président de la chambre. 

Le massif du Mont-Blanc le 7 janvier 2023. (Photo Hadrien Jame)

Au travers de l’audition d’une trentaine de stations françaises, du Jura, aux Alpes du Nord, en passant par l’Auvergne, les Alpes du Sud et les Pyrénées, les magistrats de la CRC d'Auvergne-Rhône-Alpes tenteront de déterminer si le modèle économique des stations de ski peut tenir dans le temps. Un choix de lieux varié, car il apparait déjà qu’en "fonction de l’altitude, de l’exposition nord ou sud, de l’instabilité des sols par endroits, qui pose des difficultés au niveau des remontées mécaniques", la réalité est loin d’être la même pour tous les acteurs. 

"En fonction de ce que les climatologues nous disent, nous serons capables de calculer des perspectives financières et de déterminer les stations qui fonctionnent bien ou non"

Bernard Lejeune, président de la CRC d’Auvergne-Rhône-Alpes

"Nous n’allons regarder que l’impact financier pour les acteurs locaux, les communes, c’est notre métier. Nous n’allons pas faire de la climatologie", assure Bernard Lejeune. Pour cela, les magistrats lyonnais ont décidé de faire appel à des climatologues de Grenoble, qu’ils devraient rencontrer début février. C’est sur les conclusions de ces spécialistes du climat que les membres de la CRC entendent s'appuyer pour établir leur rapport, dont la publication est attendue en fin d’année. 

Traduire des projections climatiques en impact financier

"Ce que l’on est capable de faire avec ce que nous donnent les scientifiques, c’est d’essayer d’estimer le modèle économique dans 30 ans", explique Bernard Lejeune. Un travail, qui, selon son équipe, serait très attendu par les collectivités. "La Compagnie des Alpes s’y intéresse de son côté, ils ont un business plan où ils savent à quel moment la neige industrielle ce sera terminée en Europe, mais il n’est pas public et leurs intérêts ne servent pas nécessairement l’intérêt public", confie Denis Larribau, procureur financier auprès de la CRC.

"La Compagnie des Alpes s’y intéresse de son côté, ils ont un business plan où ils savent à quel moment la neige industrielle ce sera terminée en Europe"

Denis Larribau, procureur financier auprès de la CRC

L’idée étant aussi de pouvoir apporter des pistes pour compenser les pertes, en s’appuyant sur l’exemple de stations ayant déjà commencé à réfléchir aux conséquences du changement climatique sur leur activité. "Parmi ces pistes on essayera de déduire lesquelles sont des solutions plus ou moins solides pour contrecarrer la perte. Peut-être que l’on aboutira au fait qu’il n’y a pas de solution parfaite et que cela dépendra des lieux", reconnaît avec prudence le président de la chambre. 

Doctorant en géographie à l'Université de Grenoble, Pierre-Alexandre Metral estime que depuis leur création 186 stations de ski françaises, principalement des "micro-domaines" ont définitivement fermé, pour des raisons avant tout économiques. Dans un entretien accordé à l’AFP, ce chercheur qui consacre actuellement une thèse à ce sujet estime qu’"Il y a parfois une confusion: on dit "les stations ferment parce qu’il n’y a plus de neige". Non, elles ferment parce qu’elles ne sont pas rentables et c’est un choix de raison au final". Peut-être une clé de lecture à laquelle les magistrats de la Chambre régionale des comptes aboutiront dans un an. 

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