Salah Hamouri. (Photo ABBAS MOMANI / AFP)

Table ronde Israël-Palestine à Lyon : pour Amnesty International, "on doit avoir un regard critique sur tout gouvernement"

Au lendemain de l'annulation par le maire de Lyon d'une table ronde sur la Palestine, Amnesty International déplore "une forme de censure".

L'organisation d'une table ronde intitulée "Regards sur la Palestine" a constitué l'une des plus importantes polémiques depuis l'arrivée de Grégory Doucet à Lyon. En cause, l'invitation de l'avocat franco-palestinien, Salah Hamouri.

Le maire de Lyon a finalement décidé, lundi 30 janvier, d'annuler le débat. Pour Nathalie Godard, directrice du pôle action d'Amnesty International, Salah Hamouri est "de nouveau réduit au silence".

Lyon Capitale : Qui est vraiment Salah Hamouri ?

Nathalie Godard : Un avocat franco-palestinien très engagé pour la défense des droits des détenus palestiniens, notamment pour ceux qui vivent la détention administrative (procédure permettant à Israël d'emprisonner un individu sans motif et pour une durée indéterminée, Ndlr).

"Arrivé en France, on pouvait s'attendre à ce que Salah Hamouri retrouve sa liberté d'expression. Il est à nouveau réduit au silence."

Nathalie Godard, Amnesty International

Nous le soutenons parce qu'il représente la répression des autorités israéliennes contre la société civile. Il a été en détention administrative et a subi des années de harcèlement judiciaire.

Ses détracteurs mettent en avant ses liens avec le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), classé terroriste par Israël et l'UE. Il a aussi été accusé de vouloir assassiner un rabbin.

Il a toujours nié faire partie du FPLP et les actes de terrorismes qu'on lui reprochait à l'encontre d'un leader d'un parti d'extrême-droite (Shas, Ndlr). Il a fini par avouer dans une procédure de plaider coupable qui lui permettait d'être condamné à sept ans de prison au lieu de 15 ans. Il n'y avait aucun élément probant contre lui.

"On considère que l'on doit avoir un regard critique sur tout gouvernement. Or, on constate que plusieurs conférences auxquelles on devait participer ont été annulées, et toute parlaient de la situation en Israël. "

Nathalie Godard, Amnesty International

Le ministère des Affaires étrangères avait d'ailleurs condamné sa détention administrative en mars 2022.

Nous et d'autres associations avions effectivement alerté. Le Quai d'Orsay a plusieurs fois pris la parole pour demander que Salah Hamouri retrouve le droit de vivre à Jérusalem en famille et que c'était son droit (les autorités israéliennes lui avaient retiré son autorisation de résider dans la ville, Ndlr).

Si la France avait considéré qu'il était un dangereux terroriste, je pense qu'elle ne serait pas positionnée comme cela.

Dans un communiqué, vous évoquez d'autres conférences sur le sujet annulée et "une forme de censure". Pourquoi cette annulation pose-t-elle problème selon vous ?

Arrivé en France, on pouvait s'attendre à ce que Salah Hamouri retrouve sa liberté d'expression. Il est à nouveau réduit au silence. Il y a aujourd'hui un soupçon, à priori, que ce qu'il pourrait dire serait problématique et cela conduit à ce qu'un homme soutenu par le Quai d'Orsay ne puisse pas s'exprimer.

Estimez-vous qu'il est aujourd'hui difficile d'émettre toute critique contre l'Etat d'Israël sans être qualifié d'antisioniste puis d'antisémite ?

Nous ne nous situons de toute façon pas sur le terrain de l'antisionisme. On considère que l'on doit avoir un regard critique sur tout gouvernement. Or, on constate que plusieurs conférences auxquelles on devait participer ont été annulées, et toutes parlaient de la situation en Israël.

"Il est important de pouvoir, sur un sujet aussi passionné, revenir sur le terrain du droit"

Nathalie Godard, Amnesty International

Il y a une décrédibilisation systématique de l'interlocuteur dès que l'on vient apporter une critique sur Israël. Un certain nombre de personnes sortent de suite l'accusation d'antisémitisme.

Vous vous battez sur le terrain du droit international et des droits humains, ce ne sont pourtant pas des sujets politiques.

Effectivement, mais on se rend compte qu'il est de plus en plus difficile de parler du droit international sans être emmené sur d'autres terrains. Nous qualifions ce qu'il se passe en Israël d'apartheid parce que cela remplit les conditions juridiques du crime d'apartheid. Il est important de pouvoir, sur un sujet aussi passionné, revenir sur le terrain du droit.

Il ne fait aucun doute que la situation que subissent les Palestiniens est violemment contre le droit international. C'est un sujet complexe, et on doit arriver a ramener dans le débat la question de l'humanité des Palestiniens et Palestiniennes. C'est pour cela que l'on regrette que Salah n'ait pas pu s'exprimer.

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