© Nicolas Boudier

Entretien avec Joris Mathieu, metteur en scène : “Nous voulons faire réapparaître les utopies possibles”

À la tête du TNG (Théâtre Nouvelle Génération), au moins jusqu’en 2024, Joris Mathieu lance un ambitieux triptyque théâtral interrogeant nos peurs les plus profondes mais aussi notre désir inextinguible d’utopies salvatrices. Le premier volet sera présenté du 21 février au 4 mars.

[ Mise à jour du 21/02 : report des représentations du 2 au 10 mai]

Lyon Capitale : Les spectateurs retrouvent le chemin de nos théâtres, le public se rajeunit… Partagez-vous ce constat optimiste ?

Joris Mathieu : Je suis d’accord, on l’a constaté ici aussi, au TNG. Mais attention, il faut rester attentif au prix des places et continuer de proposer des tarifs attractifs. La saison est un peu spéciale pour nous : comme le théâtre est en travaux, on programme hors les murs. Mais ce sont de belles perspectives qui s’offrent à nous, le théâtre avait besoin des importantes améliorations en cours. On ressent en revanche de vives inquiétudes financières liées à l’inflation qui a commencé au deuxième semestre 2022.

L’État et certaines collectivités ont pleinement joué leur rôle durant la période Covid, mais la hausse des factures d’électricité nous frappe de plein fouet. Y compris dans des domaines comme le transport des décors, le prix des matériaux scénographiques auxquels on ne pense pas forcément. On craint que les collectivités diminuent leur soutien puisqu’elles doivent elles-mêmes faire face à cette situation de hausse des coûts. Sans même parler de la baisse drastique des subventions, voire du retrait pur et simple, de la Région.

Au TNG, vous avez fait le pari de programmer plusieurs spectacles de chaque compagnie invitée…

Oui, on n’a pas encore assez de recul là-dessus mais on a déjà pu voir combien cela remet les projets artistiques au centre. Les artistes sont moins “de passage”. Cela permet de multiplier les rendez-vous avec le public et de mieux associer les équipes artistiques aux activités du TNG.

C’est bénéfique pour les compagnies et le public, qui découvre les artistes sous différentes facettes, pas juste sur un spectacle.

Joris Mathieu © Nicolas Boudier

"On a cherché à décrire des dynamiques positives. Cela nous semble important de trouver la force de croire à autre chose, notamment dans notre relation à la jeunesse". Joris Mathieu

Votre prochaine création, Germination, comment la résumeriez-vous ?

Le projet est né d’un désir de faire réapparaître les utopies possibles. En réponse aux différentes anxiétés qui nous saisissent.

Par le passé, avec la compagnie Haut et Court, nous avons exploré différentes dystopies. On a montré des mondes qui n’étaient pas particulièrement désirables. Là, on a plutôt cherché à décrire des dynamiques positives. Cela nous semble important de trouver la force de croire à autre chose, notamment dans notre relation à la jeunesse.


Dans ce premier volet, on veut faire émerger trois utopies. La première, l’antispécisme, consiste à croire que si l’on change notre rapport au vivant, la situation s’améliorera.

La deuxième est portée par ceux qui croient que les innovations techniques, scientifiques résoudront les problèmes actuels, en faisant sauter certains freins. Ce sont les transhumanistes.

La troisième option est celle qui consiste à définir l’homme comme un citoyen du monde, avec un nouveau partage des ressources par-delà les frontières actuelles. C’est le cosmopolitisme. Voilà pour la théorie. En pratique, il s’agira de venir rencontrer trois personnages qui ont accepté de se livrer à une expérience. Ils se sont extraits du monde et vivent dans une serre agricole autonome, autosuffisante.

La serre va devenir le théâtre de leurs débats sur un avenir radieux. Sauf qu’ils continuent de recevoir des nouvelles anxiogènes du monde extérieur. Ce qui les rend de plus en plus radicaux dans leur démarche…

C’est une comédie, mais aussi un miroir où l’on se regarde discuter à l’infini sans jamais agir.

Comme souvent dans vos créations, la forme est innovante…

Oui, les spectateurs seront équipés de lunettes de réalité augmentée. Elles sont transparentes, donc le regard n’est pas bloqué par un écran. Les spectateurs verront le spectacle mais ils verront aussi, par moments, le monde tel que le rêvent les personnages.


La Germination – D’autres mondes possibles (épisode 1) – Du 21 février au 4 mars, programmé par le TNG au théâtre Les Ateliers - Presqu’île

[ Mise à jour du 21/02 : report des représentations du 2 au 10 mai]


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