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L’usine Arkema à Pierre-Bénite © Antoine Merlet

"Polluants éternels" : vers une plainte collective de plusieurs maires du Sud-Ouest lyonnais

Après la Région Auvergne-Rhône-Alpes et la Métropole de Lyon, des communes montent au créneau sur les pollutions aux perfluorés.

Treize mairies du Sud-Ouest lyonnais, réunis jeudi 24 mars, envisagent de lancer une action collective pour obtenir réparation de la pollution aux perfluorés du Rhône.

Un pavé de plus dans la mare alors que doit être débattue, lundi 27 mars en conseil de la Métropole de Lyon, une délibération sur le sujet actant de la mise en place d'une stratégie à l'échelle du Grand Lyon et du lancement d'un partenariat pour un programme de recherche (2023-2026) avec l'Institut écocitoyen pour la connaissance des pollutions. Le programme prendra la forme d'une "étude d'imprégnation aux PFAS des habitants exposés" et se déroulera sur un temps long de quatre ans.

A l'échelle du territoire Auvergne-Rhône-Alpes, la Région avait déjà adopté un voeu lors de son assemblée plénière des 9 et 10 mars dernier demandant à l'Etat d'engager "un programme régional ambitieux de dépollution des sols et des nappes phréatiques avec des outils financiers initiés par l'Etat et mettant à contribution les pollueurs - notamment les entreprises de l'industrie chimique ayant mal agi en connaissance de cause." Dans le viseur, les sites Arkema et Daikin sur la commune de Pierre-Bénite.

L’usine Arkema à Pierre-Bénite © Antoine Merlet

La class action des maires du Sud-Ouest lyonnais - à ce jour Givors, Grigny, St-Genis-Laval, Brignais, Oullins, Charly, Chasse-sur-Rhône, La Mulatière, Ternay, Irigny, Solaize, Vernaison, Pierre-Bénite - prendra "très probablement la forme d'une plainte contre X pour obtenir réparation des pollutions" explique Jérôme Moroge, maire de Pierre-Bénite, qui a été officieusement chargé de porter la contestation.

Les PFAS ?

Les "PFAS" (famille composée de plus de 4 700 molécules de synthèse) sont produits par l'homme depuis les années 40. Leurs propriétés physico-chimiques (surfactantes, résistantes aux chaleurs intenses ou aux acides, à l’eau et aux graisses…) expliquent leur présence dans un grand nombre de produits de consommation courante et applications industrielles.

Le fait qu'ils soient très largement utilisés ( textiles, emballages alimentaires, cosmétiques, poêles anti-adhésives, mousses anti-incendie, imperméabilisants, cires à parquet, vernis et peintures, etc.), en plus de leur faible dégradation, rend ces substances omniprésentes dans l’environnement, notamment dans les cours d’eau. On parle de "polluants éternels" car ils peuvent rester dans l’environnement des décennies, voire des siècles.
Le Rhône, de l'aval de Lyon jusqu'à la Méditerranée, est particulièrement touché.

Selon la littérature scientifique existante, les perfluorés favoriseraient les cancers chez l’homme et les défauts de défense immunitaire des enfants.

En janvier dernier, la préfecture du Rhône informait avoir détecté la présence de perfluorés dans des œufs pondus sur le territoire de la Métropole de Lyon près de dix fois plus élevée que la normale. Ces résultats inquiétants provenaient de l’analyse d'œufs prélevés dans les poulaillers de particuliers à Pierre-Bénite et à Oullins. 

Plaintes contre X

La mairie de Pierre-Bénite, avait déjà porté plainte contre X pour mise en danger de la vie d'autrui en mai 2022, suite à la diffusion sur France 2 documentaire "Vert de rage", confirmant des informations de Libération de juillet 2020. Le documentaire avait mis le feu aux poudres en révélant ses propres résultats d’analyse sur des prélèvements dans l’eau, le sol et le lait maternel, dépassant certains seuils de toxicité, autour d’usines de la Vallée de la chimie. 

La mairie de Chasse-sur-Rhône avait, elle aussi, porté plainte contre X devant le tribunal de Vienne qui s'était dessaisi au profit des juges lyonnais.

"Plus le nombre de plaignants sera élevé, expliquait Jean-Marc Hourse, avocat spécialisé dans le contentieux commercial et environnemental, aux maires réunis le 24 mars, plus votre dossier pèsera et aura de chance d'aboutir auprès du procureur de la République."

Une pollution aux perfluorés de longue date à Lyon

En 2011, des études avaient déjà été menées par l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail). Ces études avaient permis de dresser un premier bilan de la contamination de plusieurs compartiments du système aquatique par les PFAS, de l’extension spatiale de cette contamination (sans pour autant donner de "clé de compréhension de leur devenir").

En 2016, une étude concluait à un "accroissement notable des concentrations de plusieurs PFAS à l’aval de Lyon". Dans le contexte du Plan d'actions sur les PCB, des composés per- et polyfluorés avaient fait l'objet d'analyses dans la chair du poisson (dès fin 2011). La carotte de sédiments "(montrait) clairement l'impact du rejet d'une plateforme industrielle sur le niveau de contamination des sédiments et sur la composition du cortège de PFAS".
Une cartographie relevait un "bruit de fond anthropique" du Rhône et de la Saône. "La concentration de PFAS la plus élevée (50 à 100 fois la valeur du "bruit de fond") est constatée à Pierre Bénite à proximité d’une plateforme industrielle produisant des polymères fluorés ; elle est surtout liée à la présence de PFCA en concentrations très élevées".

Selon la Fédération départementale de pêche du Rhône, entre 2013 et 2015 ont été réalisées une dizaine de communications scientifiques."Plus vous serez nombreux, plus le nombre de plaignants sera élevé, explique Jean-Marc Hourse, avocat lyonnais spécialisé dans le contentieux commercial et environnemental aux communes réunies le 24 mars, et plus les chances de voir la plainte traitée et prise au sérieux par le Parquet sera grande".

Lire aussi :  La carte des pollutions des eaux lyonnaises

Les pêcheurs, sentinelles de la pollution des rivières

De son côté, la Fédération départementale de pêche du Rhône et de la Métropole de Lyon qui, au-delà du volet purement loisir, joue un véritable rôle de protection du milieu aquatique ("les pêcheurs, sur le terrain, sont les sentinelles des rivières") examine "la manière la plus judicieuse pour partir en procédure". "On étudie la question sérieusement de faire une action collective avec les communes, annonce Jean-Pierre Faure, son président. Mais l'idée c'est d'y aller maintenant."

Si, au mitan des années 2000, le scandale des PCB (polluants chimique d'origine industrielle, très toxiques, interdits en France en 1987) avait fait grand bruit, la pollution aux perfluorés pourrait possiblement poser un problème bien plus grave.

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