L'audit sur la vidéosurveillance à Lyon a été dévoilé ce mercredi 29 mars. Positif dans l'ensemble, il juge le système lyonnais "mature" et "bien dimensionné".
Dire que l'audit de l'inspection générale des services sur la vidéosurveillance à Lyon était attendu serait un euphémisme. Ce mercredi 29 mars, dans les couloirs de l'Hôtel de Ville, quelques minutes avant la présentation du rapport à la presse, un élu d'opposition lance sur un ton sarcastique, "tout est parfait, l'audit dit qu'il n'y a aucun souci".
Le maire de Lyon, Grégory Doucet, juge quant à lui que ce rapport "permet de sortir des approximations et des querelles partisanes, et d'établir des faits. Assurant : La sécurité est l'une de nos priorités". C'est qu'effectivement, cet audit est plutôt flatteur pour le dispositif de vidéosurveillance de la Ville, dont l'édile écologiste a reconnu qu'il était surtout le fait de son prédécesseur, Gérard Collomb.
Un service salué par la police nationale
Analyse de documents internes et d'études nationales et internationales, entretiens et séances d'observations avec l'entièreté des membres du centre de supervision urbain (CSU), entretien avec le directeur départemental de la sûreté publique et le directeur du SDMIS, analyse de l'utilisation des caméras et des réquisitions judiciaires, ce travail dirigé par Evelyne Gauchard conclut : "Le modèle lyonnais de vidéoprotection des espaces publics [...] est équivalent en dimensionnement à celui des grandes métropoles françaises. [...] Ce service [est] salué par les partenaires de terrain qu'ils soient policiers nationaux, municipaux ou pompiers."
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Avec 571 caméras fixes, dites "dômes 360" permettant de contrôler une zone à 360°, et 12 caméras nomades - nombre porté à 30 en 2026 - la Ville de Lyon arrive en 4e position pour son nombre de caméras pour 1 000 habitants. Elle se positionne même à la deuxième place - derrière Nice, "hors catégorie" - en terme de densité de caméras (nombre de caméras par 1 000 habitants rapporté à la superficie de la ville). Aucune caméra n'est toutefois installée dans le 4e arrondissement, le maire de l'époque étant un fervent opposant au dispositif.
Des caméras sous-utilisées
Autre donnée intéressante soulevée par l'audit, le nombre de caméras par opérateur à Lyon s'élève à 20, contre 37 à Marseille et 104 à Nice. Or, une étude de 2003 menée par des sociologues danois et norvégiens a montré qu'au delà de 25 caméras par agent, la capacité de surveillance des opérateurs est altérée "diminuant de fait la probabilité de chacun à détecter un incident en temps réel". L'audit pointe toutefois du doigt la sous-utilisation de certaines caméras du parc de vidéosurveillance, notamment à Gerland ou à la cité internationale. Ainsi, 90 % des caméras sont utilisées moins de 110 heures par an, la médiane d'utilisation annuelle s'établissant même à seulement 19 h par an.
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A l'inverse, les caméras du secteur Péri-Moncey et de la Presqu'île sont les plus utilisées, atteignant plus de 1340 heures d'utilisation pour celle installée place des Terreaux. L'audit préconise de "faire un inventaire des caméras sous utilisées pour envisager leur redéploiement sur des secteurs en coordination avec les polices nationale et municipale et le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours". C'est ce que vont engager le maire et son adjoint à la sécurité Mohamed Chihi, en redéployant des caméras, notamment dans le 4e arrondissement.
Au total, le dispositif de vidéosurveillance aura nécessité 10,3 millions d'euros de dépenses d'investissement et coûte chaque année 2 millions d'euros à la Ville, dont 1,2 millions d'euros en frais de personnel. La Ville de Lyon dispose d'un "système mature, bien dimensionné entre éthique et protection", bénéficiant d'une "expertise et d'une qualité reconnue", conclut l'audit, préconisant toutefois de renouer le dialogue avec les partenaires et de développer une véritable doctrine d'emploi.
La vidéosurveillance, un choix politique
"Nous n'avons rien pu démontrer en terme de corrélation entre caméras et nombre d'infractions", assure Evelyne Gauchard, dont l'audit est basé sur une approche anglo-saxonne "pragmatique" de la vidéosurveillance.
En clair, elle se fonde sur des études de terrain, à l'inverse de l'approche philosophique et sociologique adoptée en France, basée notamment sur le panoptique de Bentham : "Faire que la surveillance soit permanente dans ses effets, même si elle est discontinue dans son action." Une stratégie proche de celle de Nice qui possède plus de 10 caméras pour 1 000 habitants portant le nombre de dispositif par opérateur à 104 alors qu'une étude a déterminé qu'une baisse notable d'efficacité apparaissait au delà de 25 caméras par opérateur.
Ainsi, l'audit rappel que presque "aucune étude montre l'efficacité ou non de la vidéosurveillance". Une étude de référence menée en 2005 par des criminologues anglais montre que "la vidéoprotection ne possède pas un impact déterminant sur le volume de la délinquance dans les espaces complexes et étendus".
"Les politiques publiques françaises de lutte contre l'insécurité semblent dépourvues de conduite pragmatique", relève l'audit. La Cour des comptes a d'ailleurs a d'ailleurs pointé du doigt l'absence d'évaluation sur la vidéosurveillance en France, relevant "l'absence de rigueur scientifique du rapport de 2009 de l'IGPN concluant à l'efficacité de la vidéosurveillance", peut-on lire dans le rapport d'audit.
Se référer à son prédécesseurs pour la qualité de la vidéo-surveillance est preuve de l'apathie sécuritaire du maire actuelle. Les pistes cyclables nous sauveront !