mâchon bouchon Lyon gastronomie
Un machon dans le bouchon la meunière Lyon 1er © Tim Douet

"Le mâchon est un marqueur social, c'est l'ADN de la ville de Lyon"

Le mâchon de Lyon peut-il être inscrit au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco ? Réponses avec son plus ardent défenseur.

"A Lyon, le café-crème commence au jambonneau." Quel sens de la table ! On doit la formule, magistrale, au journaliste et expert en gueule Marcel E. Grancher, auteur, avec Curnonsky de l'ouvrage Lyon, capitale mondiale de la gastronomie, publié en 1935.

De quoi parle-t-on ? Du mâchon, "la messe matinale des vrais gones" dixit Félix Benoît, ciseleur de la petite histoire lyonnaise, gastronome militant, humoriste à part entière.

Le mâchon désigne, à Lyon, le repas matinal convivial autour d’un plat chaud et souvent d’un fromage pris par des personnes unies par l’amitié ou des pratiques professionnelles.

Servi le matin, ce repas chaud réunit traditionnellement des convives ayant commencé très tôt leur activité. Il puise son origine au 19e siècle, dans la pause en matinée des canuts et marchands-fabricants de la soie et de leurs partenaires.

"Le mâchon vient de nos ancêtres, les canuts, il se perpétue aujourd'hui et continuera demain, c'est un moment festif, c'est inclusif, c'est un marqueur social, c'est intergénérationnel, c'est mixte. Le mâchon remplit tous les critères demandés par l'Unesco."

Maxime Caminale, porteur du projet d'inscription du mâchon au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco

Comme le repas des Français fin 2010, puis la baguette, inscrite fin 2022, le mâchon entend bien décrocher sa place au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco. Maxime Caminale, président du Mâchon Fidésien, porte ce projet fou et capital : "Lyon, traditionnellement, a dans son ADN le mâchon depuis quasiment deux siècles. Le mâchon vient des canuts, ces ouvriers de la soie qui travaillent des métiers à tissu Jacquard, sur les pentes de la Croix-Rousse. Ils commencent très tôt le matin, voire dans la nuit. Et vers 7h/8h, la fringale se faisait ressentir. Pour redonner du baume au coeur, les ouvriers de la soie allaient entamer un casse-croûte du matin, ce repas chaud où tout le monde était assis à la même table : le maître, le contremaître, les ouviers, pour manger les reste de la veille, servis par la femme du patron. On mâchait pour retourner çà une dure journée de labeur."

"Lorsque le premier café a chassé le dernier sommeil et que l’avant-premier vin blanc a aiguisé le nouvel appétit, le corps et l’âme pleinement disponibles sont en idéal état de "mange". C’est l’instant du plat cuisiné, du vin fruité, de l’amitié que nulle fatigue n’affaiblit. L’heure où l’on boit doucement pour faire naître la soif sans gâcher la faim. L’heure où le soleil se lève sur les lumineux visages des Francs-Mâchons et leur dégouline dans le coeur via le gosier. Alors, à ce moment béni, capiteux, capital, les Francs-Mâchons savent que si Dieu n’existe pas, il fait en tout cas rudement bien semblant."
Frédéric Dard ne s'y était pas trompé. En grand habitué des bouchons (notamment Le Garet), il avait juré qu’on ne le ferait pas courir après une viande rouge mais qu’il traverserait bien la place Bellecour à pied pour se boulotter une andouillette, un tablier de sapeur ou quelques amourettes.

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