Sonia Ezgulian cuisinière
Sonia Ezgulian @Guillaume Lamy

"La cuisine, c'est bien plus que des recettes"

Dans « Le goût de l'imprévu », la cuisinière ordinaire de l'extraordinaire, Sonia Ezgulian, livre pour Lyon Capitale son goût de cuisiner "les petites poésies de la vie".

2587 kilomètres parcourus, 46 recettes… Voici, en deux chiffres résumé le nouveau livre, ou plutôt le récit culinaire signé Sonia Ezgulian, et illustrée par Cécile Guillard. "En cuisine comme dans ma vie, c'est la liberté de quitter la ligne droite qui prime, pour goûter l'imprévu, les bifurcations et les petits détours."

Sonia Ezgulian a tours préféré les zigzags aux sentiers battus. Cuisinière hors pair et hors norme, elle habite l'ordinaire pour approcher l'extraordinaire en s'attachant aux "petites poésies de la vie".

Les petites poésies de la vie, c'est par exemple, se laisser porter par une odeur."

Sonia Ezgulian

"Les petites poésies de la vie, c'est avoir le temps par exemple, de faire la sieste sous le figuier du potager de mon père et de voir les petits rayons de soleil qui traversent justement ce feuillage très dense et de se dire "ah ben tiens, mais là, ça fait très longtemps que je n'ai pas cuisiné avec du figuier", ou de se laisser porter par une odeur."

Ces petits riens qui font tout et dont, faute de prendre suffisamment de temps, nous passons parfois à côté.

Pour celle qui a été la première à Lyon, dès 2000, à servir un menu gastronomique à base d'épluchures dans son restaurant L'Oxalis, "la cuisine, c'est plus que des recettes", reprenant à son compte, et judicieusement,le titre best-seller de l'immense Alain Chapel (trois étoiles à Mionnay dans les années 70).

On se laisse emporter par l’histoire d’un jardin potager qui s’épanouit entre quatre murs au cœur d’un village. On flâne dans un petit port de pêche et on se promène dans la campagne normande au cœur d’un terroir riche de trésors gourmands, notamment le cochon de Bayeux.


La retranscription textuelle et intégrale de l'entretien avec Sonia Ezgulian

Guillaume Lamy : Bonjour à tous, bienvenue dans 6 minutes chrono, le rendez- vous quotidien de Lyon Capitale. Nous recevons aujourd'hui Sonia Ezgulian. 

Sonia Ezgulian : Bonjour. 

Guillaume Lamy : Bonjour Sonia. Alors, Sonia, on ne vous présente plus. Vous êtes une cuisinière hors pair. Vous êtes la cuisinière du quotidien préféré de Lyon Capitale puisque depuis quelques années vous nous faites tous les menus de Noël, qu'on adore, des recettes faciles et astucieuses. Et c'est un peu votre patte, des recettes faciles, astucieuses et gourmandes. On vous invite parce que vous venez de sortir un nouveau livre qui est un récit culinaire, de Lyon à Sète en passant par la Normandie. Alors vous avez fait beaucoup de livres, mais un récit culinaires, c'est un peu une première pour vous. 

Sonia Ezgulian : J'avais envie de faire quelque chose d'assez différent parce que je m'étais rendu compte que les gens me posaient toujours la même question : d'où viennent ces fameuses recettes, ces recettes du quotidien, faciles, quelquefois avec des petites astuces ou des petites folies ? Et je ne savais pas exactement comment l'expliquer dans un livre un peu classique. Alors plusieurs choses sont arrivées. C'est pour ça que le livre s'appelle "Le goût de l'imprévu". Parce que moi j'aime beaucoup les choses inattendues, les petites bifurcations. J'ai rencontré une illustratrice, Cécile Guillard, qui a signé les illustrations du livre. Elle est de Valence et elle a un très très beau trait. J'aime beaucoup ses dessins qui sont pleins d'émotions. Et puis surtout, je me suis donné les moyens parce il faut du temps pour faire un livre avec de l'illustration. Parce que moi je vis avec un photographe et j'ai l'habitude de faire des gestes qui sont pris dans l'instantané en quelques secondes. Et on a les photos. 

Ça voulait dire prendre beaucoup plus de temps, mais ça me permettait aussi de pouvoir raconter les rencontres et donc j'ai souhaité inviter les gens dans mon quotidien. Donc on me suit à Lyon par exemple, quand je vais chercher des oranges chez les Siciliens d'Arance SiciLyon, quand je passe du temps à la Charcuterie Reynon parce que j'aime beaucoup aller dans la cuisine, discuter avec Monsieur Reynon de différentes techniques. Par exemple, j'avais envie de faire un flan charcutier, mais je ne savais pas exactement comment j'allais cuire l'intérieur de mon flan charcutier avec des foies de veau. Parce que je vous avoue que ce n'est pas forcément le truc que je fais tous les jours et donc j'aime bien échanger comme ça et je voulais montrer aux gens que la cuisine c'est avant tout bien sûr des recettes, mais surtout des rencontres et de l'échange. 

Guillaume Lamy : C'était ma question, c'est ça : la cuisine, c'est plus que des recettes. 

Sonia Ezgulian : Beaucoup plus que des recettes. C'est vraiment de l'échange, du partage et ça va beaucoup plus loin que simplement deux mots échangés. Moi, j'aime beaucoup mettre un tablier et cuisiner avec des gens. Alors soit pour apprendre une recette, soit pour le plaisir de mettre la main à la pâte. Et j'avoue qu'au fil des années, j'ai changé quelques uns de mes gestes ou quelques unes de mes astuces. Parce que si je trouve mieux et je trouve que ça fonctionne mieux, et bien voilà, il ne faut pas rester sur ses certitudes et il faut oser changer les choses. 

Guillaume Lamy : Vous parlez des petites poésies de la vie, C'est quoi ces petites poésies ?

Sonia Ezgulian : Les petites poésies de la vie c'est avoir le temps par exemple, de faire la sieste sous le figuier du potager de mon père et de voir les petits rayons de soleil qui traversent justement ce feuillage très dense et de se dire "ah ben tiens, mais là, ça fait très longtemps que je n'ai pas cuisiné avec du figuier", ou de se laisser porter par une odeur. C'est aussi, par exemple dans le livre, je raconte le potager de mon amie Lina qui habite à Agde et en fait la poésie de la vie, c'est... L'histoire de ce potager, c'est un petit muret qui sépare deux maisons. Il y avait un terrain abandonné. Lina a souhaité rencontrer sa voisine et lui demander si elle pouvait creuser un petit trou pour aller, comme on dire, jardiner. Et ça pour moi, c'est d'une telle poésie que forcément, les légumes qui vont pousser dans ce petit jardin ont quelque chose de merveilleux. Donc c'est toutes ces petites choses qu'on ne prend pas toujours le temps d'observer, de savourer. Mais ça peut être un tout petit moment. Par exemple, je parle de la folie des graines, des branches de fenouil en fleur que j'adore. En fait, dès que je vois des fenouils en fleur, là c'est pour moi. J'ai besoin de prendre le temps de faire un bouquet, de le savourer, de cueillir les petites graines. Je pense que c'est le temps aussi.On vit tous survolté avec nos comptes Instagram, nos photos, nos rendez vous. Prendre le temps, ça fait partie de cette poésie de la vie en fait. 

Guillaume Lamy : Et vous sortez aussi, enfin, vous sortez, il y a un livre qui est réimprimé, c'est "La cuisine des restes" parce que c'est vrai qu'on vous a connu à Lyon aussi pour ça. Et moi j'estime que les meilleurs cuisiniers et cuisinières sont ceux qui savent faire avec ce qu'ils ont et sont. 

Sonia Ezgulian : je suis très fière fiers de ce livre car dans mon restaurant Oxalis, que j'ai ouvert en 1999, j'étais la première à proposer dans un restaurant gastronomique un menu à base d'épluchures. Je peux vous dire qu'au début, j'ai essuyé les pots cassés parce que le nombre de gens qui m'ont dit c'est un scandale dans un restaurant gastronomique d'oser proposer des épluchures. Aujourd'hui, au Plaza Athénée, vous mangez une arête de sardine et vous vous extasier. Donc ça, je trouve ça formidable. En fait, le livre, je l'ai sorti il y a quelques années, Antigaspi. Puis il a changé de nom. Il s'appelle Festins de restes. C'est une version augmentée. Il y a une quinzaine de recettes en plus, parce qu'évidemment, au fil des années, j'ai mis au point d'autres, d'autres recettes. Et je suis très fier de ce livre parce qu'on est complètement dans l'air du temps et ça apprend à décomplexer les gens. Sur la cuisine justement de recyclage, on parle ou parle autant d'épluchures que de cuisine du lendemain, parce que c'est important de savoir quand on fabrique un plat, comment on peut le recycler sur les deux ou trois jours suivants. 

Guillaume Lamy : Allez, il nous reste 30 secondes. Une question, vous allez être très rapide Sonia. Qu'est ce que vous pensez de la scène culinaire lyonnaise actuellement ? 

Sonia Ezgulian : je la trouve extrêmement variée et excitante. Je suis très contente justement de rencontrer aujourd'hui beaucoup de cuisines d'horizons très très lointains, grâce, je pense à l'Institut Paul Bocuse, parce qu'on peut aujourd'hui manger syrien, iranien, afghan, etc. Et ça, c'était quelque chose qui me manquait il y a quelques années. Et désormais, c'est tout à fait possible.

Guillaume Lamy : Qu'on voyait dans d'autres villes et on se disait pourquoi à Lyon on n' pas ça. Merci beaucoup Sonia Ezgulian d'être venue sur notre plateau et vous pouvez retrouver plus d'infos, notamment sur le Goût de l'imprévu et Festins de restes sur www.lyoncapitale.fr. Bon appétit et à très bientôt. Au revoir. 

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