"Hors sujet et inégalitaire" : à Lyon, les syndicats vent debout contre la réforme de l'Education nationale

Le "pacte", série de mesures visant à augmenter la rémunération des enseignants, ne cesse de faire réagir les syndicats. Entre révoltes et interrogations, à Lyon, les représentants des enseignants sont loin d'être satisfait par ces propositions.

Un "pacte" et de vives inquiétudes. Au lendemain de la présentation par le recteur académique, Olivier Dugrip, des différentes mesures proposées par ce "pacte enseignant", les syndicats des professeurs et du personnel encadrant ont du mal à accepter et à comprendre ces nouvelles mesures. Ces dernières, qui devraient permettre à certains enseignants d'augmenter leur salaire annuel (voir ci-dessous), ont été très mal reçues par les principaux concernés.

"C'est complètement hors sujet" débute, à brûle-pourpoint, Antoine Laniray, secrétaire général académique SGEN CFDT. "On réclamait une revalorisation de notre travail, le pacte ce n'est pas ça. Les professeurs et enseignants ne cherchent pas à travailler plus. Ils veulent juste être payés correctement" poursuit le représentant syndical.

Pas les mêmes règles pour tous les enseignants

"Travailler plus pour gagner plus, ça aurait eu du sens si on était déjà payé pour ce qu'on fait déjà" enchaîne Philippe Ratinet, président national du SNE. Son syndicat, représentant les personnels du premier degré dans l'Education nationale, avoue que certains aspects du pacte peuvent être intéressant, notamment le montant des heures rémunérées, bien supérieurs aux heures supplémentaires payées actuellement (entre 52 et 69 euros par heure pour le pacte, entre 30 et 50 pour les heures supplémentaires effectuées par les personnels en dehors de ce cadre), mais dénonce également un programme "inégalitaire".

Le Pacte c'est quoi ?
"Le pacte permettra une hausse de la rémunération de certains enseignants, qui s'engagent à réaliser des missions complémentaires, sur la base du volontariat" explique l'Académie de Lyon dans un communiqué.

Mis en place à partir de la rentrée prochaine, ce dispositif permettra aux enseignants du 1er et du second degrés de réaliser une série de missions supplémentaires rémunérées. Heures hebdomadaires de soutien, participation à des stages de réussite, remplacement de professeur absent, aide aux devoirs… Autant de missions qui seront rémunérées entre 52 et 69 euros brut par heure. Les sommes touchées dans le cadre du pacte seront exonérées de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu.

Dans l'Académie de Lyon, 45 000 enseignants seront concernés par le pacte, qui pourrait, selon le recteur académique, Olivier Dugrip, permettre à un professeur d'augmenter son salaire, en plus de l'augmentation "socle" déjà annoncée par le ministère de l'éducation nationale, "d'environ 5000 euros sur une année". 

Si les professeurs de maternelles sont quasiment exclus du dispositif, les enseignants des lycées professionnels ne pourront pas, contrairement à ceux du second degré, scinder les missions en plusieurs parties et en prendre seulement certaines. "C'est fait complètement à l'arrache, on a l'impression que le ministère navigue à vue, les règles du jeu changent toutes les semaines" explique Antoine Laniray.

"Un piège tendu aux professeurs"
selon le FNEC FP FO

Christophe Lalande, du FNEC FP FO va même plus loin : "Le pacte, c'est un piège tendu aux professeurs, un programme d'un cynisme sans nom". "On est vent debout pour obtenir le retrait du pacte, on ne veut pas en entendre parler, y'a rien à garder, tout à jeter" estime-t-il.

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"Ce qu'on réclame depuis des années auprès du ministère, c'est une revalorisation salariale, sans contrepartie" complète Christophe Lalande. "Ici, avec ces missions que les professeurs devront effectuer en plus de leur emploi du temps, on fait face à un processus de privatisation de l'école et du service public. Et ce principe de contractualisation, qui est une attaque frontale contre le statut de fonctionnaire d'Etat, on ne l'accepte pas."

Macron a-t-il tenu sa promesse ?

Durant sa dernière campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait annoncé vouloir augmenter le salaire des enseignants de 10%. Avec la première série d'augmentation, annoncée ces derniers mois, et selon un document du ministère de l’Education nationale, relayé en avril dernier par Le Monde et d'autres médias, l'augmentation ne sera que de 5,5% en moyenne à la rentrée prochaine. "On est loin du compte encore une fois" assure Christophe Lalande. "Les augmentations de salaire qu'on a eu, c'était déjà le strict minimum. Parfois, on était en dessous de l'inflation" confirme Antoine Laniray. "C'est sûr que certains collègues dans l'académie de Lyon seront tentés de prendre un peu d'argent contre la réalisation de ces missions, mais on ne peut pas parler d'une revalorisation de nos métiers".

"C'est vrai que la plupart des missions proposées dans le pacte sont des choses que les professeurs et enseignants étaient déjà amenés à faire auparavant" précise-t-on du côté du SNPDEN, syndicat du personnel de direction de l'éducation nationale. S'il a peur que la "mise en place soit compliquée", le SNPDEN sait déjà que ce pacte rajoutera du travail supplémentaire aux directeurs et proviseurs d'écoles.

"On a l'impression de revivre la période Covid"

Philippe Ratinet, président national du SNE

En revanche, pas d'inquiétude du côté de l'Académie de Lyon, qui explique que "les chefs d'établissements sont déjà en train de mettre tout ça en place". Ce pacte, qui concerne l'ensemble des professeurs, qu'ils soient titulaires, vacataires, à temps plein ou à temps partiel, devrait s'appliquer dès la rentrée prochaine. "Pour l'heure, on n'a pas eu de retour formel de la part du recteur. On ne comprend pas tout car la communication autour de ces annonces est assez floue" admet Antoine Laniray.

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"On a l'impression de revivre la période Covid où on apprenait des choses par les médias et où les décisions changeaient tout le temps" note Philippe Ratinet. "C'est un bel effet d'annonce mais concrètement ça sera difficile à mettre en place. C'est en tout cas les retours qu'on a des chefs d'établissements et des inspecteurs académiques" conclut-il. Les professeurs, enseignants et personnels encadrant auront jusqu'au mois de septembre pour régler les différends qu'ils peuvent avoir avec l'Académie et le ministère de l'Education. Mais à quelques semaines de la fin de l'année scolaire, le dialogue semble plus difficile que jamais entre les deux parties.

Le pacte en chiffre

1250 : c'est en euros, et par an, le montant de rémunération de chaque mission dans le cadre du programme, soit 69 euros brut/heure pour les missions de 18h et 52 euros brut/heure pour celle de 24h.

3750 : c'est le montant en euros que chaque enseignant pourrait toucher au maximum par an soit l'équivalent de trois missions du pacte.

45 000 : c'est le nombre de missions qui seront reparties dans toute l'Académie de Lyon.

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