La coopérative veut relancer une ligne de train entre Lyon et Bordeaux. Or les obstacles sont nombreux, voire mortels, pour ce projet citoyen.
Les nuages s’accumulent dans le ciel de Railcoop. Abandon de l’activité fret, changement de gouvernance, licenciement économique, recherche de fonds permanente… Les défis sont multiples pour ce collectif de citoyens engagés. Lancée en 2019, la coopérative ambitionne rien moins que de relancer l’ancienne liaison ferroviaire entre Lyon et Bordeaux. Un projet audacieux. S’il tient ses promesses, le train desservira, après Lyon, les communes de Roanne, Saint-Germain-des-Fossés, Gannat, Montluçon, Guéret, Saint-Sulpice-Laurière, Limoges, Périgueux et Libourne avant la cité girondine. Cependant, le jeu n’est pas encore plié. Faute de rentabilité, même la SNCF a lâché l’affaire en 2014 pour se concentrer sur les lignes à grande vitesse. Résultat, depuis Lyon, la seule manière de rejoindre la côte atlantique par le train oblige à passer par Paris, avec un changement inconfortable entre la gare de Lyon et celle de Montparnasse.
De (trop) grandes ambitions ?
L’idée de Railcoop est donc de remettre du trafic au cœur de la diagonale du vide française et d’aller capter les voyageurs en zone rurale. Un aller simple pour Bordeaux “au prix du covoiturage, soit une quarantaine d’euros”, détaille son directeur général, Nicolas Debaisieux. Cet ancien gérant d’une ligne de trains touristiques vise surtout à capter des voyageurs sur les bus qui assurent aujourd’hui ce trajet au cœur du Massif central. Pur produit de l’ouverture à la concurrence, le groupement est parvenu à convaincre dès sa création quelque 7 500 sociétaires, des citoyens souhaitant soutenir le projet. Une première étape qui avait permis l’obtention d’une licence ferroviaire grâce au 1,5 million d’euros collectés. L’objectif était alors une première ouverture en 2022. C’était sans compter la crise sanitaire, puis la lenteur du processus et des discussions avec SNCF Réseau, le gestionnaire du rail. Le lancement est donc repoussé à 2024. Une échéance qui reste incertaine tant elle a été ajournée de nombreuses fois depuis 2022 et qui interroge sur sa faisabilité.
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Dans le détail, la coopérative ne dispose d’aucun soutien bancaire alors que l’activité ferroviaire demande beaucoup de capitaux. Encore au stade de la startup, Railcoop tente actuellement de lever 4,5 millions d’euros, condition sine qua non pour avoir des trains sur des rails en 2024. Elle peut s’appuyer sur ses 14 000 sociétaires, dont plus de trente collectivités parmi lesquelles on compte la Métropole de Lyon (80 000 euros) et la Ville de Lyon (20 000 euros). Les enjeux sont importants et dépassent celui de la ligne Lyon-Bordeaux. Les équipes ont un feu vert de l’Autorité de régulation des transports pour exploiter les liaisons voyageurs entre Lille et Nantes, Clermont et Strasbourg, Annecy et Marseille, entre autres projets.
[ACTUALISATION JUIN 2023] En grande difficulté financière après avoir enregistré un déficit de 4,2 millions d’euros en 2022, la coopérative est au bord de la cessation de paiement.
Dans un courrier adressé mardi 20 juin à ses sociétaires et que l’Agence France Presse a pu consulter, les responsables expliquent "nous avons besoin de lever de l'argent immédiatement". La coopérative aurait besoin de 100 000 euros d'ici au 30 juin, puis 300.000 euros avant le 31 juillet et 500.000 euros avant le 30 septembre, le tout afin de payer les salaires et régler les fournisseurs.
Railcoop estime ses besoins à 2,8 millions d’euros d’ici l’été 2024 pour embaucher et former les personnels. Les quelque 14 000 sociétaires ont ainsi été invités à remettre au pot en reprenant des parts sociales. Il leur est également demandé de se mobiliser pour trouver de nouveaux sociétaires. Sans apporter beaucoup de précisions, Railcoop explique aussi miser sur "un prêt de trésorerie, auprès de nouveaux partenaires financiers". Avant d’ajouter qu'elle compte aussi "sur des prêts bancaires, garantis par les collectivités territoriales", sans indiquer lesquelles. Selon l’AFP, une dernière initiative consisterait à la mise en vente de 100 000 bons d'achat de 30 euros entre le 4 juillet et le 30 septembre pour se renflouer.
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Une accumulation d’obstacles
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