Depuis le jeudi 12 octobre, la cour d'assises d'appel du Rhône se penche sur l'affaire du meurtre de la postière de Montréal-la-Cluse. Pour Mamadou Diallo, acquitté en première instance et rejugé, Gérald Thomassin "devrait être sur le banc des accusés".
Mamadou Diallo pensa sans doute être hors de cause en cette journée de 2016, lorsqu'il refusa de rembourser la jeune femme qu'il fréquentait et à qui il assurait se prénommer Marc. Selon cette trentenaire, l'homme qu'elle avait rencontré quelques semaines plus tôt sur Tinder et avec qui elle entretenait une relation "sans sentiment" était "à l'écoute et gentil", jusqu'à ce qu'il lui vole sa carte bleue au cours d'une soirée de coucherie. Bien décidée à récupérer les 700 € qu'elle avait perdus, la victime alors au chômage déposa plainte, d'abord contre X, puis nommément, essuyant des refus pour une solution à l'amiable. Sans doute non plus, l'attaquant du club de foot de Nurieux-Volognat dans l'Ain ne réalisait-il pas que cette plainte permettrait aux gendarmes de faire "matcher" son ADN avec celui retrouvé sur le monnayeur de l'agence postale de Montréal-la-Cluse, près de dix ans plus tôt.
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"Pour moi, une autre personne devrait être sur le banc des accusés."
Acquitté en première instance du meurtre de Catherine Burgod le 19 décembre 2008 dans cette "agence de poupée" du vieux Montréal, Mamadou Diallo comparaît libre devant la cour d'assises d'appel du Rhône depuis jeudi 12 octobre. Comme chaque jour depuis le début de cette nouvelle audience, l'homme de 34 ans avait enfilé un costume parfaitement coupé. Il était vert ce mardi, toujours accompagné de sa fidèle paire de mocassins. Débuté hier soir, son interrogatoire s'est poursuivi cette après-midi. L'accusé, qui a reconnu avoir volé un liasse de 20 billets de 20 € (fait pour lequel il a été condamné à trois ans de prison) mais nie avoir tué la postière, est parvenu à garder son sang-froid deux heures durant, non sans quelques envolées. "Ca fait un an que je suis sorti de prison mais c'est comme si j'étais enfermé parce que j'attends de devoir de nouveau m'expliquer", a-t-il clamé, au bord des larmes. Et d'ajouter : "Pour moi, une autre personne devrait être sur le banc des accusés."
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De fait, longtemps suspect numéro un, l'acteur césarisé devenu marginal et drogué, Gérald Thomassin, a disparu en août 2019, alors qu'il devait se rendre à une ultime confrontation organisée par les magistrats enquêteurs à Lyon. Fin janvier 2020, un non-lieu a été prononcé pour l'acteur révélé par Jacques Doillon. "Il a avoué le meurtre au téléphone mais parce qu'il avait bu et qu'il était drogué, il a eu le droit à tout, alors que moi, on me traitre comme un meurtrier", a déploré l'accusé dans une envolée à laquelle sa voix fluette et son profil de gendre idéal n'avaient pas habitué les jurés. "Généreux et empathique", comme l'ont décrit de nombreux témoins depuis jeudi dernier, Mamadou Diallo n'est peut-être pas le gendre idéal que les nombreux éloges qui lui ont été fait laissaient imaginer. A 26 ans, sa compagne avec laquelle il est marié religieusement et dont le goût pour l'élégance n'a d'égal que celui de son mari l'avoue, "il m'a menti plusieurs fois. Il a peut-être manqué de courage."
"On devait avoir des enfants, acheter un appartement, se marier et du jour au lendemain, tout s'est arrêté"
Compagne de Mamadou Diallo
Comme lorsque Mamadou Diallo lui a fait croire qu'il subissait des cessions sur salaires après avoir fait des chèques en blanc, alors qu'il remboursait en fait un crédit qui lui avait permis de s'acheter une voiture. Malgré ses erreurs, cet homme qu'elle a rencontré en 2012 "n'est pas un menteur", assure-t-elle. "C'est mon meilleur ami, mon mari, c'était l'homme de ma vie. On devait avoir des enfants, acheter un appartement, se marier et du jour au lendemain, tout s'est arrêté", a-t-elle déclamé, en larmes. "Dites aux jurés, je sais que c'est dur de devoir de nouveau expliquer mais redites leur comment vous vous sentiez après les faits", a lancé Me Noachovitch à son client. Et Mamadou Diallo, assurant avoir été "traumatisé", de déclamer de nouveau son innocence en exprimant ses "regrets" et sa "honte" de n'avoir pas appelé les secours lorsqu'il a découvert le corps ensanglanté de Catherine Burgod.
Cette version, l'accusation qui avait requis 30 ans de réclusion criminelle en première instance, n'y croit pas. "Vous dites avoir eu du sang sur votre jean et sur vos deux mains. Cela vous a obligé à vous essuyer sur ce que vous pensiez être un chiffon et à faire une lessive ensuite. Comment ce sang s'est retrouvé là ?", interroge ainsi Eric Mazaud, l'avocat général. "Je ne sais pas. J'étais traumatisé, je ne sais pas ce que je faisais", assure l'accusé. Choqué, l'ambulancier a néanmoins eu "la présence d'esprit de faire une machine à laver, d'aller acheter un sandwich le midi et de reprendre la journée de travail", note le président Eric Chalbos qui pointe du doigt la description précise du bureau de poste réalisée par l'accusé lors de sa garde à vue en 2018 alors qu'il assurait par ailleurs ne pas se souvenir s'il avait ou non touché le corps de Catherine Burgod.
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"A chaque audition vous avez changé de version lorsque l'on vous demandait si oui ou non vous l'aviez touchée. On a le sentiment que vous adaptez votre version aux avancées des enquêteurs", a ainsi appuyé Me Jean-François Barre, conseil des parties civiles. Et Mamadou Diallo de répondre, agacé : "Dès le début j'ai dit que je n'étais pas sûr, j'essayais d'être le plus cohérent possible pour aider les enquêteurs." Des experts psychiatriques et psychologiques sont attendus ce mercredi à la barre. En première instance, ils avaient appuyé le profil calme et empathique de l'accusé et notamment expliqué ses changements de version récurrentes par le choc post-traumatique dont il aurait été victime. Les plaidoiries et le délibéré sont attendus pour jeudi.