Mamadou Diallo a été condamné à 16 ans de prison par la cour d'assises d'appel du Rhône, jeudi soir, dans l'affaire du meurtre de la postière de Montréal-la-Cluse dans l'Ain. Retour sur cette dernière journée d'audience.
Il y avait foule ce jeudi pour le dernier jour d'un procès tenu de bout en bout par le président Eric Chalbos. Il était 20 h 45 lorsque la cour d'assises d'appel du Rhône a condamné Mamadou Diallo à 16 ans de réclusion criminelle, accusé d'avoir tué de 28 coups de couteau une postière à Montréal-la-Cluse dans l'Ain, le 19 décembre 2008. Au terme de près de quatre heures de délibéré, tête baissée, regard perdu, il a ainsi été reconnu coupable du meurtre de Catherine Burgod et du vol d'environ 2 500 euros, sous le regard larmoyant de sa mère et de Me Chloé Soulier, l'une de ses conseils.
"Le combat de la famille était la culpabilité, c'est tout ce qui nous intéresse. Moi je ne me réjouis pas d'un homme qui va en prison, il n'y a pas à satisfaire de quoi que ce soit sur une peine de prison", a réagi avec dignité Me Jean-François Barre, avocat des parties civiles, empreintes, quant à elles, d'une grande émotion. En première instance, l'ancien ambulancier de 34 ans avait été acquitté du chef de meurtre et condamné à deux ans d'emprisonnement pour le vol d'une liasse de billets, vol qu'il avait reconnu. L'avocat général avait requis 30 ans de réclusion criminelle à l'encontre du trentenaire qui encourait la prison à perpétuité. Me Noachovitch, conseil de Mamadou Diallo, a annoncé sa volonté de former un pourvoi en cassation, dénonçant une "erreur judiciaire". Et d'ajouter : "il y a des vices de procédure dans ce dossier et on ira jusqu'au bout".
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"Catherine avait 41 ans, un compagnon, des projets plein la tête et cette petite fille qu'ils avaient décidé d'avoir"
Me Jean-François Barre, conseil de la famille de Catherine Burgod
Quelques heures plus tôt, quand les vitres de la magistrale salle d'audience du Palais des 24 colonnes tintaient sous les gouttes d'une pluie battante, Me Jean-François Barre avait invité les parties civiles à commenter des photos de Catherine Burgod, avant de débuter sa plaidoirie. Cédric, fils aîné de la postière, prend le micro alors que s'affiche à l'écran un cliché sur lequel on le voit avec sa mère et sa petite sœur Justine. "Nous fêtions notre anniversaire à tous les trois ce jour-là", se souvient-t-il avec émotion, avant de laisser la parole à son avocat. Comme depuis le début du procès, jeudi 12 octobre, Me Barre s'en est tenu au dossier, dans une plaidoirie factuelle, précise, où l'émotion a - presque - été laissée de côté.
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Tout juste le vice-bâtonnier de Lyon, qui s'est dit "honoré de représenter cette famille", a rappelé que "Catherine avait 41 ans, un compagnon, des projets plein la tête et cette petite fille qu'ils avaient décidé d'avoir". Tuée de 28 coups de couteau dans le bureau de poste du vieux Montréal-la-Cluse, l'employée municipale était alors enceinte de cinq mois. "D'une petite Carla", rappelle voix basse, Me Barre regardant les parties civiles. Le conseil a laissé le soin à l'avocat général Eric Mazaud de démonter la piste Gérald Thomassin, acteur césarisé devenu marginal et drogué, longtemps suspect numéro un.
"Une innocence ne se démontre pas en accablant un innocent"
"C'est de la réalité du dossier, des preuves objectives dont vous devez vous nourrir", a-t-il lancé à l'adresse des jurés. Et Me Barre de rappeler dans une plaidoirie au rythme léché que Mamadou Diallo s'était déjà rendu dans cette agence postale, "à tel point qu'il en a fait un plan précis en audition". Selon le vice-bâtonnier, l'accusé aurait voulu s'emparer des espèces conservées dans l'agence, mais il aurait été reconnu par Catherine Burgod. "C'est un vol qui a mal tourné", juge-t-il, réfutant la thèse du vol simple d'opportunité.
Le conseil a par ailleurs insisté sur ce qu'il considère être "un élément de preuve fondamental", un sac à chaussures retrouvé sur la scène du crime, portant l'ADN de l'accusé sur son système de fermeture. "Lorsqu'on a montré ce sac au président du club de foot de Nurieux (où Mamadou Diallo a joué, Ndlr) il a tout de suite dit : 'Oui c'est un sac pour mettre des chaussures de foot'", a noté Me Barre sous le regard réprobateur de Me Noachovitch. Dans cette salle comble, Mamadou Diallo toujours vêtu de son fidèle costume semble accuser le coup. Visage fermé depuis le début de la journée, l'homme montre des signes de fatigue.
"Qui peut dire avec certitude que mon client est coupable ?"
L'avocat général, Eric Mazaud, qui a requis comme en première instance une peine de 30 ans de réclusion criminelle, a quant à lui torpillé la piste Thomassin entretenue tout au long du procès par Me Sylvie Noachovitch. "Je crois qu'il faut crucifier le mythe Thomassin", a-t-il lancé et de citer Jérôme, le frère de Gérald : "Une innocence ne se démontre pas en accablant un innocent." Selon Eric Mazaud, "Gérald Thomassin a été innocenté, il n'y avait aucune charge suffisante pour le conduire aux assises". Pour l'avocat général, les changements de version de Diallo révèlent une tentative de "s'adapter aux avancées des enquêteurs pour laisser de l'espace à un autre que lui". "Mais il n'y a pas de place pour un autre que lui", a-t-il tancé au terme d'un réquisitoire dur et rugueux à l'encontre de l'accusé.
Sous le regard rougi par l'émotion de sa collaboratrice Me Chloé Soulier, Me Sylvie Noachovitch a, quant à elle, déployé une plaidoirie moins agressive qu'en première instance, s'attachant a faire revivre la piste Thomassin. "Qui peut dire avec certitude que mon client est coupable ?", a-t-elle lancé d'emblée pour instiller le doute dans l'esprit des jurés. Et rappeler que l'acteur du Petit criminel de Jacques Doillon avait, un jour, expliqué dans une déposition avoir un sac "presque pareil" que celui retrouvé sur la scène du crime. La conseil a également insisté sur les aveux de l'acteur césarisé dans un appel à son frère : "Il l'a répété plusieurs fois", a-t-elle lancé. Proche des jurés auxquels elle s'est régulièrement adressé directement dans une plaidoirie très physique, la conseil ne sera pas parvenu à faire émerger le doute au sein de la cour.
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