Myriam Picot, présidente de la LICRA Auvergne-Rhône-Alpes
Myriam Picot, présidente de la LICRA Auvergne-Rhône-Alpes

La France Insoumise sur le Hamas : "une partie voit le vote des banlieues en perspective"

Myriam Picot, présidente de la Licra Auvergne-Rhône-Alpes, revient pour "6 minutes chrono" sur l'explosion des intimidations envers les juifs et les actes antisémites. Un agenda très politique pour une bonne partie de La France Insoumise.

A date du 5 novembre, le ministre de l’intérieur faisait état de 1 040 actes antisémites commis en France depuis l'attaque terroriste du Hamas islamiste en Israël, le 7 octobre dernier. Soit 35 actes antisémites par jour. Deux fois et demi plus que pendant toute l'année 2022.

"Le nombre d’actes antisémites a explosé" a expliqué Gérald Darmanin. Et ce bilan ne cesse d'augmenter. Les juifs d’Europe "vivent de nouveau dans la peur", a souligné la Commission européenne. L'historien français et membre de l'Académie française, parle de "retour à un vécu, on est retourné à la Shoah".

"Trois superpositions de haine du juif"
Pascal Ory, historien sur France Info

L'auteur de De la Haine du juif évoquait, lundi 6 novembre dans la matinale de France Info "trois superpositions de haine du juif" : l'antijudaisme, religieux, avec un Hamas qui se rattache à une tradition islamiste, donc à une haine du juif, l'antisémitisme, beaucoup plus moderne, qui permet de comprendre les discours d'une certaine extrême droite et d'une certaine extrême gauche et l'antisionisme depuis la création de l'Etat d'Israël.

Un point de vue que ne partage pas forcément Myriam Picot, présidente de la Ligue internationale contre la racisme et l'antiésmisitme (LICRA) d'Auvergne-Rhône-Alpes : "il ne faut pas non plus trop aller dans cette direction là. On n'est pas à l'époque du gouvernement de Vichy avec un antisémitisme étatique."

"Beaucoup de nos concitoyens ont tendance à se mettre dans un camp ou dans l'autre et à se regarder avec des armes dans la tête"
Myriam Picot, résidente de la Licra Auvergne-Rhône-Alpes

Et de nommer la "prise de conscience" et l'"action très volontariste" de l'État menée contre ces gestes de haine.

Myriam Picot en revanche pointe la "défaillance déplorable" de La France Insoumise (LFI), sauf quelques voix dissonantes. "C'est déplorable parce que ce sont des gens suffisamment instruits pour savoir ce qu'ils font quand ils refusent de qualifier le Hamas de terroriste. Je pense qu'ils voient le vote des banlieues en perspective." Et d'ajouter que ce n'est "pas un service à rendre aux habitants des banlieues", évoquant le cas de La Duchère où les communautés juives et musulmanes vivaient en bonne intelligence jusqu'à il y a peu, regrettant le tag "Solidarité avec nos frères de Gaza" sur la porte de la synagogue du quartier.


Retranscription intégrale de l'entretien avec Myriam Picot

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd'hui Myriam Picot. Bonjour.

Bonjour.

Merci d'avoir accepté notre invitation. Vous êtes, Myriam Picot, présidente de la LICRA Auvergne-Rhône-Alpes, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme. Depuis l'attaque terroriste du Hamas, le 7 octobre dernier, la communauté juive française fait face à une explosion des intimidations et des actes antisémites. Le ministre de l'Intérieur a recensé aujourd'hui plus d'un millier d'actes antisémites depuis le 7 octobre, ce qui fait à peu près 35 par jour, c'est deux fois plus en un mois que sur l'année dernière en totalité. Alors, on voit effectivement depuis l'attaque terroriste qu'il y a une conjecture qui est courte, mais de manière plus générale, est-ce qu'on peut parler plus globalement de judéophobie ?

Alors, chacun emploie le terme qui lui convient. En tout cas, ce que l'on peut remarquer, c'est que dans l'espace public s'exprime un antisémitisme décomplexé qui amène la communauté juive à l'inquiétude, voire à l'angoisse. On voit tous les jours nos compatriotes qui hésitent, voire qui retirent les signes distinctifs, genre le port de la kippa, le retrait des mezouzah sur leurs portes. On voit des parents qui s'inquiètent pour emmener leurs enfants à l'école, qu'il s'agisse de l'école publique ou d'écoles privées juives. Oui, il y a vraiment un sentiment d'inquiétude très fort.

"On n'est pas à l'époque du gouvernement de Vichy avec un antisémitisme étatique."

Un sentiment d'inquiétude, effectivement. Je crois que c'était la Commission européenne qui disait qu'effectivement les Juifs "vivaient de nouveau dans la peur". Pascal Ory, qui est historien et membre de l'Académie française, qui a écrit le livre De la haine du juif, parlait lui de retour à un vécu. Il faisait allusion clairement à la Shoah.

Oui, alors il ne faut pas non plus trop aller dans cette direction-là. On n'est pas à l'époque du gouvernement de Vichy avec un antisémitisme étatique.

On voit quand même, je crois que c'est à Paris, il me semble que c'est sur Paris, on a quand même vu des murs d'immeuble avec des étoiles de David au pochoir.

Oui, mais il y a une réaction à l'heure actuelle. Il y a quand même une prise de conscience de l'État qu'il faut stopper ça le plus rapidement possible. Gérald Darmanin disait hier qu'il y a près de 500 interpellations qui ont fait suite aux actes antisémites. Il y a vraiment une prise de conscience et une action très volontariste menée contre ces gestes de haine. Et nous sommes nombreux, peut-être pas assez, mais nombreux de concitoyens non-juifs à manifester notre empathie, voire à mener le combat, comme le fait la LICRA, pour que cesse ce type d'agissement.

La France accueille la première communauté juive et la première communauté musulmane d'Europe

Alors la France, elle accueille, la première communauté juive d'Europe. C'est aussi la France, la première communauté musulmane. Comment on fait aujourd'hui pour vivre ensemble ?

Oui, il faut se garder de ne pas importer le conflit qui se déroule à quelques milliers de kilomètres. Mais c'est vrai que c'est difficile que beaucoup de nos concitoyens, en tendance à se mettre dans un camp ou dans l'autre et du coup à se regarder avec des armes dans la tête, bon, il faut que nous combattions tout ça. C'est vrai que nous sommes tous des Français. Nous avons tous les mêmes valeurs républicaines à faire progresser et instaurer sur notre territoire.

"À Lyon, à la Duchère, c'était un territoire où il y avait les deux communautés. Et là, après le 7 octobre, qu'est-ce qu'on a vu ? Des slogans tagués sur la synagogue de la Duchère."

Parce qu'on va pas rentrer dans le champ non plus trop politique, mais quand même vous parliez de valeurs républicaines effectivement qu'il faut défendre. Est-ce qu'aujourd'hui, il n'y a quand même pas une partie, et notamment je pense clairement, voilà, ça a été dit de partout, écrit de partout, notamment une partie, voire la totalité de LFI qui quand même met de l'huile sur le feu quand même avec des déclarations ou des non-déclarations d'ailleurs.

Oui, alors moi je dirais pas tout LFI parce que heureusement on voit que ce parti est secoué par quelques voix dissonantes et ça fait plaisir de le constater. Mais oui, c'est vrai que dans cette partie-là de la gauche, il y a une vraie défaillance qui est assez déplorable parce que ce sont des gens suffisamment instruits pour savoir ce qu'ils font quand ils refusent de qualifier le Hamas de terroriste. Bon, je pense qu'ils voient le vote des banlieues en perspective et que c'est pas un service à rendre ni aux habitants des banlieues parce qu'il faut se rappeler quand même que dans ces cités, les communautés juives et musulmanes vivaient jusqu'il y a peu en bonne intelligence. À Lyon, à la Duchère, c'était un territoire où il y avait les deux communautés. Et là, après le 7 octobre, qu'est-ce qu'on a vu ? Des slogans tagués sur la synagogue de la Duchère. Voilà, donc il faut vraiment, moi je crois que le message à faire porter, c'est qu'il faut tous s'unir, qu'on soit simples habitants, associations, nous bien sûr en premier lieu puisque je rappelle que nous sommes la plus ancienne association à lutter contre le racisme et l'antisémitisme. 1927. Mais tous habitants, associations et bien sûr partis politiques qui ont une responsabilité première et puis l'État.

"Les réseaux sociaux sont le média qui est le plus utilisé et notamment par ceux qui ont le moins accès à la connaissance et à l'information."


Mais l'État, je crois qu'il a vraiment donné un signe fort de vouloir lutter contre ce phénomène. Moi je vois la Licra, au niveau national, on fait beaucoup de signalement à partir des publications de réseaux sociaux. Vraiment il y a une commission juridique qui travaille tous les jours à cela parce que c'est à l'heure actuelle quand même le principal acteur du déversoir de haine et qui atteint vraiment tout le monde bien au-delà des journaux, de la télévision.
C'est le média qui est le plus utilisé et notamment par ceux qui ont le moins accès à la connaissance et à l'information.

Oui c'est ça, ce sera peut-être le mot de la fin, c'est que c'est l'ignorance qui amène souvent à des situations dans lesquelles on est. Mais Myriam Picot d'avoir accepté notre invitation. Au revoir.

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