Sandrine Runel, adjointe au maire de Lyon en charge des solidarités, et Marie-Charlotte Garin, députée EELV de Lyon. (@NC)

Sans-abrisme : contraints de "trier jusqu'à l'abject", les acteurs de la solidarité poussent un cri d'alerte

La députée EELV de Lyon, Marie-Charlotte Garin a dormi dans une école de Lyon pour alerter sur la situation de crise inédite à laquelle sont confrontés les acteurs de la solidarité, liée au manque de places en hébergement d'urgence. Neuf écoles de Lyon sont occupées pour mettre à l'abri des familles.

Les regards étaient graves ce jeudi soir sur la place Guichard. A deux pas de là dans l'école Mazenod, une mère et ses trois enfants, sans domicile, se réfugient chaque soir depuis début octobre, soutenus par le collectif citoyen Jamais sans toit. Il fait froid ce soir lorsque la députée EELV de Lyon Marie-Charlotte Garin qui s'apprête à passer la nuit dans l'école prend la parole. "Je suis en colère ce soir, en colère comme vous ne pouvez pas imaginer", lance-t-elle, alors que l'amendement portant sur la création de 10 000 places d'hébergement d'urgence qu'elle avait porté a été balayé par un nouveau 49.3.


"Alors que se déploie le fanatisme de l'indifférence, le cri d'alarme "mes amis au secours", vaut-il encore le coup d'être lancé ?"

Raphaël Vulliez, membre du collectif Jamais sans toit

Dans l'agglomération lyonnaise, 33 enfants sans solution d'hébergement sont recensés par Jamais sans toit, qui a mis 634 personnes à l'abri depuis sa création en 2014. "Ils sont sûrement encore plus", déplore Juliette Murtin, porte-parole du collectif. Neuf écoles sont occupées. Neuf écoles dans lesquelles chaque soir, une famille vient trouver refuge, épaulée solidairement par un membre du collectif. "Au réveil, ils s'évaporent comme des fantômes, ne laissant aucune trace de leur passage", rappelle Juliette Murtin. Accompagnée de Sandrine Runel, adjointe de Grégory Doucet en charge des solidarités, de Maud Bigot, présidente de la Fédération nationale des samu sociaux et de Séverine Demoustier, directrice régionale de la Fédération des acteurs de la solidarité, Marie-Charlotte Garin a donc passé une nuit dans cette école du 3e arrondissement pour "faire la guerre à l'indifférence", dans "la suite du combat que l'on mène au Parlement".

Lire aussi : 262 enfants sans logements en Auvergne-Rhône-Alpes à la veille de la rentrée

Une situation de crise "inédite"

Mobilisés au quotidien, les acteurs de la solidarité évoquent d'une même voix une "situation inédite", pire qu'elle ne l'a jamais été. En France, 2 822 enfants seraient à la rue, faute d'hébergement. Neuf écoles de l'agglomération lyonnaise sont occupées, et deux nouvelles le seront dès mardi prochain. Le squat Pyramide évacué, s'est aussitôt reformé dans un bâtiment en très mauvais état situé dans la commune de Caluire-et-Cuire. Le collectif solidarité entre femmes à la rue a occupé le CCVA de Villeurbanne pour mettre à l'abri une centaine de femmes et une cinquantaine d'enfants sans solution d'hébergement. La Ville de Lyon (dont l'hébergement d'urgence n'est pas une compétence) a relogé 12 familles, qui avaient occupé cet été le gymnase Bellecombe, dans un ancien Ehpad du 3e arrondissement.

Le bâtiment dans lequel se sont réfugiés une partie des anciens du squat Pyramide s'était en partie effondré en 2017. (@Doc Lyon Capitale)

Lire aussi : Les anciens occupants du squat Pyramide investissent un bâtiment de Caluire-et-Cuire

"Prioriser, trier jusqu'à l'abjecte"

"Mes amis au secours. Il y a près de 70 ans, l'Abbé Pierre lançait un cri d'alarme vibrant. Alors que se déploie le fanatisme de l'indifférence, le cri d'alarme "mes amis au secours", vaut-il encore le coup d'être lancé ?"" s'interroge, ému, Raphaël Vulliez, membre du collectif Jamais sans toit. Selon le samu social, le nombre de personnes en demande d'un hébergement d'urgence a augmenté de presque 50 % en un an à Lyon. "Tous les dispositifs sont saturés parce que les personnes qui trouvent une place y restent parfois cinq ans car elle n'arrivent pas à trouver un logement", déplore Séverine Demoustier. A la manière des Restos du Cœur, les acteurs de terrain doivent apprendre à dire non, "à prioriser, à trier jusqu'à l'abjecte", lance Maud Bigot, affligée. Et d'ajouter : "On peut se dire qu'une couverture c'est toujours mieux que rien. Mais ce mieux que rien, c'est le pansement de la honte."

Comme le rappelle régulièrement la préfecture du Rhône, l'Etat n'a jamais fait autant pour l'hébergement d'urgence. Son plan quinquennal pour le logement aurait permis une hausse de 44 % en moyenne régionale des attributions de logements sociaux aux ménages sans-abris. "Alors oui l'Etat fait plus qu'il n'a jamais fait, mais à crise inédite, moyens inédits", implore Marie-Charlotte Garin. La députée n'a pas manqué de rappelé que l'opposition a bataillé ardemment lors de l'élaboration du budget 2023 pour que le gouvernement ne supprime pas les 14 000 places d'hébergement qui devaient être créées. "Ce gouvernement a été capable de nous sortir un 'quoi qu'il en coûte' pendant le Covid, mais il est incapable de sortir un quoi qu'il en coûte pour des enfants qui dorment à la rue", cingle la députée de Lyon.

Lire aussi : Logement : Grégory Doucet attaque l'Etat en justice

Aides au retour, expulsions...

Plus localement, le positionnement de la préfecture du Rhône interroge les acteurs de solidarité comme l'ont par ailleurs documenté nos confrères de Rue89Lyon. Si plus d'une trentaine d'occupants du squat Pyramide ont été pris en charge par les services de l'Offi ou orientés vers la Maison de veille sociale, les autres ont été dispersés dans différents lieux notamment à Belleville et Saint-Etienne, alors même que nombre d'entre eux disposaient d'un emploi.

"Nous allons arrêter de dire que la préfecture ne répond pas aux demandes, elles dit non. Parce que ces personnes n'ont pas de papier", explique Sandrine Runel. Pourtant, dans une décision du 19 janvier 1995, le Conseil Constitutionnel a qualifié le droit au logement d'objectif à valeur constitutionnelle. Par ailleurs, la France est signataire de la Convention internationale des droits de l'enfant. Juridiquement contraignante, elle énonce que chaque enfant à le droit d'avoir "des conditions de vie décentes". "Nous sommes ici pour rappeler que la précarité n'est pas une fatalité, c'est un choix politique", conclut Marie-Charlotte Garin.

Lire aussi : Evacuation du squat Pyramide à Lyon : 84 personnes logées à l'hôtel selon la préfecture

Les commentaires sont fermés

réseaux sociaux
X Facebook youtube Linkedin Instagram Tiktok
d'heure en heure
d'heure en heure
Faire défiler vers le haut