Gérard Collomb a été celui qui a incarné l’opposition la plus audible aux écologistes, à la Ville de Lyon comme à la Métropole. Il se confie sur sa difficulté à passer la main et revient aussi sur son passage au gouvernement en 2017.
Gérard Collomb est décédé samedi 26 novembre 2023 des suites d'une longue maladie. Il a bénéficié, selon son épouse Caroline Collomb, d'une "sédation profonde qui lui a permis de s'éteindre paisiblement auprès des siens".
L'ancien maire de Lyon (2001-2017 et 2018-2020) et ministre d'Etat (Intérieur de 2017 à 2018) aura laissé une marque indélébile sur "sa" ville, pour laquelle il consacra toute son énergie et sa carrière politique. Celui qui, "dès (qu'il a) fait de la politique de manière soutenue, (a) toujours souhaité être maire de Lyon" aura été comblé, les Lyonnais le réélisant trois fois de suite. Avec près de vingt ans à la tête de Lyon, Gérard Collomb est après Edouard Herriot et Louis Pradel, avec la plus grande longévite politique en tant que maire de Lyon.
Les écologistes ? "Le raisonnement des écologistes lyonnais est malthusien. Ma grande différence avec les écologistes ce n’est pas le constat sur le réchauffement climatique ou la pollution des villes, mais le fait que je pense que le tournant écologique passera par l’innovation."
Son passage à l'Intérieur ? "Quand vous êtes ministre de l’Intérieur, votre discours est forcément moins dans la bienveillance qu’au ministère de la Culture."
De gauche ou du centre ? "Oui, par mon histoire personnelle, je suis encore de gauche. Mais je me définirais plutôt comme un progressiste qui tente de penser l’avenir. La gauche ne peut pas être qu’un discours. C’est plutôt être en capacité de changer la vie quotidienne des gens."
Nous republions, dans son intégralité, le dernier entretien qu'il avait accordé à Lyon Capitale en septembre 2021.
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Grandes gueules. Gérard Collomb est probablement celui qui incarne l’opposition la plus audible aux écologistes, à la Ville de Lyon comme à la Métropole. Il se confie sur sa difficulté à passer la main et revient aussi sur son passage au gouvernement en 2017.
Lyon Capitale : Êtes-vous une grande gueule ?
Gérard Collomb : Je n’emploierais pas cette expression. Pour moi, être une grande gueule, c’est avoir des raisonnements à l’emporte-pièce. En tant qu’ancien professeur de grec, je me référerais plus volontiers à la maïeutique socratique qui visait à poser des questions pour faire réfléchir les gens et pour accoucher d’idées nouvelles. Je suis un éternel optimiste : je pense toujours qu’il est possible de convaincre. En ce qui me concerne, j’ai sans cesse essayé de penser par moi-même sans être prisonnier d’un cadre. Cela m’a pris du temps pour me forger une pensée autonome. Quand j’ai adhéré au PS, j’avais la foi du charbonnier. Lorsque la gauche est arrivée au pouvoir en 1981, je croyais dur comme fer à la relance par la consommation. Au bout de deux ans, j’ai compris que nous allions dans le mur. J’ai alors commencé à m’intéresser à l’économie. J’ai essayé de comprendre les mutations du monde et ma pensée a ainsi pu évoluer.
Vous considérez-vous toujours de gauche ?
Oui par mon histoire personnelle, je suis encore de gauche. Mais je me définirais plutôt comme un progressiste qui tente de penser l’avenir. La gauche ne peut pas être qu’un discours. C’est plutôt être en capacité de changer la vie quotidienne des gens. En 1986, pendant la campagne des législatives, je suis allé à La Duchère et j’ai expliqué à une habitante ce que la gauche avait fait depuis le début du quinquennat de François Mitterrand. Elle m’a répondu : “Ça a changé quoi pour moi ?” Ce jour-là je me suis promis que si un jour je devenais maire de Lyon, cela changerait pour elle. En fait au PS, il y a une fatalité de ce que j’appellerais le molletisme [en référence à Guy Mollet, ancien président du conseil des ministres sous la IVe République, NdlR]. Le discours est radical, mais il n’est pas applicable et donc, lorsqu’on est au pouvoir on est effroyablement gestionnaire.
Votre alliance avec Les Républicains et Laurent Wauquiez pour les municipales et les métropolitaines de 2020 vous a quand même considérablement éloigné de la gauche…
Je n’ai pas fait alliance avec Laurent Wauquiez, mais avec François-Noël Buffet qui aurait pu mener une politique préservant les acquis de notre agglomération. Ce ne sera pas le cas si la majorité actuelle persiste dans la voie qu’elle suit aujourd’hui car elle est en train de déconstruire ce que nous avons pu réaliser. Mais, du coup, je sens chez les Lyonnais comme une nostalgie de mon époque. Et ça me fait plaisir. Certes la rupture n’est pas encore toujours perceptible car les grandes agglomérations sont comme les paquebots: elles mettent longtemps à tourner mais peuvent quand même finir par s’échouer sur la côte. Ma grande différence avec les écologistes ce n’est pas le constat sur le réchauffement climatique ou la pollution des villes, mais le fait que je pense que le tournant écologique passera par l’innovation. Regardez ! De plus en plus de voitures électriques circulent. Demain, il y aura des véhicules à hydrogène. Des entreprises comme Symbio ou Plastic Omnium œuvrent dans notre agglomération sur les mobilités de demain. Il faut être derrière elles car elles portent l’avenir. Tout comme d’ailleurs, dans d’autres domaines, les entreprises des cleantech ou du BTP qui travaillent sur de nouveaux matériaux comme les bétons perméables ou à bas CO2.
“Je sens chez les Lyonnais comme une nostalgie de mon époque. Et ça me fait plaisir”
Les écologistes pointent, eux, cette course infinie à la croissance comme la cause du changement climatique. Le monde de demain peut-il être sauvé avec les recettes d’hier ?
Le raisonnement des écologistes lyonnais est malthusien. Malthus, au XVIIIe siècle, pensait qu’avec la croissance démographique, on ne pourrait pas nourrir tout le monde. Il avait oublié une chose : la dimension du progrès technologique. Concernant l’économie lyonnaise, on ne peut pas dire, comme les écologistes, que l’on a atteint un niveau suffisant et que l’on peut s’arrêter là, car des pans entiers de l’activité peuvent être obsolètes demain. Pour reprendre l’expression de Philippe Aghion, c’est le processus de “destruction créatrice”. Aujourd’hui, à Lyon tout va bien, car continuent à se réaliser les projets que nous avions lancés, mais demain ? Si je m’inquiète pour l’économie, je suis aussi en désaccord total avec la politique du logement des écologistes. Certains me reprochaient d’être un maire bâtisseur, mais les gens ont besoin de se loger. La fédération des promoteurs immobiliers a annoncé récemment qu’il pourrait peut-être ne se construire que 3 000 logements en 2021. Quand je présidais la Métropole, nous étions sur un rythme de 9 000 par an. Par ailleurs, les écologistes ont déclaré pendant la campagne qu’ils veulent réaliser 6 000 logements sociaux par an. Comme ils construisent peu, ils entendent passer à un taux de logement social de 50 % dans les nouvelles opérations. Attention à ne pas recréer ce que nous avons connu dans les années 60 et à refaire les erreurs de La Duchère, Vaulx-en-Velin ou Vénissieux. Si le nombre de constructions continue à s’effondrer, les prix vont grimper dans la métropole. En un an, ils ont augmenté de 8,5 %. Les nouveaux programmes immobiliers se feront donc dans la troisième couronne, ce qui posera des problèmes de mobilité car les salariés n’auront pas d’autre choix, dans ces secteurs, que de prendre leur voiture pour venir travailler dans la métropole. Au bout du bout, les écologistes auront donc favorisé l’étalement urbain et la multiplication des déplacements automobiles.
Entre vos deux visions de l’écologie, les électeurs ont tranché au printemps 2020…
Oui c’est vrai, et ce n’est pas un phénomène local. Les écologistes l’ont emporté dans de nombreuses grandes villes. Les circonstances étaient spéciales. Il y avait l’effet Covid d’une part avec une faible participation. D’autre part, les Verts pouvaient sembler correspondre à une attente avec une prise de conscience de nos concitoyens de plus en plus forte quant au changement climatique. Nous l’avons bien vu avec les marches pour le climat. En France, on a donc quelquefois considéré que l’offre politique pour le changement climatique ne pouvait venir que des Verts. Ce vote correspondait aussi au rajeunissement et à l’internationalisation de notre agglomération. D’une certaine manière, j’ai “creusé ma tombe” en modernisant Lyon. Si la ville était restée repliée sur elle-même, comme elle avait pu l’être par le passé, je serais peut-être encore président de la Métropole. Les écologistes correspondaient à une attente, mais vont-ils savoir y répondre ? Je ne le pense pas. En 1981 aussi, quand la gauche est arrivée au pouvoir, les gens pensaient que nous avions une baguette magique…
Cette baguette magique, vous l’avez eue pendant des années à Lyon. Jusqu’à votre départ pour le ministère de l’Intérieur en 2017. À votre retour, on a senti que vous n’étiez plus en phase avec Lyon. L’avez-vous ressenti ?
Quand j’étais ministre, des gens, qui ne me voulaient pas que du bien, expliquaient que j’avais les yeux toujours rivés sur Lyon. C’était évidemment faux. Pendant 18 mois, je n’ai même pas ouvert la presse lyonnaise car au ministère de l’Intérieur, les journées commençaient à 8 h et se finissaient à 23 h. Tous les dossiers étaient plus importants les uns que les autres et c’est à eux que je me consacrais entièrement. Quand je revenais le week-end, je passais du temps avec ma famille. Je n’étais pas dans les dossiers locaux. Mais la ville continuait à changer à une vitesse incroyable. Quand je suis parti à Paris, les chantiers venaient d’être lancés à Gerland, à la Confluence sur sa partie est. À mon retour, j’ai dû, d’une certaine manière, me réapproprier la ville. Et davantage le reste de l’agglomération. Puis comme je ne présidais plus la Métropole, je n’avais pas accès, comme avant, à toutes les informations.
“Contrairement à ce que l’on a pu parfois dire, mon rêve n’a jamais été d’être ministre”
Avec le recul, regrettez-vous votre parenthèse ministérielle ?
J’ai hésité à partir de Lyon. Mais comme j’avais fait la campagne d’Emmanuel Macron et que, pour employer une litote, je l’avais un peu aidé à devenir président, lorsqu’il m’a proposé d’être ministre de l’Intérieur, j’ai pensé qu’il était de mon devoir de ne pas refuser. Pour moi, c’était clair. Je n’étais là que pour deux ans. Mais quand j’ai expliqué que je souhaitais revenir, cela a fait couler beaucoup d’encre. À l’époque, il y avait pourtant d’autres ministres qui se positionnaient sur les échéances municipales. Je ne peux pas dire que j’ai alors eu des appuis formidables au sommet de l’État. Vous savez, contrairement à ce que l’on a pu parfois dire, mon rêve n’a jamais été d’être ministre. En revanche dès que j’ai fait de la politique de manière soutenue, j’ai toujours souhaité être maire de Lyon. Car j’avais par exemple été député mais j’avais vu les limites de ce mandat. Quand vous êtes dans la majorité, on vous demande de vous taire. Dans l’opposition, vous racontez n’importe quoi. En tout cas cela arrive ! À la Ville et à la Métropole, à l’inverse vous voyez les changements que vous réalisez prendre forme. Pour ce qui est du temps passé au ministère de l’Intérieur, je ne regrette cependant rien car cela m’a fait découvrir beaucoup de choses. À mon arrivée place Beauvau, j’ai compris immédiatement l’ampleur de la tâche. J’avais 4 m3 de dossiers sur mon bureau. Il faisait beau et comme cela tombait pendant un long week-end, je me suis installé dans le jardin, avec les poules que Bernard Cazeneuve avait laissées, et je les ai tous étudiés. J’ai découvert un monde que, même en tant que maire de Lyon connu pour son souci de traiter les problèmes de sécurité dans sa ville, j’avais encore à appréhender : la relation entre le corps préfectoral et le ministère, les problèmes de sécurité dans chacun des territoires, et ils étaient déjà importants, l’acuité des problèmes migratoires, une menace terroriste qui restait très prégnante. Avec mon équipe, nous avons travaillé comme des fous. L’expérience a été enrichissante, mais d’une certaine manière elle me condamnait à Lyon.
Votre action au ministère de l’Intérieur vous a aussi été reprochée et notamment votre position sur l’immigration dénoncée par la gauche. En avez-vous trop fait ?
J’ai effectivement pu payer ce que j’ai fait en matière de politique migratoire. Car quand vous êtes ministre de l’Intérieur, votre discours est forcément moins dans la bienveillance qu’au ministère de la Culture. Mais si vous ne réglez pas ces problèmes, qui le fera ? On voit combien ils sont sensibles. La tragédie de l’Afghanistan les a remis à l’ordre du jour. Les Afghans qui arrivent aujourd’hui sont de vrais demandeurs d’asile au sens propre de ce terme et non pas des migrants économiques comme nous avons pu en avoir ces dernières années. Or, si l’on ne fait pas la différence entre les deux comme ça pu être le cas, on finira par tuer le droit d’asile. Par ailleurs, si on accueille sans véritablement intégrer, on aboutit, on le voit bien, à un basculement d’un certain nombre de personnes vers la délinquance ou vers un islamisme radical. Par ailleurs, cela contribue à radicaliser l’opinion publique vers les extrêmes. On a pu me reprocher d’être trop sécuritaire quand j’étais ministre de l’Intérieur, y compris dans les sphères supérieures de l’État. Mais à la fin du quinquennat, on voit bien que les questions de sécurité peuvent être au centre du débat et que les drames constatés, à Marseille et bien d’autres villes, sont un un véritable problème. C’est pourquoi à Lyon, lorsque j’étais maire, je n’ai jamais donné dans le laxisme. Et les problèmes de sécurité avant mon départ au ministère étaient moins prégnants. Mais quand vous commencez à laisser des squats s’installer, que des marchés de la misère s’installent comme place Gabriel-Péri, vous ne contrôlez plus rien. Alors oui c’est vrai, Il faut avoir une main de fer. Mais c’est ainsi que l’on assure la tranquillité publique.
Pour revenir aux municipales, vous n’évoquez plus les divisions pour parler de votre défaite. Est-ce à dire que vous avez digéré la guerre interne avec David Kimelfeld et Georges Képénékian, vos anciens dauphins ?
J’ai toujours considéré que l’on ne bâtit rien sur une volonté de revanche. Quand j’ai mis en place mon successeur à la Métropole, je savais que ce serait difficile d’en redevenir président parce qu’il n’y a pas une majorité assurée. Ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est la petite musique instillée à la Métropole dès que je suis arrivé à Paris “Gérard Collomb était autoritaire, on est plus dans le dialogue aujourd’hui”. Ce type de comportement peut certes faire partie de la nature humaine, mais quand vous confiez ce que vous avez de plus précieux, vous ne vous attendez pas à ce qu’on dise du mal de vous immédiatement après. Peut-être suis-je trop philanthrope. Ma gentillesse m’a perdu…
Lorsque vous avez fait alliance avec François-Noël Buffet, vous avez expliqué que vous vous tiendriez désormais en retrait de la vie politique et que vous passeriez la main. Pourtant, depuis un an, on vous entend régulièrement. Est-ce si dur pour vous de passer à autre chose ?
Je ne sais pas si je suis très présent. Cette année, pour la première fois depuis 2001, j’ai pu retourner faire de la voile, ma passion avant d’être maire. Je vais certes peu à peu prendre du recul, mais j’aimerais bien mettre en piste des gens auparavant. Et puis je me dis que je vais peut-être arriver à convaincre certains membres de la nouvelle majorité que ce que nous faisions n’était pas si mal. Vous savez, quand vous arrivez au bout de votre vie, vous vous interrogez forcément sur le sens que vous lui avez donné. J’ai consacré la mienne à la politique. Je ne peux donc pas arrêter d’un coup et dire : “Après moi, le déluge.”
Vous avez dirigé la ville pendant près de vingt ans. Qu’est-ce qui vous manque ?
Les technologies modernes. J’ai déjà du mal à me servir de toutes les applications de mon téléphone portable. Alors les réseaux sociaux… Ce qui me manque c’est de pouvoir agir au service de ma ville. L’argent n’a jamais été important pour moi, les honneurs non plus. Je n’ai pas de décorations françaises même si on m’en a proposées. En fait je n’ai que des décorations étrangères : l’ordre du Soleil levant rayon d’argent qui m’a été remis personnellement par l’empereur du Japon. J’ai l’ordre du Saint-Sépulcre et puis, cela va peut-être vous surprendre, j’ai été par le passé décoré de l’ordre de Bolívar pour l’action que j’ai menée à une époque de ma vie en Amérique latine.
“J’ai consacré ma vie à la politique. Je ne peux donc pas arrêter d’un coup et dire : “Après moi, le déluge”
Vous avez toujours fini par vous détourner des personnalités nationales que vous souteniez. Ferez-vous campagne pour Emmanuel Macron en 2022 ? Êtes-vous toujours en contact ?
Je l’ai vu avant les vacances. Je ne sais pas s’il a besoin de moi. Pour la campagne des régionales, on ne m’avait rien demandé. Yann Cucherat, qui devait être sur les listes, en a été retiré. D’où mon absence au meeting de Jean Castex et je m’en étais excusé auprès de lui. Après, en politique comme en amour, il faut envoyer des signes. Vous savez ce que l’on dit : “Il n’y a que les preuves qui comptent.” J’aime que l’on m’aime.
Avant votre départ du gouvernement, vous aviez eu des mots durs contre Emmanuel Macron et la galaxie En Marche que vous accusiez de pécher par orgueil et de se couper des réalités. Avez-vous l’impression que le tir a été rectifié ?
Emmanuel Macron n’emploie plus ces expressions à l’emporte-pièce comme il avait pu le faire au début du quinquennat. Sa politique sur le fond était bonne mais il avait des petites phrases qui lui ont certainement causé du tort.
Trouvez-vous qu’il manque la jambe gauche du “en même temps” ?
Il faut bien voir de dire que le côté social n’a pu trouver sa pleine expression du fait de la Covid. Car 220 000 emplois avaient bel et bien été créés depuis le début du quinquennat. Mais comme le souligne un économiste proche d’Emmanuel Macron comme Jean Pisani-Ferry, la crise a engendré des inégalités. Pour éviter l’effondrement des économies, la banque centrale européenne a maintenu des taux d’intérêt très bas, ce qui permet aux gens qui ont de l’argent d’investir. Dans le même temps, celui qui n’en a pas a certes pu préserver un certain niveau de vie grâce au “quoi qu’il en coûte”, mais il a perdu heures supplémentaires et primes. Et les inégalités se sont ainsi aggravées ce qui peut donner le sentiment qu’il y a eu un manque de politique sociale.
La seule chose que je pourrais reprocher, c’est qu’on n’ait pas mis davantage en œuvre le plan Borloo pour les banlieues. Sur ce point certaines formules, celles des « deux mâles blancs » qui n’avaient pas à régler tous les problèmes ont pu fâcher les maires de ces territoires. ——Or, la question des banlieues demande un investissement profond. C’est dans ces quartiers qu’il faut mettre beaucoup d’argent.
Une de vos phrases a souvent été reprise. Celle que vous prononcez lors de votre départ de la place Beauvau : “Aujourd’hui, on vit côte à côte, je crains que demain on vive face à face.” Elle a été utilisée pour décrire la fracture entre les banlieues et le reste du pays ou pour expliquer le mouvement des Gilets jaunes. À quelle situation faisiez-vous référence ?
Cette phrase est apparue nouvelle ce jour-là alors qu’elle ne l’était pas. J’ai pu participer sur quelques points à la rédaction du livre Révolution, d’Emmanuel Macron. Personne ne l’a remarqué à l’époque mais la phrase que j’ai prononcée à la sortie du ministère, je l’avais introduite dans le chapitre de Révolution qui traite des déséquilibres français. Il concerne à la fois les fractures entre les métropoles françaises et la France périphérique mais aussi le sentiment d’abandon du monde rural. J’avais également traité des ruptures présentes dans nos villes entre les quartiers dynamiques et ceux qui se paupérisent et se ghettoïsent. Ces fractures françaises sont hélas toujours d’actualité et on peut même penser qu’elles continuent à s’accroître.
Y a-t-il des gens qui vous énervent, des antihéros, des zéros ?
L’évolution du monde mais aussi de notre pays peut amener à douter et à faire peur. Après la chute du mur de Berlin, on pensait que c’était “la fin de l’histoire”. C’était le titre du livre de Fukuyama. On pensait qu’après la chute de l’URSS, il y avait désormais un monde unifié. Or, depuis, nous avons connu l’islamisme radical, les menaces de la Corée du Nord, une Russie qui peut apparaître à nouveau conquérante, une Turquie qui veut réaffirmer sa puissance…
Et des héros ?
Ma référence a toujours été Jean Jaurès. Aujourd’hui, il appartient au patrimoine commun de la gauche et même au patrimoine commun tout court. Mais à son époque, il était “disruptif” chez les socialistes car il voulait intégrer le socialisme dans la République et ne plus penser seulement en termes de lutte des classes, comme c’était le cas à l’époque dans le courant majoritaire socialiste. S’il faut se référer à l’époque moderne et à ce que j’ai pu connaître dans mon propre parcours, j’ai pu rencontrer des gens admirables comme le père Pedro à Madagascar qui s’occupe des enfants de la rue dans un pays où l’État a du mal à exister et où l’on voit ce que cela peut avoir comme conséquences.
Entretien réalisé par Paul Terra en septembre 2021
En 10 ans et 3 mandats socialo-libéraux : terrorisme islamiste, GJ, casses, pandémie, confinements, manifestations, dette, casses, pillages, violences, pauvreté, immigrations, guerres. En 2018, G. Collomb, en fuyant son poste de ministre de l'Interieur, nous avait annoncé l'HUBRIS. Dont acte !
Il a dû se rendre compte que la situation lui échappait, même en étant avec tous les pouvoirs en main.
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"Les vôtres vous effraient par leurs conséquences" !