© Simon Gosselin

Iliade au Théâtre de la Croix-Rousse : Pauline Bayle, l’art de la guerre

Pauline Bayle présente Iliade et Odyssée, deux adaptations des épopées d’Homère, au théâtre de la Croix-Rousse. Dans le premier volet, Iliade, elle offre une version percutante de la guerre de Troie et confirme une fois de plus son immense talent dans l’art du récit.

C’est une habitude avec Pauline Bayle, qui sait soigner ses entrées en matière. Déjà l’an dernier avec Illusions perdues à la Croix-Rousse, la metteuse en scène nous surprenait avant même l’extinction des lumières. Avec Iliade, elle va un peu plus loin pour nous embarquer sans préavis dans son récit, sous forme de harangue qui nous place de suite - et astucieusement - dans la peau des guerriers grecs en route vers la cité de Troie.

L’art du récit

Cette manière de nous mettre immédiatement dans le bain (de sang) ne laisse ainsi aucun répit. Il faut dire que le choix de restituer cette épopée en 1h30 nécessite de ne pas trop traîner. Et comme à son habitude, Pauline Bayle, fait fi d’un certain nombre de contraintes formelles pour mieux ajuster cette œuvre fleuve – comme l’était Illusions perdues – à son propos et à sa vision singulière du théâtre.

Ainsi, cinq comédiens, sans distinction de genre, interprétant un nombre incalculable de personnages - dieux compris - nous livrent une version percutante des six jours de la bataille des Grecs contre les Troyens. L’œuvre d’Homère s’est transmise et a évolué dans une culture orale, et ici la voix de chaque comédien la porte avec une puissance sonore phénoménale pour mieux lui rendre sa nature épique.

© Simon Gosselin

La longue énumération des navires des Grecs et du nom de leurs chefs – qu’on retrouve dans L’Iliade – ou celle des innombrables guerriers tués par tel ou tel héros sur le champ de bataille, devient une performance qui tend vers la prouesse vocale, voire musicale, comme cette improbable scène de rap, scandée par un dieu de l’Olympe, qui offre l'un des interludes comiques à ce spectacle sanglant.

Car le texte ne nous épargne rien dans les détails anatomiques des nombreuses morts. Habituellement adepte de plateaux nus et de minimalisme, Pauline Bayle introduit ici des éléments comme le feu, l’eau ou le sang comme autant de matières pour nous rendre palpable la cruauté de la guerre.

Difficile alors de ne pas y trouver des échos aux conflits qui meurtrissent le monde. Comme si ce spectacle voulait nous rappeler que l’Homme a toujours su - avec zèle - ériger la guerre en art. Pauline Bayle, quant à elle, prouve qu’elle maîtrise à la perfection celui du récit.

Iliade et Odyssée, au Théâtre de la Croix-Rousse, jusqu’au 2 décembre

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