Che Mamüil et le chien, 2023, tirage photographique sur papier canson platine © Courtesy galerie Françoise-Besson

Exposition : le Lawal, arbre millénaire de Patagonie argentine

Laurent Mulot expose un superbe travail autour de la mémoire du Lawal, arbre millénaire de Patagonie argentine, croisant l’approche des scientifiques à celle des Indiens. À ne pas rater.

Présentée à la galerie Françoise-Besson, l’exposition Lawal Quilcas nous embarque à travers des photos et vidéos dans la jungle du lac Menéndez en Patagonie argentine à la découverte de l’arbre millénaire Lawal qui, en langue mapuche, signifie : celui dont la mémoire ne meurt pas !

Le projet de l’artiste émane des chercheurs du CEA Paris-Saclay qui étudient l’évolution de l’état climatique et lui proposent de s’associer à leurs recherches de terrain et de laboratoire pour créer une œuvre.

Un groupe interdisciplinaire (dendrochronologues, climatologues, glaciologues et astrophysiciens) est créé avec également des scientifiques argentins du Conicet et des représentants du peuple mapuche de Patagonie de la province de Chubut, des Indiens qui vivent en compagnie de ces arbres depuis des siècles.

L’objectif des scientifiques est de prélever des échantillons de l’arbre pour dater son âge et analyser les différentes traces présentes dans ses cernes afin d’étudier la densité du carbone 14, l’évolution du magnétisme terrestre et les impacts des événements cataclysmiques de l’univers telles les explosions de supernovæ au premier millénaire de notre ère.

“Pour les scientifiques, nous dit Laurent Mulot, l’arbre Lawal est une ‘horloge’ absolue qui témoigne, dans ses cernes, des conditions de la vie sur la terre et d’événements majeurs du cosmos. Tandis que les Indiens le considèrent comme une entité détentrice de la mémoire, un vieil individu avec lequel ils dialoguent de manière spirituelle, comme en méditation, avec une pensée magique, il représente une histoire de vie et peut vivre 3 000 ans. C’est un être vivant, une personne, et l’homme faisant partie de la nature, il n’y a pas pour eux de distinction entre la nature et la culture. Depuis vingt ans, le Lawal est protégé par une loi qui permet de se retourner contre ceux qui entravent ses droits. Pour moi, ce projet est un hommage en commun à l’arbre, sans clivage politique ou de croyance, il permet d’échanger sur notre place dans l’ensemble du vivant à travers une proposition poétique.”

Lawal, 2023, tirage photographique impression jet d'encre sur papier © Courtesy galerie Françoise-Besson

Une exposition où science et mémoire sont dans une même esthétique

Conçue en grande partie autour de diptyques, l’exposition déploie une esthétique épurée qui pose de manière très subtile l’image scientifique à égalité avec celle de l’homme et la nature, creusant les couleurs, l’émotion d’une certaine spiritualité et le factuel d’une recherche qui démontre la sincérité et la profondeur de son exercice.

À la beauté du lac, la douceur de ses habitants, la complexité d’une forêt hostile où le chercheur extrait de l’arbre des échantillons, Laurent Mulot juxtapose la complexité mais aussi la puissance d’instruments et d’accélérateurs de particules qui se transforment en chemins allant d’une autre manière au cœur de la forêt.

Dans la grande salle, une belle installation est composée d’une immense photo avec un Che Mamüil (humain de bois), totem de la communauté mapuche Prane qui milite pour le respect du vivant et de la terre.

Un écran vidéo y est incrusté qui présente de façon captivante les personnes rencontrées ou ayant participé à l’expédition tandis qu’une musique se fait entendre, composée à partir des fluctuations du carbone 14 situé entre l’an 970 et l’an 1069.

La scène est belle, elle nous projette dans un monde où passé, présent et futur se rejoignent et où la science prend sa part. Comme pour nous dire que tout est encore entre nos mains.

Plus loin, on découvre quatre portraits d’hommes, chacun étant juxtaposé à un élément de son choix qui illustre son métier. Le silence nécessaire pour les regarder est intense : un botaniste chercheur argentin, un agriculteur mapuche, un agent de préservation du parc national des Alerces et Don Manuel, ébéniste mapuche. Son visage est rempli de sillons, ceux du bois et de la vie, de la vieillesse et de la mémoire…

Lawal Quilcas - Laurent Mulot – Jusqu’au 5 mars à la galerie Françoise-Besson

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