Voice Noise © Klaartje Lambrechts

Quand la voix fait corps avec la danse

Voice Noise signe le retour à Lyon de Jan Martens qui crée un dialogue élégant entre les corps de danseurs et danseuses et les voix de chanteuses célèbres ou méconnues.

Après Any attempt will end in crushed bodies and shattered bones avec dix-sept danseuses et danseurs âgés de 18 à 71 ans qui transformaient la danse en acte de résistance face aux enjeux climatiques et sociétaux et Elisabeth Gets Her Way, un solo fulgurant où il rend hommage à la grande claveciniste polonaise Élisabeth Chojnacka, le Belge Jan Martens revient à la Maison de la danse dans le cadre des Cosmologies qui donnent carte blanche à un artiste, succédant à celle très réussie de François Chaignaud.

Création pour six interprètes et voix de femmes, Voice Noise part d’un constat qu’il fait : “Les spectacles de danse utilisent souvent une musique spécialement composée ou celle d’un grand maître mort depuis longtemps, comme Bach.”

Plongeant dans l’histoire de la musique, il met en exergue des mélodies peu interprétées et des voix inconnues, principalement celles de femmes, se référant au texte The gender of sound (1995) d’Anne Carson qui décrit à quel point les voix des femmes ont longtemps été considérées comme superflues avec leur timbre aigu, leurs hauts cris forts ou leurs conversations futiles : “Réduire les femmes au silence, écrit-elle, était dans la Grèce préclassique et classique le sujet d’un ensemble complexe de législations et de conventions, avec au cœur l’affirmation générale de Sophocle : ‘Le silence est le cosmos (le bon ordre, l’ordre de l’univers) de la femme.’”

Dans cette pièce où la danse est abstraite et très rythmée,le chorégraphe procède par strates et explore la différence des interprètes en s’attachant à la subtilité et au détail du mouvement, explorant dans le même temps le contraste entre les voix iconiques de Dua Lipa et Madonna et celles moins connues de la folkeuse Karen Dalton, de la soprano d’opéra Ruby Elzy ou de l’activiste soul Camille Yarbrough. Sans être ouvertement féministe – car tout est dit dans la présence et la voix des artistes – Voice Noise révèle leur élégance sublimée par un éclairage qui les mène de l’obscurité à la lumière.

Pour sa Cosmologie, Jan Martens invite d’autres artistes…

La Belge Femke Gyselinck, chorégraphe et danseuse, ancienne assistante artistique d’Anne Teresa De Keersmaeker qui a fondé P.A.R.T.S., une école où elle enseigne aujourd’hui. Son langage chorégraphique s’écrit dans une fusion avec la musique qu’illustre Erato, unsolo à la forme performative où exulte son bonheur de danser sur les musiques de Palmistry, Gwilym Gold et Hiatus Kaiyote.

Erato © Robbrecht Desme

Un spectacle présenté en première partie le 29 mars au cours d’une soirée marquée par d’autres temps forts : la projection de L’Infini du cinéaste Lukas Dhont qui filme au plus près la chair de trois personnages (avec deux danseurs de Jan Martens) et un mini-concert au restaurant avec Goska Isphording, une incroyable joueuse de clavecin contemporain.

À noter, le 28 mars, la rencontre inédite entre le chorégraphe et l’écrivain Édouard Louis concoctée en partenariat avec la Villa Gillet.

Voice Noise - Jan Martens – Du 27 au 29 mars à la Maison de la danse

Programme complet : www.maisondeladanse.com

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