François-Noel Buffet, sénateur (LR) du Rhône et président de la commission des lois au Sénat
François-Noel Buffet, sénateur (LR) du Rhône et président de la commission des lois au Sénat @Guillaume Lamy

Buffet sur la laïcité à l'école : "les professeurs se censurent"

François-Noël Buffet, sénateur Les Républicains du Rhône, évoque dans 6 minutes chrono son rapport sur les menaces sur les enseignants.

François-Noël Buffet a planché sur un rapport parlementaire sur les menaces sur les enseignants. Un travail lancé après l'assassinat de Samuel Paty. Le constat posé par le sénateur Les Républicains est accablant. "Les menaces ne sont pas marginales, elles sont même très très présentes, y compris dans l'enseignement professionnel où les professeurs nous disent qu'ils passent 30% de leur temps à faire de l'éducation tout simplement comportementale, des jeunes qui deviennent agressifs à l'égard de leur professeur, des jeunes qui deviennent agressifs à l'égard de leur camarade, ça a toujours existé mais là c'est quand même physique", constate-t-il.

Le rapport sénatorial pointe aussi des atteintes répétées et régulières à la laïcité : "Nous vivons dans un climat en permanence de contestation des contenus de ce que nous enseignons. L'enseignement culturel particulièrement. Un texte particulier sur l'histoire, par exemple, des religions, il peut être contesté. Un texte particulier ou une pièce de théâtre à laquelle les élèves et sa classe vont participer, on l'interroge avant pour savoir qui y aura sur scène, c'est quoi le thème ? Est ce qu'il y aura quelqu'un de dénudé ou pas dénudé ? C'est ce type de comportement auquel ils ont affaire. La question n'est pas tellement le fait pour l'élève d'interroger, de poser la question, de s'interroger sur ce qui est dit par le professeur pour mieux comprendre. On est dans la contestation même du contenu".

La retranscription intégrale de l'entretien avec François-Noël Buffet

Bonjour à tous et bienvenue, vous regardez 6 minutes chrono le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale et aujourd'hui nous sommes avec François-Noël Buffet. Vous êtes sénateur les Républicains du Rhône, on vous a invité pour revenir sur un rapport parlementaire que vous avez co-rédigé sur les menaces qui pèsent sur les enseignants. Menaces qui sont, comment dire, protéiformes, on a vu avec notamment l'assassinat de Samuel Paty puis du professeur à Arras, qu'elles peuvent être terroristes, elles peuvent aussi être physiques au quotidien. Comment vous les qualifieriez, vous, ces menaces ? Est-ce qu'elles sont marginales ou est-ce que ça devient un phénomène de fond ?

Non, elles ne sont pas marginales, elles sont même très très présentes, y compris dans l'enseignement professionnel où les professeurs nous disent qu'ils passent 30% de leur temps à faire de l'éducation tout simplement comportementale, des jeunes qui deviennent agressifs à l'égard de leur professeur, des jeunes qui deviennent agressifs à l'égard de leur camarade, ça a toujours existé mais là c'est quand même, c'est physique je vais dire. Ce n'est pas que physique, c'est aussi des menaces par réseau, par voie de réseau ou des menaces verbales directement, c'est des menaces à l'égard des proviseurs. Non, non, l'ambiance n'est pas bonne, il faut dire les choses telles qu'elles. Et tout ça vient s'appuyer sur un autre phénomène qui est la contestation de la laïcité au sein du collège ou du lycée et qui se traduit très concrètement par le fait qu'aujourd'hui les élèves, pour certains d'entre eux, contestent le contenu de ce que les professeurs enseignent.


Mais ça c'est parce qu'on l'a beaucoup entendu dire, vous vous êtes appuyé sur quoi pour arriver à cette conclusion ?


Alors nous avons les auditions assez traditionnelles des directions générales, très bien, mais on est allé sur le terrain. Nous sommes déplacés, Paris, région parisienne, dans le Rhône. On est allé dans plusieurs lycées et collèges s'entretenir avec les professeurs.


Et qu'est ce qu'ils vous disent ? Qu'est ce qu'ils ne peuvent plus faire ?


On s'est engagé avec eux à conserver l'anonymat naturellement, ce qui fait que ça quand même libérait la parole. Et ils disent les choses suivantes. Nous vivons dans un climat en permanence de contestation des contenus de ce que nous enseignons. C'est vrai pour l'enseignement public, mais c'est vrai également dans l'enseignement privé, avec une intensité qui est moins forte, mais c'est exact. Et donc, pour certains d'entre eux, ils sont inquiets. Alors les professeurs de français, professeurs d'histoire géographique.

Un professeur de français, qu'est ce qu'il y a du mal à enseigner aujourd'hui ?


L'enseignement culturel particulièrement. Un texte particulier sur l'histoire, par exemple, des religions, il peut être contesté. Un texte particulier ou une pièce de théâtre à laquelle les élèves et sa classe vont participer, on l'interroge avant pour savoir qui y aura sur scène, c'est quoi le thème ? Est ce qu'il y aura quelqu'un de dénudé ou pas dénudé ? C'est ce type de comportement auquel ils ont affaire. La question n'est pas tellement le fait pour l'élève d'interroger, de poser la question, de s'interroger sur ce qui est dit par le professeur pour mieux comprendre. On est dans la contestation même du contenu. Ça n'a pas existé. C'est pas vrai. C'est pas ce qu'on nous dit ou ce que mon père m'a dit ou souhaitait, donc on est vraiment dans cet aspect là. Donc c'est très ennuyeux. Et les professeurs, pour certains d'entre eux, se censurent. Ne remettent pas dans leurs cours tel ouvrage, telle pièce de théâtre, telle représentation. Ils font très, très attention à cela. C'est vrai aussi un peu dans les sciences naturelles où il y a des remises en cause aussi qui peuvent être faites. Donc ils sont très inquiets.


Mais vous, les retours que vous avez eus, c'est que face aux difficultés, ils reculent, ils font l'impasse, ils contournent le problème...

Ils se censurent. Ça, c'est clair. Ça, ce n'est pas possible. 


Ça, c'est les, comment dire, les constatations. Quelles sont vos préconisations? Qu'est ce qu'il faudrait faire?

La préconisation, la première, une des premières, c'est celle de partager la conception que l'on a de la laïcité. Il faut que tous les professeurs partagent cette conception. Je veux dire que pour une partie d'entre eux, les plus anciens ont une appréhension de la laïcité à l'ancienne. Et puis, pour les plus jeunes générations, c'est plutôt à l'anglo-saxonne, c'est à dire qu'il y a une phase de tolérance dans la laïcité. Or, aujourd'hui, ça, ça n'est pas possible. Donc, il faut désormais qu'il y ait une uniformisation de l'appréhension de la laïcité. Première chose, des professeurs et du monde éducatif le plus largement possible. C'est à dire qu'il faut associer l'ensemble de l'équipe éducative pour pas que le professeur soit seul.

Parce que le problème, il dépasse largement le cadre de l'école...

Bien sûr. Mais, on était sur l'école puisque c'était dans la période d'analyse post crime de Samuel Paty. Et puis, l'autre aspect qui est très important, c'est de faire comprendre à ceux qui contestent la laïcité qu'en réalité, ça n'est pas une loi qui est faite contre eux, c'est une loi de liberté, la liberté de croire, de ne pas croire, de pratiquer, de ne pas pratiquer. Mais que cette liberté-là, elle s'exerce dans le domaine privé, elle s'exerce pas à l'école de la République.


Ces derniers, et on revient plus sur les menaces physiques, la violence physique, il y a ces dernières heures, ces derniers jours, beaucoup de menaces sur des lycées, notamment en région parisienne, en Île-de-France. Souvent, ces alertes à la bombe ou ces menaces d'attentats, c'était des, comment dire, on va dire, des canulars. La plupart du temps. Est-ce que vous pensez qu'il y a un vrai risque que ce soit plus que des petits plaisantins qui veulent sécher des cours ?


Je ne connais pas la proportion, mais sur des canulars, il peut y avoir un risque, oui. Bien sûr que ça existe. Il faut être très vigilant là-dessus. On teste, la République est testée en permanence. Et donc, la réponse à la laïcité doit être d'une fermeté absolue. Prenez l'exemple de la décision du ministre, de l'éducation de l'époque, de cet été, M. Attal, quand il dit sur l'abaïa, par exemple, c'est interdit, les choses sont claires. L'application s'est faite de façon très calme et très apaisée, à l'exception de quelques familles avec qui ça a été discuté. Il n'y a pas eu de problème. Il faut que les choses soient claires. On défend la laïcité. C'est un principe intangible de notre République. Notre République s'est construite, on est un peu exceptionnel, c'est vrai. C'est construite là-dessus depuis plus d'un siècle maintenant. Et il faut accepter qu'elle soit défendue fermement. À défaut, nous aurons des difficultés. Mais il y a des plaisantins, bien évidemment. Il y a toujours des plaisantins. Mais il suffit qu'au milieu, il y en ait un qui ne le soit pas et on est en difficulté. La République est testée, j'en suis convaincu.

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