Le 3 septembre 1944, les alliés libéraient Lyon de l’occupant nazi. Rafles, bombardements, déportations, assassinats, rationnement, les Lyonnais ont payé un lourd tribut à la guerre. Retour sur les jours qui ont précédé l’entrée des alliés à Lyon.
26 mai 1944, 10 h, les sirènes de la ville se mettent à sonner. Rapidement, les rues se vident. Badauds, commerçants, enfants, tous courent à l’abri dans les caves des immeubles les plus proches. Au loin, par le sud-ouest de la ville, 400 avions américains traversent le ciel. En quelques minutes, un déluge de feu et d’acier s’abat sur Lyon. Le tonnerre des explosions est assourdissant. Au total : 1 500 bombes de 500 kilos s’écrasent à Lyon. Les Américains visaient les voies ferrées et les centres logistiques des nazis. Imprécis, ils ne les atteignent qu’en partie, causant d’énormes dégâts sur les habitations. En une seconde, des immeubles entiers de l’avenue Berthelot et de Vaise sont rasés. Dans les heures qui suivent, le choc est terrible : plus de 1 000 morts et d’innombrables blessés. À Gerland, une bombe est même tombée dans l’abri de l’usine de charcuterie Olida où le directeur avait fait rentrer employés et riverains. 80 morts.
Lancé en préparation des débarquements de Normandie et de Provence, ce bombardement est traumatisant pour les Lyonnais. Entre Rhône et Saône, on le pressent : la guerre arrive à un tournant et derrière, peut-être, la recrudescence de la violence. Après les débarquements des alliés en Afrique du Nord (novembre 1942), en Corse et en Sicile (juillet 1943), la perspective d’une victoire se profile. Avec elle, l’idée d’un nouveau débarquement sur les côtes européennes. Mais où et quand ? Des questions encore sans réponse. Le 5 juin à Lyon, c’est le maréchal Pétain qui vient à la rencontre des familles des victimes et des blessés. La place des Terreaux est comble et la foule l’acclame. “À ce moment, même si la collaboration et Vichy sont largement détestés, la figure du maréchal est rassurante pour beaucoup”, explique Isabelle Rivé, la directrice du Centre d’histoire de la Résistance et de la déportation (CHRD) de Lyon. Ce n’est que le lendemain au soir que la nouvelle du débarquement en Normandie parvient à Lyon.
Malgré l’espoir, aucune scène de liesse, aucun drapeau, car c’est la peur qui l’accompagne. Plus que jamais le joug allemand pèse sur la vie des Lyonnais. En premier lieu, le rationnement sape le moral des familles. Tout le monde se serre la ceinture. Il manque de tout. Seulement 90 grammes de viande par semaine, os compris, pour un adulte. “On pesait le pain à la tranche près”, rapporte Andrée Gaillard, membre de l’Association des rescapés de Montluc. D’ailleurs, avec ou sans les tickets de rationnement, l’étal des commerçants demeure souvent vide. Le marché noir reste trop cher pour une bonne partie de la population. Surnommés “les sauterelles” par les habitants de l’Ain, on voit des Lyonnais à vélo le week-end, prêts à parcourir parfois plus de 50 kilomètres pour aller chercher un peu de beurre et quelques pommes de terre dans les campagnes aux alentours.
Plus encore, l’absence de courriers des prisonniers de guerre, environ 17 000 au total, et des travailleurs forcés envoyés en Allemagne, ne permet pas aux familles de goûter à la joie des avancées des forces alliées, dont elles entendent les nouvelles sur les ondes des radios suisses et anglaises.
Juillet 1944 : la répression s’intensifie
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