Atlas Maroc montagne trail
Ascension finale de l’Atlas Quest @Richard Couret

Ultra-trail : "A l'Atlas Quest, on est dans le jardin de l'Europe"

Le premier ultra-trail du continent africain se tient du 3 au 7 octobre au Maroc, dans le haut Atlas, à quatre-vingt kilomètres de Marrakech. Rencontre avec Cyrille Sismondini, organisateur de l'Atlas Quest by Utat.

En Europe, l'Atlas Quest pourrait probablement accrocher le titre de course la plus haute du continent, les coureurs côtoyant des altitudes rarement traversées par les sentiers européens, autour de 2 400 mètres en moyenne avec un point plafonnant à 3 685 mètres (seul le High Trail Vanoise pourrait rivaliser).

L'Atlas Quest a pour terrain de jeu les majestueuses montagnes du Haut Atlas marocain, et le voisinage du Djebel Toubkal ("celle qui regarde en haut la terre") point culminant de l'Afrique du Nord à 4 167 mètres d'altitude, au coeur du parc national qui porte son nom. Le dépaysement est total.

Cette année, l'Ultra Trail Atlas Toubkal devient l'Atlas Quest by Utat cette année. Derrière cette nouvelle appellation mot, quoi de neuf ?

Sur les quatre dernières années, le Covid a impacté à peu près tous les événements sportifs sur deux ans, et, en septembre 2023, le Maroc a été touché par un séisme meurtrier. D'ailleurs, cette année, nous avons laissé notre équipement et nos bénévoles soutenir les populations locales, montrant ainsi notre proximité avec ce territoire qui avait tout perdu. Au final, l'Ultra Trail Atlas Toubkal n'a pu se tenir qu'en 2022. Cela nous a beaucoup fait réfléchir sur notre capacité à porter l'événement, mais aussi sur cet acronyme – U-T-A-T – qui existe depuis la création, en 2009. A l'origine, l'idée était de rentrer dans une dynamique, afin de ne pas être trop à la marge de tout ce qui se faisait en terme d'ultra. Aujourd'hui, surtout avec le lancement de l'UTMB World Series, on s'est dit que le U-T (pour ultra trail), nous assouvissait et nous assimilait trop à ce circuit. Or, ce n'est pas ce qu'on cherche, notre événement ne s'inscrivant pas vraiment pas dans cet esprit. Il fallait donc réfléchisse plus profondément à notre identité. Or, notre identité c'est l'Atlas. On a donc, bien évidemment, conserver le mot "Atlas" au centre du nom de l'événement, auquel on a associé le mot "Quest" parce que, en plus de ma quête personnelle en tant qu'organisateur qui souhaite participer à la dynamisation économique du territoire, il y a la quête des coureurs qui, au-delà de leur propre défi sportif, y trouvent un moyen de se ressourcer, de retrouver des valeurs simples et des émotions, loin des tumultes de leurs vies européennes. On s'est donc réinventé pour être plus proche de nos valeurs fondamentales. L'anglais « quest » permet de créer un événement de renommée mondiale pour initier les coureurs de trail du monde entier à un massif d'une beauté rare et de faire de cet évènement une expérience de vie inoubliable.

Le site de l'Atlas Quest évoque plus qu'une simple course. Comment la définiriez-vous ?

C'est difficile de trouver les mots justes qui nous caractérisent. L'Atlas Quest dépasse le défi d'une course d'ultra-trail. C'est un événement ancré dans un lieu intemporel, un lieu où les souvenirs ont un sens profond. Au-delà de l'effort physique, c'est une connexion profonde avec le territoire, un plongeon dans l'émerveillement des couleurs ocres, d’une lumière éclatante et des parfums envoûtants de l’Atlas. C'est une expérience rare, une immersion dans la beauté de l’Atlas, un instant de vie comme il en existe peu, un monde de silence et de contemplation, celui où on se retrouve avec soi-même, où chaque pas est une découverte et chaque soirée, passée au sein du camp, renforce les liens entre participants et avec la terre accueillante qui nous rassemble.

Atlas quest montagne Maroc ultra-trail
Atlas Quest, ascension finale @ Sochhhhhhhh

Quel bilan dressez-vous après toutes ces années ?

La première idée qui me vient, c'est de dire qu'on a le cuir bien tanné, parce qu'en quinze ans ans, on ramasse pas mal, si je puis dire, pour mettre sur pied un tel évènement. Un événement, pour qu'il soit pérenne, est un modèle économique. Généralement, il s'établit sur trois piliers : l'engagement des coureurs, l'engagement des territoires et des collectivités locales et les partenaires. Nous, depuis quinze ans, on fait vivre un événement avec une seule jambe, c'est-à-dire l'engagement des coureurs. On n'a pas un sponsor ni un engagement du territoire, où à la marge. Je n'ai pas réussi à créer cette dynamique territoriale, à faire comprendre l'opportunité que l'Atlas Quest peut représenter, bien qu'on ait eu des belles retombées médiatiques, des coureurs élites et des grands noms (Andy Simonds, Julien Chorier, Jules-Henri Gabioud, Andrea Huser, Guillaume Beauxis, Rachid El Morabity....) et qu'on est le premier employeur de la région de l'Oukaïmeden, où se passe l'Atlas Quest, à soixante-dix kilomètres de Marrakech. Et pourtant, on est dans le jardin de l'Europe, finalement, très accessible, et le Maroc est la première destination à l'étranger des Européens. Si on rajoute à cela ce marché, l'Europe, qui est le premier marché mondial du trail, cette proximité dans un massif différent, nouveau, ça doit matcher.

Lire aussi : Atlas Quest, premier ultra-trail du continent africain

Quel est le budget de l'Atlas Quest (cinq formats de course, du 12 km – 600 D+ au 105 km - 8 000 D+) ?

120 000 euros, soit 1,3 million de dirhams. On fait de la magie parce que notre seule source de revenus, ce sont les inscriptions des coureurs.

Quelles sont les ambitions de l'Atlas Quest pour les années à venir ?

Ce sont les sponsors. On s'aperçoit qu'entre le moment où on a créé l'évènement et aujourd'hui, le marché du trail, qui est un marché économique, s'est extrêmement professionnalisé. Et le ticket d'entrée pour un organisateur est très élevé. La qualité du produit n'est pas suffisante. Aujourd'hui, le bouche-à-oreille est pratiqué mais n'a pas beaucoup d'écho. Qu'est-ce qu'il te faut aujourd'hui : un gros voyage de presse, être présent sur les réseaux sociaux, une forte stratégie de marketing digital mais tout cela est consommateur d'énormément d'argent. Que nous n'avons pas. On a de bonnes idées, on a des bénévoles, on a beaucoup d'énergie mais on n'a pas l'argent nécessaire. C'est-à-dire que quand il faut faire une campagne, c'est 30 000 euros, et on ne les a pas.

Donc quelle est l'idée ?

L'enjeu, ce sont les partenariats, le sponsoring. Les coureurs suivront. Je suis convaincu que notre identité intéressera les sponsors. En termes de valeur et d'image, il y a tellement de choses à faire. Et puis du point de vue shooting ce n'est pas plus beau qu'ailleurs mais c'est différent. Une marque qui, demain, vient faire une campagne de shooting par exemple, assoit son identité. On va finir par réussir à aller les accrocher. Mais un quand on a des contacts c'est difficile et puis, beaucoup suivent la masse et les grandes marques font comme ça.

Seul dans l'immensité de l'Atlas @Richard Couret

Il y a quelques années, vous aviez porté la candidature de l'UTAT (nom de l'époque) pour accueillir les championnats du monde de trail le premier en Afrique. Est-ce encore d'actualité ?

Oui. On pense qu'on a vraiment la place puisqu'on est à proximité du premier marché de trail. On propose un terrain vraiment particulier, vraiment incroyable. Et, en plus, je pense que les institutions internationales gagneraient à dire qu'elles l'organisent en Afrique : ça parle d'inclusion. On ouvre les portes de l'Afrique.

Comment s'organise un événement comme l'Atlas Quest ?

Il faut savoir que toutes les courses se déroulent en moyenne à 2 4 00 m, avec un point culminant à 3 690 m – en Europe, ce serait la course la plus haute ?! Un détail qui caractérise notre organisation : la logistique (2,5 tonnes de ravitaillements et de matériel médical) est gérée par des mules et leurs muletiers, 120 au total. On est loin des axes de circulation contemporains, on découvre les azibs (abris de bergers en pierres sèches) et les petites maisons des douars (petits villages) qui semblent totalement hors du temps, parsemées ici et là dans ce vaste désert d’altitude. L'Ultra Trail, le format le plus long, parcourt notamment une des zones de montagne les plus sauvages et isolées du Haut Atlas et ne disposant d’aucune infrastructure (téléphone, routes, électricité, ...).

atlas montagne marcos cours d'eau
La descente, longue et directe, se fait en deux temps. D’abord, du col jusqu’au fond de la vallée, puis en descendant le lit de la rivière jusqu’à un petit col magique. Ce col permet de découvrir le fameux Azib Likemt, un point de ravitaillement (Solide/Liquide), et un poste médical avancé pour une pause réparatrice (CP10 km68 – Alt 2 564m – Dénivelé cumulé 4 780m D+ et 4 810m D-) @Max Draeger

Comment l'Atlas Quest participe à la promotion du territoire ?

Il faut savoir que 75% du budget de l'organisation est directement injecté sur le territoire. Sur le plan économique, on est le premier acteur et le premier employeur de la région de l'Oukaïmeden. On a 120 bénévoles qui viennent de France et d'Europe et tout ce qui est opérateur marocain, à peu près 120 personnes, est évidemment rémunéré. Il faut savoir que pour un événement de quatre jours, ce sont 596 jours de travail cumulé pour les intervenants locaux.

Quel regard portent les habitants sur l'événement ?

Ils sont contents qu'on vienne sur leur territoire. Ils sont très fiers de ce territoire. Et du coup, quand ils voient des yeux qui brillent, quand ils entendent des témoignages exaltés, évidemment ça leur renvoie un grand bonheur et une immense satisfaction.

Les paysages à couper le souffler de l'Atlas Quest, 1er ultra-trail du continent africain, au coeur du Haut Atlas @Photo-A.-Errihani

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