David Kimelfeld : "l'enjeu du nouveau Front Populaire, c'est de s'ouvrir"

David Kimelfeld, conseiller municipal à Lyon et métropolitain, est l'invité de 6 minutes chrono.

Ancien patron du PS du Rhône, puis président macroniste de la Métropole de Lyon, David Kimelfeld est sur le chemin du retour au bercail depuis deux ans. Pour les élections législatives, il a soutenu le Nouveau Front populaire. La victoire toute relative de la gauche le rassure. Il se félicite surtout de la défaite du Rassemblement national : "c'est un soulagement pas tant la victoire du Nouveau Front Populaire, en tout cas ce n'est pas ma première réaction, c'est un soulagement que le Rassemblement National ait quelque part perdu ses élections. Je pense qu'on serait ce matin dans un état catastrophique si le RN avait une majorité absolue ou une majorité relative, ce n'est pas le cas, il faut non pas s'en réjouir mais en tout cas être soulagé".

S'il appelle le Nouveau front populaire à gouverner, il les invite toutefois à s'ouvrir et à trouver des compromis avec les députés Renaissance : "il y a quelque chose à inventer dans ce pays qui n'a jamais été, finalement, ce qu'a essayé de faire, enfin ce que souhaitait faire Emmanuel Macron, mais qu'il n'a jamais fait, c'était aussi cette recherche. Je rappelle qu'il y avait une majorité relative des députés Renaissance et de la majorité présidentielle, mais à vouloir sans cesse ne pas accepter un certain nombre d'amendements, d'évolutions sur des propositions de loi, on n'est jamais arrivé à trouver cette majorité relative élargie, c'est l'enjeu du nouveau Front Populaire, c'est de s'ouvrir, ça va être compliqué, ça ne va pas être simple, il ne s'agit pas simplement de dire, comme j'ai entendu hier soir, on va appliquer notre programme, c'est totalement illusoire, ce n'est pas avec moins de 200 députés qu'on le fait, donc il va falloir faire des concessions, trouver des consensus, c'est une nouvelle façon de gouverner".

La retranscription intégrale de l'entretien avec David Kimelfeld

Bonjour à tous et bienvenue, vous regardez 6 minutes chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale et on continue de tirer les grands enseignements du second tour des élections législatives. Aujourd'hui nous accueillons David Kimelfeld. Vous êtes conseiller métropolitain, conseiller municipal, vous avez appartenu à une époque à la majorité présidentielle renaissance avant de prendre vos distances, à tel point que vous étiez d'ailleurs un soutien du Nouveau Front Populaire pour ces élections Est-ce que vous imaginiez que le film, si je puis parler ainsi, se finirait comme ça avec une victoire certes très relative du Nouveau Front Populaire ?


Non je n'imaginais pas ça, simplement je pense que d'abord il faut constater que c'est d'abord un véritable soulagement, c'est un soulagement pas tant la victoire du Nouveau Front Populaire, en tout cas ce n'est pas ma première réaction, c'est un soulagement que le Rassemblement National ait quelque part perdu ses élections. Je pense qu'on serait ce matin dans un état catastrophique si le RN avait une majorité absolue ou une majorité relative, ce n'est pas le cas, il faut non pas s'en réjouir mais en tout cas être soulagé. Pour autant, ce n'est pas parce que le thermomètre est monté un peu moins en température qu'il faut ignorer la maladie en quelque sorte et je pense que celles et ceux qui auront en charge les affaires de l'état dans les prochaines semaines devront avoir à cœur de répondre, en tout cas d'être attentifs à finalement ces 30% de gens qui ont continué à voter RN.


Mais est-ce que la gauche elle peut leur répondre à ces électeurs, puisqu'on voit il y a quand même une porosité assez forte entre ces deux électorats là, qu'est-ce que la gauche elle peut dire à un électeur du RN ?


Je crois qu'il faut d'abord prendre en compte un certain nombre de malaises, on l'a évoqué, la sécurité est un sujet, l'absence de services publics, ce sentiment d'être abandonné dans des endroits où on a l'impression d'être dans un désert et sans perspective. Il faut, parce que c'est le nouveau Front Populaire qui aujourd'hui, en tout cas la coalition la plus importante à l'Assemblée Nationale, puisse faire des propositions, bien évidemment pas seule, parce que vous l'avez vu il y a trois blocs, donc ce n'est pas le nouveau Front Populaire qui tout seul va imposer un programme, il faudra s'ouvrir. Moi j'ai entendu hier soir un certain nombre de responsables politiques du nouveau Front Populaire, je pense notamment à Yannick Jadot, je pense à Marine Tondelier qui ont été plutôt dans quelque chose qui a été une ouverture et je pense qu'il va falloir travailler dans cette perspective là et d'aller convaincre peut-être à leur projet par projet, est-ce que c'est une coalition, est-ce que c'est projet par projet, pour pouvoir avancer et répondre aux questions, pas simplement des électeurs et électrices du RN, mais à l'ensemble des problèmes qui sont posés aujourd'hui, parce qu'on l'a vu, dans tous les cas, il y a un rejet de ce qui s'est fait.

Est-ce qu'on ne peut pas voir cette victoire relative du nouveau Front Populaire finalement, peut-être comme un cadeau empoisonné, puisque ce serait plutôt à eux de former un gouvernement, de gouverner, mais avec une majorité aussi faible, est-ce que ce n'est pas se condamner à aller dans le mur avec à l'automne un vote du budget, par 49-3, ou pas de vote du budget, ce qui serait une situation totalement inédite en France, est-ce que la France est gouvernable ?


Il faudra qu'elle soit gouvernable, même avec moins de 200 députés, il y a quelque chose à inventer dans ce pays qui n'a jamais été, finalement, ce qu'a essayé de faire, enfin ce que souhaitait faire Emmanuel Macron, mais qu'il n'a jamais fait, c'était aussi cette recherche. Je rappelle qu'il y avait une majorité relative des députés Renaissance et de la majorité présidentielle, mais à vouloir sans cesse ne pas accepter un certain nombre d'amendements, d'évolutions sur des propositions de loi, on n'est jamais arrivé à trouver cette majorité relative élargie, c'est l'enjeu du nouveau Front Populaire, c'est de s'ouvrir, ça va être compliqué, ça ne va pas être simple, il ne s'agit pas simplement de dire, comme j'ai entendu hier soir, on va appliquer notre programme, c'est totalement illusoire, ce n'est pas avec moins de 200 députés qu'on le fait, donc il va falloir faire des concessions, trouver des consensus, c'est une nouvelle façon de gouverner, mais il faudra bien le faire, sinon c'est un pays qui est à l'arrêt pendant plus d'un an en attendant une prochaine dissolution, et au vu des enjeux, au vu du vote du Rassemblement National, d'un certain nombre d'autres, il faut s'occuper des problèmes, il faut les affronter, et c'est la responsabilité de celles et ceux qui aujourd'hui sont arrivés en tête aux élections législatives.


Vous qui connaissez ces deux grandes familles, la famille on va dire macroniste et celle du Nouveau Front Populaire, est-ce que vous voyez des passerelles qui pourraient être tendues ? Est-ce que vous trouvez des textes de loi où vous dites, là-dessus on peut trouver une majorité ? Est-ce que vous voyez des points de convergence ?

D'abord, il y en a déjà eu, et il faudra qu'il y en ait, parce qu'on ne peut pas se résoudre à avoir un pays qui n'avance pas, et donc moi j'imagine assez bien, en tout cas, que sur un certain nombre de textes de loi, effectivement, on trouve des pistes, mais il faudra pour ça que chacun fasse un pas en avant, et je pense que la solution réside en la recherche de ce consensus-là, bien évidemment.


Quand on regarde les résultats à Lyon et dans la métropole de Lyon, ça montre quand même une victoire, là pour le coup, très nette, elle est absolument parlative de la gauche, ce grand chelem lyonnais, puisque Anne Brugnera et Thomas Rudigoz, les députés sortant de la majorité présidentielle, ont été battus, est-ce qu'il vous surprend ou est-ce que ça montre finalement une bascule politique définitive peut-être de la ville de Lyon à gauche ?

Il n'y a jamais de bascule définitive, mais ce qu'on constate, c'est que d'abord, Lyon n'est pas une île perdue au milieu du reste, parce que dans toutes les grandes agglomérations, dans toutes les grandes villes, on constate les mêmes résultats, et même si on élargit le focus, dans l'Europe, on constate que la gauche est très présente et progresse dans les grandes villes, donc c'est effectivement, ce que ça montre surtout et ce qui est à travailler, c'est une véritable rupture entre les grandes villes et le périurbain et la ruralité, et c'est là où il y a une responsabilité particulière d'un futur gouvernement, c'est de s'occuper aussi de ces territoires qui aujourd'hui se sentent isolés, se sentent sans perspective.

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