Selon le denier décompte de l'association Jamais Sans Toit, 86 familles dorment à la rue. A Lyon, une famille afghane se trouve sans solution d'hébergement malgré un enfant malade et des conditions de vie extrêmement difficiles.
Des effluves de café émanent de la tente à peine ouverte. La boisson est encore chaude, tout juste servie par des bénévoles au cours d'une maraude organisée les dimanches après-midi. Amia*, une quarantaine d'années, maman de six enfants - trois fils et trois filles, âgés de 7 à 16 ans - slurpe le jus et guette les vas-et-viens des passagers, valises en main. La gare Part-Dieu se trouve à quelques pas. Voilà plus d’un mois que cette famille, originaire de l'Afghanistan, est arrivée à Lyon. Sans situation d'hébergement, les deux parents et leurs six enfants dorment dans une tente trois places. La promiscuité rend leur quotidien difficile. Dans cet habitat improvisé, des paquets de chips, des livres pour apprendre le français et des couvertures infestées par les punaises.
Quatre enfants souffrent de démangeaisons douloureuses et les plaques se multiplient sur leurs avant-bras et leur dos. Aux conditions extrêmement précaires s’ajoute l’insécurité. Les nuits passent comme des mois depuis qu’une personne s’est introduite dans la tente en pleine nuit pour voler une couette. Amia a alors cousu un tissu sur l'extérieur de la tente pour alerter la famille en cas d'intrusion soudaine. Désespéré par cette situation, le père de famille lance un appel à l’aide. Dans une longue lettre détaillant leur périple, il écrit : “Je m’appelle Safi* et j’écris au nom de ma famille, composée de huit personnes, dont ma femme, mes trois filles et mes trois fils . Notre situation à Lyon est désastreuse."
De l’Afghanistan à Lyon, un parcours du combattant
La famille quitte l'Afghanistan en août 2021. “La vie est devenue de plus en plus dangereuse pour moi en tant qu’ancien membre de l’armée afghane. Face aux multiples menaces des Talibans, nous n'avons eu d’autre choix que de fuir”, confie Safi. “Notre périple jusqu’à la Guyane a été semé d’embûches”, ajoute t-il. Avant d’arriver à Lyon, la famille se rend au Pakistan et au Brésil, puis en Guyane. “Là-bas, nous avons pu traiter notre demande d’asile auprès des services compétents. Nous avons bénéficié d'un hébergement temporaire auprès du Samu social et la vie semblait s'améliorer.”, avance le père de six enfants. Un répit de courte durée. Le 29 février 2024, Safi reçoit une notification du Samu social indiquant que leur contrat de logement prend fin.
Malgré la recherche assidue et continue de Safi, la famille se heurt à un obstacle majeur : les bailleurs exigent un contrat de travail et une preuve de paiements antérieurs. “En tant que réfugié, je n’avais pas ces documents, ce qui rendait très difficile l’obtention d’un logement locatif. Avec seulement cinq jours pour trouver un nouveau logement, la situation est devenue de plus en plus compliquée.”, relève l’ancien membre de l’armée afghane. Sans résolution en vue, la famille quitte la Guyane et arrive à Lyon le 11 juin 2024.
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“Son palais est encore ouvert et nécessite des interventions chirurgicales”
A Lyon, le désespoir creuse un peu plus les inquiétudes de Safi. “Nous vivons actuellement dans la rue, sous une tente devant la gare Part-Dieu, à côté de la bibliothèque. Nous avons du mal à trouver de la nourriture et à accéder aux toilettes. Ma plus jeune fille est très malade et doit subir de multiples interventions chirurgicales. Nos conditions de vie actuelles exacerbent ses problèmes de santé”, confie l’homme. La petite fille souffre de la fente labiale et palatine (malformation du visage) depuis sa naissance. Après plusieurs opérations en Afghanistan et en Inde sans succès, l’état de santé de Asifa s’est dégradé. “À ce jour, son palais reste ouvert, ce qui lui cause des difficultés pour manger et boire. Elle a du mal à prononcer certains mots correctement, ce qui nous peine beaucoup.”, raconte l'Afghan.
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Garantir le droit d'hébergement, une question de santé publique
Après de multiples appels du service d'urgence, sans solution concrète, et alors que les hébergements sont saturés, la famille reste en attente d’une solution de relogement. Dans un contexte déjà précaire, la Métropole ne prend plus en charge de nouvelles nuitées d’hôtel pour les publics sans-abris qu’elle accompagne, dont des femmes isolées avec enfants de moins de trois ans. Le vice-président en charge du logement, Renaud Payre, avait affirmé au Progrès, qu’en raison d’une “situation budgétaire contrainte”, la collectivité a pris la décision de suspendre les nouvelles entrées.
En début d’année, la préfecture a annoncé l’ouverture de 300 nouvelles places d’hébergement d’urgence sur la métropole de Lyon. Un dispositif jugé “insuffisant” pour les collectifs. Plusieurs acteurs de la santé (Médecins du Monde Auvergne Rhône Alpes, Pass (permanence d’accès aux soins de santé) mobile, Alliance, EMPP Interface SDF, EMSP Oppelia Aria) tirent la sonnette d’alarme et appellent à garantir le “droit de toute personne à être hébergée et aux plus vulnérables à être protégés, conformément à la loi. C’est une question de santé publique et de cohérence politique.” A Lyon, au 1er juillet 2024, 143 enfants dorment à la rue selon le dernier décompte de l'association Jamais Sans Toit.
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*les prénoms ont été modifiés.
Elle retourne dans leur pays, basta!
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