"Notre société politique pousse à l'infantilisation"

Serge Bérard, maire de Brignais, appelle à une décentralisation radicale de la société, qui "pousse à des comportements qui ressemblent à ceux d’adolescents envers leurs parents".

"A ce stade, plutôt que de s’écharper sur des projets qui n’ont aucune chance d’être mis en œuvre, puisqu’ils n’obtiendront pas de majorité, nos parlementaires seraient bien inspirés de travailler sur l’évolution de nos institutions."

Sur le plateau de "6 minutes chrono", le maire (DVD) de Brignais, Serge Bérard, appelle à une décentralisation radicale. "L’Etat donne le sentiment de ne pas avoir confiance dans le peuple, pas plus que dans les élus territoriaux, centaines de milliers d’élus compétents et impliqués, réellement représentatifs de notre société. Il est dirigé par de brillants énarques, hauts fonctionnaires, qui deviennent souvent des politiciens, tous issus des mêmes filières, formatés pour avoir raison et tout décider de Paris. Il doit se désengager et confier aux territoires, selon un principe simple de subsidiarité, tous les sujets qui peuvent être traités par d’autres strates (régions, départements, communes)."

Et d'ajouter : "rapprocher les décisions politiques du citoyen contribuera à restaurer la confiance des Français envers notre système politique."


La retranscription intégrale de l'entretien avec Serbe Bérard, maire de Brignais

Bonjour à tous et bienvenu dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd'hui Serge Bérard. Bonjour.

Bonjour Guillaume Lamy.

Serge Bérard, vous êtes maire de Brignais. Le Premier ministre, Michel Barnier, a été nommé jeudi 5 septembre par Emmanuel Macron, notamment parce qu'il estimait qu'il avait le moins de chances d'être rejeté par les députés qui ont été élus en juillet. Est-ce que vous partagez ce point de vue ?

Bien sûr. Je pense qu'on aurait pu y penser déjà, ça fait deux mois qu'on est sur le sujet. Je pense que Michel Barnier fait partie des rares solutions possibles dans ce contexte pour aller au moins vers le vote d'un budget qui est indispensable aux fonctionnaires.

Faites-vous partie des 74% de Français qui estiment que Emmanuel Macron n'a pas tenu compte des résultats des législatives ?

De toute façon, quel que soit le choix, on pourrait toujours dire qu'il n'a pas tenu compte du résultat des législatives. On peut être satisfait du choix, à partir du moment où c'est sur le fond, puisqu'il n'y a pas de majorité désormais. Donc, il ne peut contenter personne, en fait, par son choix. Donc, c'est un choix de bon sens pour essayer, malgré tout, d'avoir un homme d'expérience capable de mettre en place les conditions d'un accord sur un budget.

Dans cette situation exceptionnelle, on le rappelle. Justement, vous parliez de majorité, alors selon vous il n'y aura aucun projet du gouvernement qui pourra être mis en oeuvre parce que de toute façon il n'y aura pas de majorité.

En fait, je crois que quand on gère une organisation, quelle qu'elle soit, en particulier dans le champ politique, il faut prendre les choses telles qu'elles sont. La réalité du monde, aujourd'hui, c'est qu'il n'y a pas de majorité. Mettre les chances de son côté c'est réfléchir à l'avenir. Est-ce que dans un an ,lorsque l'Assemblée sera dissoute, parce qu'on peut imaginer que ça sera le cas, est-ce qu'on aura une majorité ? Est-ce que la société française aura changé ? Je ne crois pas. Je suis étonné de voir à quel point on se focalise sur la question. Bien sûr, il faut répondre, vous l'avez dit avec Michel Barnier, on répond à une question, celle du court terme et du gouvernement mais à moyen terme. Est-ce qu'on va rester dans cette situation où finalement on n'a pas de majorité donc pas de ligne politique cohérente ? Ça n'existe nulle part.

Et alors justement vous, sur le moyen terme et le long terme, vous appelez notamment à une décentralisation radicale. Alors c'est vrai qu'il y a eu des lois de décentralisation. Aujourd'hui dans les faits et cette décentralisation radicale ça veut dire quoi ? Ça veut dire un élargissement des compétences sur les collectivités locales notamment ?

Je pense que notre société, et l'État en particulier, est toujours engorgé, il est submergé. Tout repose sur un président de la République, sur un État qui fait tout, qui sait tout. Alors qu'en réalité, sur le territoire, on a plein de gens compétents. Quand je le vois, avec mon administration à Brignais, tous les fonctionnaires, on peut le voir au niveau du département, au niveau de la région, on peut aujourd'hui faire confiance au peuple et faire confiance à nos territoires. Ce qui n'est pas assez fait quand on se compare avec d'autres pays comme l'Allemagne par exemple où près du double des budgets sont gérés en maîtrise d'ouvrages par les collectivités locales.

Oui il y a un système en Allemagne de länders...

Oui, mais nous on a des régions et on a les compétences.

Des régions comme Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur poussent pour élargir leurs compétences, notamment sur la sécurité. Ça, typiquement, par exemple, la sécurité elle pourrait être un peu partagée ?

Bien sûr. La sécurité est un enjeu majeur. On voit que l'État, là aussi, est souvent dépassé. O peut prendre l'éducation, on peut prendre la santé, on peut prendre beaucoup de secteurs où, en appliquant le principe de subsidiarité, c'est-à-dire où prendre les décisions de la façon la plus pertinente et la plus efficace, on pourrait balayer tous les secteurs. On s'apercevrait qu'on a beaucoup à faire en matière de décentralisation en s'appuyant sur les compétences. Et je suis convaincu que c'est un axe aussi de réduction des coûts.

Comment finance--ton cette décentralisation radicale ? Pour le moment il y a les dotations globales de fonctionnement, qui sont versées par l'État.

Ça veut dire qu'il faut repenser aussi la fiscalité. Qu'est-ce qu'on alloue au territoire ? Alors moi, je n'ai pas toutes les réponses. Mais je pense qu'aujourd'hui il y a une opportunité, finalement, cette situation politique exceptionnelle de blocage devrait conduire tous les leaders politiques à se mettre autour de la table et à réfléchir à nos institutions.

On a vu que c'était quand même compliqué pour les leaders politiques de se mettre autour de la table quand même.

Oui je sais. Donc peut-être que c'est un peu une bouteille à la mer ce discours mais il y a aussi aujourd'hui des femmes et des hommes qui y pensent. Je soutiens l'initiative et je me sens proche de quelqu'un comme David Lisnard, est président des maires de France aujourd'hui qui a cette vision de la décentralisation, la vision de dire "faisons confiance aux Français". On peut se responsabiliser aujourd'hui. La société telle qu'elle est construite, cette société politique infantilise. Les maires n'ont pas toute l'autonomie qu'ils devraient avoir. Aujourd'hui, vous savez, par exemple, ce n'est pas nous qui payons. On déclenche la dépense mais on ne paye pas. On est sous contrôle et ça coûte cher tout ça en fait.

Donc s'engager vers une démarche de décentralisation, finalement, c'est revoir nos institutions, c'est ce que vous dites.

Oui je pense qu'il faut oser. Le général de Gaulle, à un moment où il fallait sortir de la colonisation, on avait la guerre de l'Algérie, face à une situation bloquée, a proposer une réponse intelligente à un moment donné. Aujourd'hui, on a une situation de même nature du point de vue institutionnel, même si le contexte n'est pas aussi grave. Quoi que. Et donc sachons nous remettre en cause. C'est la moindre des choses.

En tout cas situation exceptionnelle réponse exceptionnelle. C'est ce qu'on verra en tout cas avec Michel Barnier qui continue ses négociations. Merci Serge Bérard d'être venu sur le plateau de 6 minutes chrono et je vous dis à très bientôt pour de nouvelles aventures, pour un nouveau 6 minutes chrono. Allez au revoir.

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