Photo virtuelle de la rue Joseph Serlin, jouxtant l’Hôtel de Ville de Lyon ©Folia
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Piétonnisation : Lyon se ferme-t-il ?

Projet phare de la majorité écologiste à la tête de la Métropole et de la Ville de Lyon, l’“Apaisement de la Presqu’île”, qui prévoit une piétonnisation d’une grande partie du cœur de Lyon, interroge, au-delà de faire consensus, la question de son attractivité, sur fond de risque d’évoluer en Vieux-Lyon bis.

En un sens, il s’agit bien d’une fermeture du centre-ville, seuls certains usagers, les “ayants droit”, pouvant y accéder. “On est en train, quelque part, de faire du centre de Lyon une zone réservée”, jauge Yves Crozet, économiste des transports à Sciences Po Lyon. D’un autre côté, soutient Sébastien Bourdin, professeur de géographie économique à l’EM Normandie Business School, “c’est clairement le sens de l’histoire”.

Le grand projet “Apaisement de la Presqu’île”, premier axe de l’opération globale “Presqu’île à vivre”, qui prévoit en parallèle le réaménagement de la rive droite du Rhône, est en passe de voir le jour. Si les écologistes réfutent le terme de piétonnisation, de peur de se mettre à dos une partie des Lyonnais, ce qui est pourtant aujourd’hui le cas, les contours du projet parlent d’eux-mêmes. D’ici 2025, neuf kilomètres de rues seront réservés aux piétons, soit la plupart des voies de l’hypercentre. Seuls quelques axes traversants resteront accessibles aux voitures comme la rue de la Barre, les voies sur berges Saône et Rhône ou les trémies de Perrache. L’outil de régulation des circulations motorisées prendra la forme d’une zone à trafic limité (ZTL), délimitée par des bornes, et dont l’accès sera contrôlé par vidéosurveillance. Le périmètre de près de 170 hectares s’étendra du bas des pentes de la Croix-Rousse – à la limite de la rue des Capucins – au nord de la place Bellecour.

La rue Ferrandière, dans le 2e arrondissement, au niveau des rues Grôlée et Président Carnot, sera bornée dans le cadre du projet Apaisement Presqu'île. @GL

Patte blanche

Dès le 1er juin 2025, il faudra donc montrer patte blanche pour pouvoir entrer dans le centre en voiture, en utilitaire, à moto ou en scooter. Seulement trois catégories d’usagers, ceux qui auront un accès permanent, occasionnel ou logistique, seront tolérés sur deux plages horaires. Le matin, l’apaisement sera “minimal”, les bornes escamotables abaissées pour “faciliter les livraisons et les accès logistiques à l’intérieur du périmètre”, précise la Métropole. Pendant ce temps, les riverains, commerçants, artisans, taxis, professions médicales, services d’urgences ou les visiteurs résidents qui se rendent en Presqu’île pour un rendez-vous médical ou le retrait d’une marchandise en magasin pourront circuler librement. L’après-midi, l’apaisement sera “maximal”, les bornes relevées, seuls les usagers bénéficiant d’un badge et d’une plaque d’immatriculation pré-enregistrée seront autorisés. Les livreurs seront, quant à eux, persona non grata et les visiteurs occasionnels devront présenter un justificatif pour motif exceptionnel.

Il reste cependant encore des modalités à définir avant la mise en place de la ZTL : qui peut bénéficier d’un accès permanent ? Comment identifier les véhicules autorisés (badges, reconnaissance automatique des plaques d’immatriculation ?) ? Quels seront les motifs justifiant un accès occasionnel ? À quelle heure précise doivent se relever les bornes ? Comment la ZTL fonctionnera-t-elle les week-ends ? La consultation publique, lancée à la mi-juin et qui s’achève le 11 octobre, doit permettre à la Métropole d’“identifier des situations particulières pour en tenir compte avant la mise en place”. L’arbitrage sera communiqué au début de l’année prochaine.

Données fournies à Lyon Capitale par Lyon Parc Autos (LPA) (aôut 2024)

Transit, mécanique des fluides

“Les Lyonnais pourront bénéficier d’une amélioration réelle du confort d’usage (...). Ce projet d’apaisement nous permettra de rééquilibrer et mieux partager les espaces publics”, assure Grégory Doucet, le maire de Lyon, à qui la maîtrise d’ouvrage a été transférée par la Métropole en début d’été. 42 000 m2 d’espaces publics seront ainsi requalifiés (élargissement de trottoirs, végétalisation) pour assurer plus d’espace aux piétons et couper court à cette “ambiance urbaine dégradée, saturée par la présence de l’automobile”, sermonne la Métropole. Le Grand Lyon avance le chiffre de 425 000 déplacements quotidiens générés vers et depuis la Presqu’île, dont 20 % en voiture (soit 85 000), quand les flux internes avoisinent 120 000, avec 3 % de part automobile (soit 3 600)*. Selon les prévisions des écologistes, la ZTL devrait permettre de réduire de 20 % le trafic automobile dans cette partie de la ville, avec l’objectif de supprimer totalement le trafic de transit.

Mais comme en physique, la Presqu’île 2.0 sera confrontée à la mécanique des fluides. “Un petit changement ici peut avoir un impact énorme sur le fonctionnement global, expliquait en septembre 2020 Jean-Yves Toussaint, directeur du LabEx IMU, dispositif pluridisciplinaire centré sur la ville. Ainsi, lorsque vous réduisez une chaussée pour à la fois faire circuler un tramway et limiter les flux d’automobiles, le sous-système de mobilité automobile va tendre à se réorganiser, et les automobilistes mobiliseront de nouvelles voies de circulation, occasionnant de nouvelles gênes (bruit, pollution, bouchon, etc.) dans d’autres quartiers, qui entraîneront de nouvelles actions correctives de limitations de la circulation, etc.” Les écologistes parient sur une évaporation du trafic. Bruno Bernard, le président de la Métropole, mise sur le report de 20 à 30 % des automobilistes. Rien n’est moins sûr au demeurant.

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