Pour ses 30 ans, Lyon Capitale a choisi 30 couvertures qui ont marqué ces trois décennies. Où l'histoire du petit hebdo de copains devenu le grand magazine de Lyon.
En 1994, naissait un petit hebdomadaire sur les pentes de la Croix-Rousse qui fit le pari que notre agglomération pouvait jouer dans la cour des grands. Barcelone, Milan, Londres, Berlin… Qui aurait pu imaginer, il y a 30 ans, que Lyon pouvait rivaliser avec les grandes métropoles européennes ? Pour ce numéro anniversaire, nous jetons un œil dans le rétroviseur en évoquant, à travers 30 couvertures de notre journal, les événements ayant marqué ces trois dernières décennies et qui ont participé à la mutation de notre ville.
1994
“Une place au Solaar”. L’accroche sur la couverture du premier numéro – à l’occasion de la venue de la star du rap français à Lyon en octobre 1994 – résonne rétrospectivement comme une ambition. Celle de cette jeune équipe à l’origine de la création de Lyon Capitale, qui rêvait de se faire une place dans le paysage médiatique en France, face à l’hégémonie parisienne.
“Nous avons participé à la Movida de Lyon”, se rappelle Jean-Olivier Arfeuillère [lire entretien page 38], qui, avec une poignée de copains(1), décide de lancer un hebdomadaire d’actualité, pour sonder “l’état d’âme d’une ville”. Forts de leur expérience dans le magazine culturel Côté Scène, ils rassemblent 100 000 francs (15 000 euros) pour se lancer dans cette aventure improbable, alors que Lyon ressemble au “triangle des Bermudes” de la presse. Lyon Libé, Lyon Figaro, Le Monde Rhône-Alpes, Lyon Matin… autant de titres adossés à d’importants groupes de presse, qui disparaissent petit à petit.
Ville froide
En 1994, Lyon ne ressemble en rien à la métropole d’aujourd’hui. Moins cosmopolite, moins étudiante, plus conservatrice. La ville souffre d’une réputation de froideur et est plutôt associée à ses bouchons autoroutiers qu’à ceux de sa gastronomie. Les notables lyonnais ont leur place réservée à vie au théâtre des Célestins(2). L’OL est un club qui végète dans le ventre mou du championnat et Lyon renonce à la candidature pour l’organisation des Jeux olympiques de 2004. La dynamique impulsée par le jeune quadra Michel Noir, élu en 1989, a néanmoins fait bouger des lignes – jusqu’à sa mise en examen suite à l’affaire Botton.
En 1994, Gérard Collomb n’est alors que député d’une ville qui n’a jamais vraiment penché à gauche. Mais, pressentiment ou désir inconscient mal contenu, c’est sur un entretien du candidat PS déclaré aux municipales – qui avait alors du mal à s’imposer et qui sera battu par Raymond Barre – que s’ouvre ce premier numéro du 19 octobre 1994 de Lyon Capitale. On connaît la suite…
Récession
Cette année-là, la place des Terreaux est aménagée par Daniel Buren, préfigurant l’urbanisme très minéral de Lyon et la piétonnisation future du centre-ville. Le cardinal Decourtray, primat des Gaules, disparaît. On dynamite les tours Démocratie aux Minguettes à Vénissieux, pour tenter de fermer la parenthèse des “événements” des banlieues, doux euphémisme pour évoquer l’échec de la politique de la ville. Le chômage en Rhône-Alpes atteint alors un taux jamais connu. La récession qui a débuté en France dans les années 1992-1993 se fait durement ressentir.
Enthousiasme débordant
C’est dans ce contexte de crise que Lyon Capitale se lance, avec l’idée de pointer le curseur sur les initiatives qui font bouger Lyon. Changer le visage de la ville… un vœu un peu naïf assurément, mais qui rencontre une adhésion inattendue. Des personnalités lyonnaises soutiennent l’initiative et créent une association de lecteurs pour aider financièrement le journal. Des débats politiques et sociétaux sont organisés dans des bars le jour de sortie de l’hebdomadaire. Lyon Capitale imagine les K de la culture – un prix pour récompenser les artistes émergents dans les différentes disciplines –, produit et encarte un CD musical de groupes lyonnais (Impuls’Lyon) sélectionnés par ses lecteurs. En 1995, la première édition des Nuits Capitale(s) voit le jour. Des milliers de personnes font la queue devant le parking flambant neuf des Terreaux où notre journal organise une fête incroyablement décalée, où se mélangent hommes politiques, acteurs du monde culturel, associatif et économique, étudiants… et oiseaux de nuit. Ces soirées improbables, renouvelées aux friches de Vaise et à celles de la Sucrière, ont inspiré les Nuits sonores, de l’aveu même de Vincent Carry, créateur du festival techno devenu un modèle en Europe. Cette même année, Lyon Capitale développe son site internet et devient l’un des premiers sites d’information en France sur le Web avec Libé et les Dernières Nouvelles d’Alsace, grâce notamment au flair d’un jeune universitaire, Ivan Beczkowski. Un pari technologique qui nous permet encore aujourd’hui d’être en tête dans les audiences.
Toute cette effervescence du début n’a pas été exempte de péchés de jeunesse. Comme ces quelques couvertures farfelues, ces combats éditoriaux parfois un peu trop exaltés… mais qui ont donné à ces premières années une couleur inédite. Celle d’une ambition pour notre ville, dont la démesure était proportionnelle aux rêves que de nombreux Lyonnais – dont vous, nos lecteurs – avaient pour elle. La suite de cette aventure, nous vous laissons la redécouvrir à travers 30 couvertures de notre journal qui, depuis
30 ans, prend le pouls de cette ville… si capitale à nos yeux.
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