Prix jeunes Talents France L'Oréal-Unesco Pour les Femmes et la Science.
Prix jeunes Talents France L’Oréal-Unesco Pour les Femmes et la Science.

Les scientifiques femmes donnent l'exemple à Lyon

Amélie Joly et Marine Dubreucq sont deux des cinq chercheuses lyonnaises à avoir été récompensées du Prix jeunes Talents France L'Oréal-Unesco Pour les Femmes et la Science.

Elles font partie de la short list des 35 scientifiques françaises - 20 doctorantes et 15 post-doctorantes - à avoir été sélectionnées en France parmi plus de 700 candidatures, par un jury d’excellence composé de chercheurs de l’Académie des sciences. 

Le Prix Jeunes Talents France L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science représente une immense reconnaissance pour elles et un soutien spécifique à un moment clé de leur carrière. D’une part, ces scientifiques prometteuses vont se voir attribuer une dotation qui les aideront à poursuivre leurs travaux de recherche, d’autre part, elles vont bénéficier de formations en communication et en leadership visant à leur donner des moyens supplémentaires pour mieux affronter le "plafond de verre" et mieux valoriser leurs recherches scientifiques.

En Europe, aujourd'hui, les femmes représentent seulement 29% des chercheurs en France, contre 32% au niveau mondial.

"La dépression périnatale touche environ 100 000 femmes par an en France."

Marine Dubreucq obtient son diplôme de sage-femme en 2015. Après quelques remplacements, c’est un poste en psychiatrie, en 2017, qui change tout. Bousculée par de nombreux témoignages de femmes relatant des violences et des stigmatisations dans un contexte périnatal, elle décide de reprendre des études pour mieux les accompagner. Exerçant aujourd’hui comme sage-femme en psychiatrie périnatale à Saint-Etienne, elle est également doctorante en épidémiologie depuis 2022. Sa thèse porte sur la formation des sage-femmes à la santé mentale périnatale. En parallèle, elle donne des cours aux internes en psychiatrie.

"Le manque de protéines dans l'alimentation sur le fonctionnement de l'organisme touche près de 150 millions d'enfants à travers le monde"

Avoir une vision globale du monde du vivant à toutes les échelles : c’est l’objectif que s’est donné Amélie Joly dès les débuts de ses études de biologie. Elle découvre alors très vite le domaine de la physiologie animale et se passionne pour la communication entre les organes, nécessaire pour faire fonctionner un organisme de manière harmonieuse. Pendant sa thèse, elle choisit d’étudier les effets d’un déficit chronique en protéines dans l’alimentation pendant l’enfance. En parallèle, elle partage ses connaissances en enseignant, mais aussi en participant à des événements de vulgarisation scientifique.

Les 5 chercheuses lyonnaises lauréats du Prix jeunes Talents L'Oreal-Unesco 2024

Marine Dubreucq
travaille à l’université Claude-Bernard. Ses travaux posent la question de la santé mentale en période de périnatale et comment l’améliorer. 

Lise Morlet-Decarnin est chercheuse au laboratoire de physique de l’ENS et réalise des recherches en physique atomique. Se concentrant sur les gels nanocristaux de cellulose, elle espère les utiliser pour la fabrication de matériaux plus respectueux de l’environnement.

Amélie Joly travaille à l’institut de génomique fonctionnelle, notamment sur l’organisme et comment ce dernier répond à la malnutrition protéique pendant l’enfance. Ses travaux devraient permettre de mieux prévenir et d’adapter les traitements des enfants souffrant de malnutrition en fonction de leur sexe.

Après avoir étudié quatre ans à l’institut des sciences pharmaceutiques et biologiques (ISPB) Lyon, Marion Chambon reçoit le prix ISPB en 2023 pour sa thèse en pharmacie. Ses recherches en phytochimie en Polynésie française vont être également récompensées cette année. A terme, ses recherches sur les plantes polynésiennes pourraient être utilisées pour développer des produits cosmétiques et pharmaceutiques en Polynésie Française. 

Muzhda Haem Rahimi travaille à l’hôpital Edouard Herriot. Ses recherches visent notamment à améliorer la prévention, le diagnostic et le traitement d’affections sévères chez les patients en réanimation. Ses recherches pourraient aboutir à la création de nouveaux traitements contre les réactions inflammatoires.


La retranscription intégrale de l'entretien avec Amélie Joly et Marine Dubreucq

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd'hui deux invitées, Amélie Joly et Marine Dubreuc. Amélie Joly bonjour. Marine Dubreucq bonjour.

Bonjour.

Vous êtes deux des cinq chercheuses lyonnaises, à recevoir, mardi 9 octobre à Paris, le Prix Jeunes Talents L'Oréal UNESCO. C'est un prix qui récompense les travaux de femmes scientifiques. Vous pourrez notamment bénéficier d'une bourse pour poursuivre vos travaux et des formations en communication et en leadership. Vous faites partie des 35 scientifiques françaises à avoir été récompensées cette année. On va commencer par vous, Amélie Joly. Dans quel domaine travaillez-vous et concrètement quelles applications ont vos recherches ?

Alors moi je poursuis mes travaux de doctorat à l'Institut génomique fonctionnel de Lyon, dans l'équipe de François Leulier. J'essaie de comprendre l'impact d'un manque de protéines dans l'alimentation sur le fonctionnement de l'organisme pendant l'enfance. Ce manque de protéines touche près de 150 millions d'enfants à travers le monde. Et moi, j'essaie d'explorer ces problématiques en utilisant des modèles animaux. Et ce qui m'intéresse, en particulier, c'est de comprendre les différences entre les mâles et les femelles dans la réponse physiologique à ce manque de protéines alimentaires.

Parce que la réponse n'est pas la même selon le sexe ?

Tout à fait. Ce que mes travaux ont montré, c'est que les mâles, quand ils sont face à ce manque de protéines, vont avoir tendance à favoriser la maturité sexuelle, alors que les femelles favorisent plutôt la croissance. Donc vous voyez ce sont des réponses qui sont très différentes.

Et vous Marine Debreucq, dans quel domaine exercez-vous ?

Moi, je suis sage-femme. J'exerce en psychiatrie périnatale et je suis également doctorante au laboratoire Reshape, à Lyon 1. Et je travaille sur la formation des sages-femmes à la santé mentale périnatale, puisque la dépression périnatale touche environ 100 000 femmes par an en France. C'est assez important. Le suicide concerne la principale cause de mortalité maternelle en période périnatale, avec un suicide maternel toutes les trois semaines. Et ce qui est également très important, c'est que 80% de ces suicides sont jugés évitables soit liés à un défaut de soins, soit à un défaut de repérage. Donc c'est quelque chose d'assez important sur lequel il faut agir. Et donc, le but de ce travail, c'est de pouvoir justement former les professionnels de périnatalité pour améliorer le repérage l'orientation et le devenir des parents concernés.

Manque-t-on de professionnels ?

Alors il y a aussi qu'il manque, effectivement, de de professionnels dans les maternités, notamment. Mais la formation des professionnels n'est pas centrée suffisamment sur ces thèmes-là. Pouvoir justement intégrer la santé mentale dans les soins courants de périnatalité est aussi important.

Vous recevez donc, pour vos recherches, ce Prix Jeunes Talents L'Oréal-Unesco. Pourquoi vous avez fait acte de candidature à ce prix ?

Amélie Joly : En fait, moi, au cours de mon parcours, j'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs jeunes femmes qui ont eu ce prix dans des éditions précédentes. Et pour moi maintenant, c'est vraiment les archétypes de scientifiques accomplies. Je les admire beaucoup. Et du coup, j'ai été très inspirée par leur parcours et j'ai tout simplement voulu suivre la même voie je dirais.

Et vous le fait d'avoir été lauréate de ce prix a été une surprise ?

Amélie Joly : Oui, évidemment. Je pense que dans ce genre de cas, c'est toujours un petit peu une surprise mais une excellente surprise. Je pense que ça va vraiment m'aider pour la suite de ma carrière.

Et vous Marine Dubreucq, pourquoi vous avez fait acte de candidature ?

Un petit peu par hasard. J'ai reçu le mail. On nous a transféré le mail par l'école doctorale. Mes proches m'ont poussée un petit peu à postuler. Et du coup, effectivement, comme Amélie, énorme surprise d'avoir été sélectionnée pour ce prix qui est quand même très sélectif.

Il y a une chose qui est quand même un point qui est intéressant sur lequel j'aimerais revenir c'est qu'aujourd'hui les femmes représentent seulement 29% des chercheurs en France, contre 32% au niveau mondial. Est-ce que vous le voyez dans vos laboratoires ou pas le fait qu'il y ait très peu de femmes au final ?

Marine Dubreucq : Alors dans le domaine de la santé, c'est vrai qu'il y a quand même de plus en plus de femmes, mais effectivement les postes hauts placés, de professeurs ou autres, sont effectivement - même si on a quand même des professeurs qui sont de plus en plus femmes -... il reste encore du travail à faire.

Oui à l'échelle Europe, seulement 14% des hautes fonctions académiques sont occupées par des femmes et moins de 4% sont prix Nobel scientifiques. Et vous, Amélie Joly, dans votre laboratoire, la parité est-elle respectée ?

Je suis tout à fait d'accord avec ce que dit Marine : en fait, la parité ça dépend à quel stade de la carrière. Moi , e travaille en biologie et c'est vrai que c'est une discipline où il y a beaucoup de femmes par rapport à d'autres domaines, comme par exemple les mathématiques ou les sciences de l'ingénieur. Mais, en fait, quand on regarde dans des stades de début de carrière doctorant, post-doctorant, il y a presque plus de femmes que d'hommes. Et par contre, quand on regarde à des stades plus avancés de la carrière, directeur de recherches directeur d'institut, la tendance va complètement s'inverser. Donc, je pense que c'est une bonne illustration du phénomène du plafond de verre dont on a pu entendre parler.

Est-ce que ça veut dire que vous avez une sorte de rôle à jouer une responsabilité le fait que vous soyez toutes les deux distinguées par ce prix auprès des autres sur le fait que les femmes ont leur place aussi toute leur place ?

Marine Dubreucq : Oui, c'est aussi ce qu'on va faire dans le cadre de ce prix. C'est aussi rencontrer des lycéens, des lycéennes, effectivement, pour les encourager à peut-être oser aussi aller faire ces carrières-là parce que souvent je pense qu'on se restreint.

Merci à toutes deux d'être venues sur plateau de 6 minutes chrono.

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