Fabrice Balanche
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Fabrice Balanche : "le Hezbollah est provisoirement brisé"

Fabrice Balanche, maître de conférences en géographie à Lyon II et spécialiste du Proche Orient, est l'invité de 6 minutes chrono. Un entretien réalisé avant l'attaque iranienne sur Israël.

Malgré les attaques d'Israël sur le Hezbollah au Liban ces derniers jours, Fabrice Balanche, spécialiste du Proche-Orient et géographe à Lyon II, estime que l'organisation chiite n'est que provisoirement décimée : "il est en train de reconstituer son organisation. Il y a un nouveau leader qui a été nommé, Hachem Safieddine, le cousin de Nasrallah, qui est marié à la fille de Qasem Soleimani, qui était le chef des gardiens de la révolution de la force Al-Qods, donc quelqu'un qui est très lié à l'Iran, qui est sur la même ligne que Nasrallah, voire pire, très pro-iranien, donc ils sont en train de reconstituer leur organisation, ça c'est la priorité, et ils disposent toujours d'un énorme stock de roquettes et de missiles, notamment des missiles moyennes portées, qui peuvent frapper Israël".

Il considère que depuis le 7 octobre 2023 Israël et son gouvernement "sont dans une guerre existentielle aujourd'hui".

La retranscription intégrale de l'entretien avec Fabrice Balanche

Bonjour à tous et bienvenue, vous regardez 6 minutes chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale, aujourd'hui nous accueillons Fabrice Ballanche. Vous êtes maître de conférences en géographie à Lyon 2, spécialiste du Moyen-Orient, actualité plus que brûlante ces derniers jours et pour, on imagine encore de longues semaines, de longs mois. Je voulais revenir avec vous sur les opérations israéliennes, notamment au Liban, comment Israël a réussi presque à décimer le Hezbollah, même si peut-être que de nouvelles têtes vont repousser, mais comment Israël a réussi finalement à déstabiliser autant cette organisation militaire en seulement deux semaines ?


Israël a tiré les leçons de la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah à l'époque où ils avaient bombardé le Liban, ensuite ils avaient essayé d'envahir le Liban et l'offensive terrestre avait été un échec, ce qui les a obligés à reculer et à signer un cessez-le-feu avec le Hezbollah, sous parrainage européen, notamment français. Là aujourd'hui c'est différent, là ils utilisent vraiment tous les moyens technologiques à leur disposition pour briser les réseaux de communication et décimer la colonne vertébrale du Hezbollah avec son cerveau, Hassan Nasrallah, en utilisant de la haute technologie et également ils ont réussi à infiltrer le Hezbollah au plus haut niveau puisqu'il a fallu que quelqu'un serre la main à Nasrallah pour l'enduire d'une crème traçante qui a permis à Israël de le localiser. Et ça donc c'est 18 ans d'infiltration, de suivi du Hezbollah pour pouvoir en quelques jours le briser.

Est-ce que le Hezbollah est brisé aujourd'hui, en l'état actuel ?

Oui, il est brisé provisoirement, là il est en train de reconstituer son organisation. Il y a un nouveau leader qui a été nommé, Hachem Safieddine, le cousin de Nasrallah, qui est marié à la fille de Qasem Soleimani, qui était le chef des gardiens de la révolution de la force Al-Qods, donc quelqu'un qui est très lié à l'Iran, qui est sur la même ligne que Nasrallah, voire pire, très pro-iranien, donc ils sont en train de reconstituer leur organisation, ça c'est la priorité, et ils disposent toujours d'un énorme stock de roquettes et de missiles, notamment des missiles moyennes portées, qui peuvent frapper Israël".


Pourquoi ils ne s'en servent pas pour l'instant ? Parce qu'on a l'impression que l'attaque est pour l'instant à sens unique...


Oui, alors ils s'en sont servis, puisque depuis un an, on a quand même des roquettes qui tombent régulièrement sur le nord d'Israël, jusqu'à Haifa, ils ont essayé de riposter en envoyant des salves de roquettes, mais vous avez donc ce dôme de fer, ce système antiaérien israélien, qui permet de détruire les roquettes et les missiles dans le ciel, sauf évidemment si vous avez plusieurs milliers de missiles qui partent en même temps, et qui saturerait le dôme de fer, et qui en laisserait passer Donc ils ont encore cette possibilité, mais c'est le fusil à un coup. C'est le fusil à un coup. Le problème, c'est qu'aujourd'hui, il faudrait qu'il soit ravitaillé par l'Iran. Or, si l'Iran envoie des missiles au Hezbollah, un, ils risquent d'être détruits sur les routes entre l'Iran et le Liban, via la Syrie, via l'Irak, parce que les Israéliens surveillent tout ça, et deux, si l'Iran fait ça, et bien les Israéliens risquent d'aller frapper directement la source, c'est-à-dire l'Iran.


Est-ce qu'on sait, est-ce qu'on peut deviner ce qu'Israël cherche, quelle est la finalité de cette offensive ?


Ce qu'il faut comprendre, c'est que le 7 octobre, le pogrom perpétré par le Hamas, c'est l'équivalent du 11 septembre. Et on a vu ce qui s'est passé après le 11 septembre, l'attaque de l'Afghanistan, l'attaque de l'Irak, les Etats-Unis qui ont besoin de restaurer leur puissance militaire, ce qu'on appelle le hard power, pour se faire craindre et éviter que d'autres attaquent les Etats-Unis ou les intérêts américains, Israël c'est pareil. Ils ont frappé le Hamas, qui était l'outil du pogrom du 7 octobre, et là, ensuite il fallait frapper le Hezbollah, qui est la menace au nord, la menace la plus sérieuse et la plus proche. Et il faudrait aussi frapper la tête, c'est-à-dire l'Iran, ça c'est une autre affaire, est-ce qu'ils le feront seuls ? Est-ce qu'ils ont besoin des Etats-Unis ? Grande question. Donc voilà dans quel esprit on est aujourd'hui en Israël, parce qu'ils considèrent que après le 7 octobre, c'était vraiment l'existence d'Israël qui était menacée, ils sont dans une guerre existentielle aujourd'hui.

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