La place des Terreaux recouverte de vélos samedi en fin d’après-midi. @TomDoss

Cycliste tué : "On se demandait quand ça allait arriver"

Alexandre Deloffre est administrateur de La Ville à Vélo. Il était sur le plateau de l'émission "6 Minutes Chrono" de Lyon Capitale pour parler des violences faites aux cyclistes, dans le contexte de la mort du jeune Paul Varry, tué sous les roues d'un SUV à Paris.

L'administrateur de l'association La Ville à Vélo débute en décrivant comment il a reçu la nouvelle de ce drame : "ça a été très fort. On est nombreux, dans les bénévoles des associations cyclistes, à s'être reconnu dans ce qu'a vécu Paul. On ne se demandait pas si ça allait arriver. On se demandait quand ça allait arriver. On ne s'attendait pas forcément à ce que ce soit aussi violent. C'est pour cela que ça a été important pour nos associations d'organiser des rassemblements en hommage à Paul, pour alerter sur le besoin de lutte contre la violence motorisée, en particulier vers les usagers vulnérables, et pour partager. C'est très fort ce qui s'est passé. On a eu beaucoup de témoignages de cyclistes qui relatent des agressions ou des mises en danger volontaires qui font froid dans le dos."

Lire aussi : Hommage à Paul Varry : plus d'une centaine de vélos allongés devant l'Hôtel de Ville de Lyon

Alexandre Deloffre poursuit en expliquant la difficulté de chiffrer les violences sur les cyclistes : "Il n'y a pas de chiffres pour une raison très simple. C'est qu'il est très difficile de porter plainte suite à ce genre d'événement. On n'est pas très loin d'être dans le même genre de contexte pour les violences faites aux femmes. Pour vous donner un ordre d'idée, on a accompagné une cycliste qui est passée très près de la mort. Elle a failli se faire faucher par un conducteur. Malgré la présence d'un témoin qui a filmé la scène, il lui a fallu trois reprises au commissariat pour réussir à déposer plainte. Et quand la plainte est déposée, il faut encore qu'elle soit suivie d’effets. Or elles sont trop souvent classées sans suite et il n'y a pas de suivi de justice. De ce point de vue, notre association La Ville à Vélo veut mettre en place, avant la fin de l'année, un outil d'accompagnement des cyclistes qui seraient victimes d'agressions ou de violences volontaires motorisées dans leur démarche judiciaire."

Plus de détails dans la vidéo sur les solutions, l'exemple des pays nordiques...


Bonjour à tous, bienvenue dans l'émission 6 minutes chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale. Aujourd'hui, on va parler des violences faites aux cyclistes. Le contexte, c'est celui de la mort de Paul Varry, un jeune militant cycliste parisien, tué par un automobiliste tragiquement la semaine dernière. Pour en parler, nous recevons Alexandre Deloffre, l'administrateur de La Ville à vélo. Bonjour Alexandre Deloffre. Merci d'être venu sur notre plateau. On va rentrer dans le vif du sujet. Comment avez-vous réagi vous à l'annonce de ce drame de la semaine dernière ? 

Avec beaucoup d'émotions, ça a été très fort. On est nombreux, dans les bénévoles des associations cyclistes, à s'être reconnu dans ce qu'a vécu Paul. On ne se demandait pas si ça allait arriver. On se demandait quand ça allait arriver. On ne s'attendait pas forcément à ce que ce soit aussi violent. C'est pour cela que ça a été important pour nos associations d'organiser des rassemblements en hommage à Paul, pour alerter sur le besoin de lutte contre la violence motorisée, en particulier vers les usagers vulnérables, et pour partager. C'est très fort ce qui s'est passé. On a eu beaucoup de témoignages de cyclistes qui relatent des agressions ou des mises en danger volontaires qui font froid dans le dos. 

C'est une question que j'avais. Ce n'est pas un fait divers tiré de son contexte instrumentalisé. Il y a pour vous un vrai phénomène de violence faite aux cyclistes. Est-ce que vous pouvez développer un petit peu ? Est-ce qu'il y a des chiffres par exemple ? 

Il n'y a pas de chiffres pour une raison très simple. C'est qu'il est très difficile de porter plainte suite à ce genre d'événement. On n'est pas très loin d'être dans le même genre de contexte pour les violences faites aux femmes. Pour vous donner un ordre d'idée, on a accompagné une cycliste qui est passée très près de la mort. Elle a failli se faire faucher par un conducteur. Malgré la présence d'un témoin qui a filmé la scène, il lui a fallu trois reprises au commissariat pour réussir à déposer plainte. Et quand la plainte est déposée, il faut encore qu'elle soit suivie d’effets. Or elles sont trop souvent classées sans suite et il n'y a pas de suivi de justice. De ce point de vue, notre association La Ville à Vélo veut mettre en place, avant la fin de l'année, un outil d'accompagnement des cyclistes qui seraient victimes d'agressions ou de violences volontaires motorisées dans leur démarche judiciaire. 

C'est assez courant finalement, ce ne sont pas des témoignages isolés ? 

 
Pratiquement tous les bénévoles de nos associations ont vécu ce genre d'événement. Pas aussi grave, là on est vraiment au paroxysme, mais on s'en approche. 

Et Lyon n'est pas épargné ? Il y a beaucoup sur les réseaux sociaux de comptes qui mettent en avant ce genre de violences, mais ce sont des comptes souvent parisiens, il y en a aussi à Lyon, ça existe, mais je voulais vous demander s'il y avait la même chose à Lyon, si c'était aussi courant ? 

Il y a la même chose à Lyon, c'est très dépendant de la densité de circulation, c'est très dépendant de la qualité des aménagements. Lyon progresse dans ce domaine-là, mais partout où les aménagements ne sont pas là, où ne sont pas au point, on continue de voir des occasions de conflits qui peuvent dégénérer. 

J'allais vous demander, vous faites la transition, quelles sont les solutions, c'est de l'aménagement urbain pour bien séparer la voirie finalement, pour qu'il n'y ait pas de conflits d'usage, ou c'est l'éducation sur la conduite au volant, les attitudes au volant ? Qu'est-ce que vous proposez comme solutions pour éviter que ça ne se reproduise plus finalement ? 

Alors il faut d'abord réduire les possibilités de conflits, effectivement les aménagements sont importants, on a de bons exemples, par exemple sur la voie lyonnaise numéro 1 au croisement du quai Victor-Augagneur et du pont Wilson, où le carrefour a été refait, on avait beaucoup de difficultés à traverser avec des automobilistes qui forçaient la priorité, aussi bien aux cyclistes qu'aux piétons, depuis l'aménagement ça s'est beaucoup amélioré. On doit aussi avoir des aménagements qui soient homogènes et lisibles, c'est pas toujours le cas, et après effectivement il y a une question d'éducation, alors ça touche tous les usagers, l'éducation pour les cyclistes, les associations de cyclistes portent le “savoir rouler” à vélo qui forment les élèves à devenir de futurs automobilistes mais aussi de futurs cyclistes. Il doit aussi y avoir un message à l'endroit des automobilistes, ça serait plutôt le travail de la sécurité routière, sauf qu'aujourd'hui la sécurité routière, quand elle parle des usagers vulnérables, dans les deux tiers des cas c'est pour les accabler ou pour leur faire porter la responsabilité de leur propre sécurité. On devrait renommer cet organisme France Bagnoles. 

Mais c'est intéressant en tout cas, l'éducation doit être générale, il n'y a pas deux camps. D'ailleurs souvent les cyclistes sont aussi automobilistes et inversement. 

Bien sûr, moi je suis automobiliste. Après on commence à avoir des personnes qui délaissent totalement la voiture, on a une réduction de la part des ménages qui possèdent un véhicule sur la métropole lyonnaise et ça ne cesse de progresser. On va friser les 40% donc c'est très important. Il faut leur offrir des alternatives de la même façon que pour les personnes qui résident pas trop loin. Il faut leur permettre de circuler autrement qu'en voiture parce que c'est très difficile. Le vélo est une solution. 

On en parlait avant l'émission, les pays du nord ont de l'avance sur l'usage des vélos. Il y a beaucoup plus de proportions de la population qui les utilise. Qu'est-ce que ça change ? Il y a moins d'incivilités ou de violences extrêmes comme on l'a vu la semaine dernière ? 

Oui, il y a une meilleure compréhension de ce que sont les différents modes de déplacement. Je viens de passer quelques jours à Copenhague cet été et c'est vraiment frappant. Les déplacements des différents modes sont beaucoup plus lisibles, beaucoup plus homogènes. Ils sont faciles à comprendre et même avec des enfants, on s'empare des différents modes de transport aussi bien à pied, à vélo qu'en voiture, beaucoup plus facilement que dans une ville qu'on connaît déjà, en France. 

Et forcément il y a probablement moins de conflits que l'on peut voir chez nous. 

Une meilleure compréhension aussi par le fait que 95% des habitants de Copenhague utilisent régulièrement le vélo. En France on est à moins de 10 millions sur tout le pays qui pratique régulièrement le vélo. On a un chemin important pour s'approprier ce mode de déplacement. 

Ce sera le mot de la fin, merci beaucoup. C’est la fin des 6 minutes chrono. Quant à vous, je vous remercie d'avoir suivi cette émission. Vous pourrez retrouver plus de détails sur les voies lyonnaises notamment et puis l'actualité du vélo sur le site lyoncapitale.fr. A très bientôt.  

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