Notre sélection littéraire : "La Troisième Vie", du grand Ar(t)fi !

Le journaliste Fabrice Arfi nous embarque dans un passionnant récit, émaillé d’anecdotes croustillantes sur la politique, la presse et le milieu de l’espionnage.

La citation qui ouvre le dernier livre de Fabrice Arfi, La Troisième Vie, et qui en explique le titre est de Gabriel García Márquez : “Tout le monde a trois vies : une vie publique, une vie privée et une vie secrète.” C’est évidemment la vie secrète qui intéresse en priorité le journaliste (qui a fait ses premières armes à Lyon au Figaro Rhône-Alpes puis à Tribune de Lyon, avant de rejoindre Mediapart) mais aussi, sans doute encore davantage, l’écrivain (il a notamment écrit D’argent et de sang, dont Xavier Giannoli a tiré une formidable série).

Problème souvent insoluble, la vie secrète est la moins accessible. Même pour un enquêteur hors pair comme Fabrice Arfi (on lui doit nombre de révélations sur des hommes politique tels Nicolas Sarkozy ou Jérôme Cahuzac), habitué à fouiller toutes les archives à sa disposition et détenant un réseau étendu de relations et d’informateurs dans tous les milieux, y compris les plus troubles. C’est d’ailleurs le récit d’une enquête sur un homme particulièrement difficile à cerner que retrace La Troisième Vie.

Elle concerne Vincenzo Benedetto (et son possible géniteur Benedetto Benedetto qui participa aux terribles batailles de l’Isonzo durant la guerre 14-18). Un dessinateur industriel roumain qui quitta la Roumanie en 1969 pour mener une existence obscure, quasi anonyme, à Villeurbanne. Était-il un espion, une “légende”, un agent de liaison travaillant pour Charles Hernu (dont les activités de renseignement au profit de ce qu’on appelait alors “le bloc de l’Est” ne laissent que peu de doutes) ?

“Plus les années ont passé et plus Benedetto est devenu une obsession. J’ai accumulé des milliers de pages sur lui, noirci des carnets de notes entiers. J’ai visité des centres d’archives à Paris, Vincennes, Lyon, Villeurbanne, voyagé en Roumanie, essayé d’échanger avec le maximum de personnes ayant pu croiser sa route, je me suis abreuvé de connaissances sur l’histoire de la DST, l’espionnage roumain, Ceausescu, Pacepa, Caraman, sur l’immigration italienne à Lyon, la Première Guerre mondiale et les batailles de l’Isonzo, sur Hernu et la Mitterrandie.”

Le livre témoigne de cet acharnement à dévoiler une vérité crédible sur cet homme insaisissable. Fabrice Arfi nous embarque dans un passionnant récit, émaillé d’anecdotes croustillantes sur la politique, la presse et le milieu de l’espionnage. In fine, on en sait sans doute autant sur l’enquêteur que sur l’enquêté, ce qui n’est en rien un problème.


La Troisième Vie – Fabrice Arfi, éditions du Seuil, 240 p., 20 €.

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